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Trois combattants de la première guerre mondiale équipés contre les gaz
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01 février 2017

PROLIFÉRATION CHIMIQUE ET BIOLOGIQUE

Comment rendre les instruments internationaux plus efficaces et comment éviter que des groupes terroristes ne parviennent à produire et employer des armes à la fois efficaces et à fort effet psychologique ?


Fin août 2016, après un an d’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, l’ONU a conclu que le régime syrien était responsable de deux attaques au chlore dans la province d’Idlib, en 2014 et 2015, après la signature de la Convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC) par ce pays en 2013. Elle a aussi estimé que les djihadistes de Daech avaient utilisé du gaz moutarde à Marea (province d’Alep) en août 2015. Ces deux exemples illustrent parfaitement les interrogations actuelles.

Bref historique des armes chimiques  et  biologiques

Prenant appui sur une industrie en fort développement, l’arme chimique a été largement employée durant la 1ère guerre mondiale. Son bannissement a très vite été demandé par les principales puissances et le protocole de Genève a interdit dès 1925 l’emploi des armes chimiques et biologiques. Aujourd’hui, on considère que ce protocole fait partie intégrante du droit international coutumier et qu’à ce titre, tous les États, parties ou non, sont tenus par ses dispositions. Cependant, il n’interdit que l’emploi de ces armes : il en a donc peu freiné le développement et n’a malheureusement pas pu empêcher la constitution de stocks d’agents militaires de plus en plus sophistiqués. L’arme chimique ne fut pas employée lors de la 2ème guerre mondiale : On peut paradoxalement interpréter ce non-emploi comme résultant du caractère dissuasif des arsenaux considérables alors constitués. Ces arsenaux ont continué à s’accroître et à se perfectionner au cours de la guerre froide.

Il faut attendre 1993 et l’ouverture à la signature de la CIAC pour que des mesures contraignantes soient enfin proposées, marquant ainsi un arrêt de la course aux armements chimiques.
Fort heureusement, l’arme biologique n’a jamais été employée à grande échelle, même si son potentiel a été très tôt appréhendé. On peut citer l’activité de l’unité 731 de l’armée impériale japonaise qui développa dès 1932 des armes bactériologiques, employées contre l’URSS et la Chine. L’absence de contrôle de la dissémination de l’arme biologique a sans doute contrarié l’intérêt que les états-majors lui portaient initialement.

 

Les instruments internationaux de lutte contre la prolifération des armes chimiques et biologiques

- Les deux traités d’interdiction Deux traités de désarmement (CIAC, 1993 et Convention sur l’interdiction des armes biologiques ou à toxines CIABT, 1972) offrent des instruments juridiquement contraignants visant à prévenir, réduire et écarter toute menace d’emploi. Ils interdisent (sauf exception à des fins de protection) la production, le stockage et l’emploi d’agents chimiques et biologiques, ainsi que le transfert de toute capacité afférente à un pays tiers.

Aujourd’hui, 192 Etats sont membres de la CIAC. Ils représentent plus de 98 % de la population mondiale et la majorité des bassins industriels chimiques. Un processus opérationnel d’inspection des installations chimiques déclarées et des sites de stockage d’armes chimiques y est mis en œuvre par une entité indépendante : l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Quant à elle, la CIABT compte 175 Etats membres. Contrairement à son homologue chimique, elle ne comporte pas de régime de vérification de ses dispositions, principe auquel se sont opposés les Etats-Unis.

- Le groupe Australie
Utilisées pendant le conflit avec l’Iran, certaines armes chimiques irakiennes avaient été réalisées avec des précurseurs commercialisés sans contrôle. Un régime multilatéral de contrôle des exportations, le Groupe Australie,  a donc été créé en 1985 dans le seul domaine chimique avant d’être étendu au domaine biologique en 1990. Il fédère aujourd’hui 41 pays et constitue un complément important aux deux conventions de désarmement, en palliant les risques de détournement de leur périmètre.

-  Une adaptation des instruments est nécessaire
Les deux traités précités ont en effet été construits pour désarmer de grandes puissances disposant de moyens importants et de technologies poussées leur permettant de produire des agents complexes ciblés.

