Vers une Europe-puissance

Sous-titré « Comment aboutir concrètement à l’Europe de la défense », cet ouvrage suscite rapidement une autre question : comment traiter cette problématique
en 140 pages - surtout en commençant en l’an 496 ?

Nécessairement, en coupant dans les virages, et l’auteur l’assume régulièrement : trois périodes pour délimiter l’évolution des conflits en Europe, de grandes masses pour comparer les budgets et effectifs militaires sans s’appesantir sur des subtilités relatives par exemple aux périmètres comparés, quelques pages sur les avions pour évoquer l’européanisation de la BITD... Il s’agit d’être non pas méticuleux ou exhaustif, mais plutôt efficace : souligner les limites, et surtout les paradoxes,
de la situation dans laquelle se trouve l’Europe.

Suivent deux parties, qui étonnamment sont à la fois les plusattendues mais peut-être les plus intéressantes, consacrées d’abord à expliquer les différences d’approches entre pays européens à partir de leurs histoires, en dégageant 4 catégories, puis à souligner le décalage (et sa singularité, et les risques induits) entre l’intégration européenne dans  nombre de domaines et la faiblesse de l’affirmation de l’Europe, en tant que telle, comme puissance capable de défendre ses intérêts de façon autonome.

Le livre se termine par un exercice de prospective qui tient du programme politique ou de la proposition de constitution, avec une approche qui peut sembler radicale : plutôt que de pousser toujours plus loin l’intégration (essentiellement) économique et d’y ajouter progressivement une intégration diplomatique et militaire, la première facilitant la seconde en faisant converger les intérêts, l’auteur préconise une sorte de grand bond en avant avec en particulier la création de ministères européens de la Défense et des affaires étrangères, et la suppression de leurs prédécesseurs nationaux, la coordination des autres domaines se poursuivant essentiellement comme aujourd’hui.

En refermant cet ouvrage, le lecteur averti aura  probablement envie de discuter ou nuancer quelques-unes de ses affirmations, ou encore d’insister sur les difficultés que l’auteur ne cache pas, et son camarade moins familier  des questions de défense sera certainement plus attentif à ces problématiques quand elles surgiront dans l’espace public. En somme, il s’agit d’une contribution et d’une invitation au débat.