Leur existence n’est en outre pas un rempart absolu. Par exemple, l’URSS n’a pas respecté ses engagements en développant dans le plus grand secret son programme d’armements biologiques "Biopreparat", dont l’ampleur n’a été révélée qu’en 1992. Plus récemment, le cas syrien démontre qu’un pays peut ne pas respecter les engagements qu’il a souscrits. De nombreux pays demandent ainsi un renforcement des mesures, afin d’éviter que l’utilisation de ces armes ne se normalise. Certains proposent que l’usage de telles armes soit qualifié de crimes de guerre ou contre l’humanité et que leurs auteurs soient traduits devant le tribunal pénal international.

L’accroissement du risque terroriste

L’actualité nous a montré récemment avec Daech qu’il est possible de produire de l’ypérite sous réserve de disposer d’une voie de synthèse éprouvée et d’un minimum d’infrastructures. Les armes chimiques et biologiques sont désormais davantage des armes « tactiques » destinées à déstabiliser l’adversaire, dans le cadre d’une guerre asymétrique ou d’une action terroriste : action psychologique plutôt qu’effet de masse. Le développement considérable des moyens de production et des échanges commerciaux, conjugué à l’augmentation notable du niveau d’éducation et à la facilitation de l’accès aux connaissances accroît le risque de la production d’armes chimiques ou biologiques. A plus long terme, l’absence de contrôle de la diffusion de nouvelles technologies peut avoir des effets négatifs : par exemple, les biotechnologies. Une évolution de notre dispositif de défense est donc nécessaire pour prendre en compte l’évolution de la menace, tant sur les théâtres d’opérations extérieures que sur notre territoire. Cette évolution est en cours depuis les années 1980.

L’action de l’Etat en matière de lutte contre la menace biologique et chimique

Les armées sont de longue date exposées à la menace biologique et chimique ; la DGA s’est organisée pour assurer l’appui technique aux autorités nationales dans ce domaine, en développant des capacités uniques pour la protection des forces armées et en contribuant à l’évaluation, la surveillance, le contrôle et la réduction des menaces. Ces travaux mobilisent tant son expertise technique que ses compétences managériales liées à la conduite des programmes d’équipements de défense. Progressivement, la protection du territoire et des populations civiles a pris plus d’importance. Au niveau interministériel, le SGDSN est responsable, depuis 1980, de l’élaboration des plans gouvernementaux Piratox (terrorisme chimique), Piratome (terrorisme nucléaire ou radiologique) et Biotox (terrorisme biologique). En 2010, un plan unique « Pirate NRBC » s’est substitué à ces trois plans. Ce plan (classifié), fournit une aide à la décision au profit du Premier ministre et des ministres concernés (intérieur, santé, défense, industrie…) lors de l’exécution ou de la menace d’exécution d’une action malveillante ou à caractère terroriste utilisant des matières, agents ou produits NRBC. Il constitue une boîte à outils recensant l’ensemble des mesures permettant de gérer une crise NRBC au niveau gouvernemental. Il précise l’organisation gouvernementale de gestion de crise. A partir de six situations de référence, des mesures ont été définies, telles que la mise en alerte d’équipes spécialisées, la diffusion de l’alerte et de consignes aux populations menacées.

- Avant l’attentat

L’action conjointe des services de renseignement et des forces de sécurité peut permettre de déjouer un projet d’attentat NRBC. Si des engins improvisés de nature NRBC sont utilisés, il est fait appel au détachement central interministériel d’intervention technique pour sécuriser et démanteler l’engin. Les unités d’intervention antiterroristes sont également entraînées et équipées pour agir en milieu contaminé (force d’intervention de la police nationale, groupe d’intervention de la gendarmerie nationale…).

- Après l’attentat

Cette phase porte sur le secours aux victimes et sur le traitement des conséquences de l’attentat. C’est le rôle des intervenants (sapeurs-pompiers, SAMU, forces de sécurité…), notamment ceux qui, équipés de protections spécifiques, interviennent sur les lieux de l’attentat. Gardons cependant en mémoire que le terrorisme chimique demeure pour l’heure marginal et les technologies usitées rudimentaires, notamment l’acquisition des capacités nécessaires à la militarisation effective d’un agent demeure une barrière technologique.

 

Raphaële PAILLOUX, IGA Directrice de l’unité de management NBC à la DGA
Raphaële Pailloux (X86, ENSTA) a commencé sa carrière à la DGA dans le domaine de la dissuasion et des missiles, puis a travaillé sept années dans le renseignement sur la prolifération NRBC. Elle a été nommée en novembre 2010 directeur de l’unité de management NBC à la direction des opérations de la DGA.

 

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