

DINER-DÉBAT AVEC ANNE-SOPHIE CARRESE
PARTENAIRE CHEZ ELAIA
Lors de notre sixième dîner-débat en 2024, nous avons eu le plaisir d’accueillir notre camarade Anne-Sophie Carrese, Partner chez Elaia Partners (Elaia), sur le thème « Venture Capital et Deep Tech ». Si la participation à ce diner-débat fut moins importante qu’espérée, ce qui constitua pour l’équipe diners-débats une légère déception, nos camarades étaient présents, la très grande satisfaction des participants (100% de très satisfaits et satisfaits) à l’issue de ce diner-débat constitua un grand plaisir qui confirmait l’intérêt du thème retenu pour cette soirée et la qualité de l’intervenant retenu.
Une première expérience à la DGA
X95, Anne-Sophie opte pour le corps de l’Armement et débute sa carrière en 2000 comme ingénieure d'essais au CEPr (DGA-Essais Propulseurs).
Anne-Sophie a donc connu sa première expérience professionnelle au CEPr, alors dirigé par l’IGA Jacques Sauvaget. Elle participa notamment avec plaisir aux essais du moteur M88 du Rafale avant sa mise en production. En revanche, le niveau d’activité du Centre connaissait une baisse importante compte tenu de la réduction des budgets de défense et du rythme des nouveaux développements. Enfin, elle suit de près la négociation de l’accord sur les 35 heures entre la Direction du Centre et les syndicats, dont l’application est difficile dans un centre qui connaît des périodes de charge très importantes suivies de périodes de très faible activité. Elle y apprend ainsi le fonctionnement d’une unité industrielle et y découvre les problèmes humains de pilotage du plan de charges.
Anne-Sophie retient avant tout de ce premier poste la passion des personnels de la DGA, passion qui permet de surmonter les aléas techniques et de charge, ainsi que la fierté de voir le vol des appareils après les essais de ses moteurs au CEPr.
Devant cette baisse importante d’activités, le centre se mobilise ainsi pour trouver des activités additionnelles. Une bouffée d’oxygène survient après beaucoup d’efforts de la Direction grâce à un important contrat qu’Anne-Sophie a négocié avec Rolls-Royce sur des essais d’un de ses moteurs. Elle conserve de cette opération deux souvenirs majeurs : la présence d’ouvriers britanniques à Saclay et la négociation du contrat avec Rolls-Royce sans aucune relecture du contrat par un juriste !
Plus largement, malgré sa courte durée (2 ans), Anne-Sophie retient de cette première expérience au sein de la DGA deux leçons principales : tout d’abord, une combinaison entre une nécessaire école de la « débrouille » et une grande rigueur professionnelle exigée par la nature très complexe des produits testés, mais également l’importance de la gestion de l’humain dans un centre d’essais où l’on trouvait de nombreux ouvriers d’État.
Le virage vers le secteur financier
Anne-Sophie rejoint alors en 2002 le monde de la finance mais en restant au service de l’État : un premier poste à la Coface, où elle œuvre pendant 5 ans sur les garanties à l’exportation associées aux opérations dans le domaine des transports. Puis en 2007, elle entre à la Caisse des Dépôts comme directrice d’investissements dans les énergies renouvelables où elle contribue au lancement de l'activité. Elle y pilote des investissements dans des projets et auprès de développeurs d'infrastructures d'énergies renouvelables. Enfin, elle rejoint BPI France Investissement en 2009 pour diriger le fonds Eco Technologies avec la structuration et levée des fonds de capital-risque de 150 M€ et 50 M€ dédiés à l'Énergie, aux Cleantech et aux Smart city. C’est durant cette période qu’Anne-Sophie apprend le métier de fonds d’investissement et développe sa connaissance fine des mécanismes de financement de la puissance publique.
L’aventure Elaia
Après ce parcours très riche, Anne-Sophie entre dans le secteur privé où elle rejoint en 2017 le jeune fonds de venture capital, Elaia, qui souhaitait développer son activité de levée de fonds auprès d’investisseurs institutionnels. Ce fonds était à l’époque constitué de seulement 8 personnes ! Anne-Sophie a vite constaté que la croissance de ce fonds nécessitait très rapidement un effort important de structuration et de mise en place d’un minimum de process afin de rassurer les éventuels investisseurs. Son expérience de 17 ans au sein du secteur public fut alors très utile pour aider l’équipe à mettre en place les outils nécessaires.
Dans un premier temps, Anne-Sophie nous présente rapidement Elaia, société de gestion de fonds de capital-risque indépendante axée sur l'économie digitale et la Deep Tech. Elaia gère aujourd’hui plus de 700 M€ et investit dans des entreprises à fort potentiel tournées vers l'économie de rupture, des premiers tours de table à l'émergence de leaders internationaux. Elaia se positionne à l’amorçage d’activités des start-ups (seed) correspondant aux premiers financements d’une start-up après le love-money des proches. Elaia crée ainsi des fonds d’une durée maximale de 10 ans, conformément à la réglementation. Les premières années sont consacrées à la recherche, l’investissement et l’accompagnement de jeunes pousses. Elle souligne que le choix de la jeune pousse repose en partie sur le concept proposé par la start-up, mais principalement sur la qualité du/des fondateur(s) et de son équipe initiale. Ces fonds sont ensuite liquidés pour rendre aux investisseurs leurs capitaux, avec dans toute la mesure du possible un retour positif.
Elaia investit ainsi dans le numérique et la deep tech (Intelligence Artificielle (IA), cybersécurité, infrastructures mais aussi quantique…) dans des secteurs d’activité très variés (industrie, santé, services…). A titre d’illustration, elle soutient actuellement des jeunes sociétés qui proposent grâce à l’intelligence artificielle des diagnostics en oncologie ou des nouveaux matériaux !
Pour Anne-Sophie, force est de constater que le rythme et l’excitation ont changé par rapport à son expérience dans le secteur public. En effet, tous les 5 ans, le fonds doit créer de nouveaux fonds avec une recherche de nouveaux investisseurs. Or, devenu de plus en plus compétitif, le marché du Venture Capital obéit à une règle simple : croître ou mourir !
Interrogé sur l’investissement en matière de défense, Anne-Sophie insiste sur la nécessité pour les start-ups de défense de ne rester ni mono-domaine (défense) ni mono-client (DGA), afin d’optimiser les perspectives de sortie du fonds à des conditions favorables à ses investisseurs, cette sortie intervenant en moyenne au bout de 5 à 7 ans. Par ailleurs, la complexité des produits de défense peut être ressentie comme un handicap par les fonds de VC. Enfin, elle souligne le manque d’investisseurs en Europe, conduisant malheureusement souvent à la vente des participations des fonds à des investisseurs étrangers et notamment américains.
En revanche, en réponse à une remarque sur la qualité du contexte français (réglementaire, fiscal, social…) pour le développement des start-ups, Anne-Sophie souligne qu’un fort développement de start-ups reste tout à fait possible en France si son offre paraît prometteuse et si l’équipe de créateurs est de qualité et suffisamment flexible pour s’adapter aux besoins du marché. Après avoir mentionné Critéo, elle cite l’exemple de Mirakl, leader des solutions logicielles pour le e-commerce, créée en 2012 et aujourd’hui valorisée à plus de 3 G€.
Elle souligne également le vrai succès collectif que constitue en France le Crédit Impôt Recherche et les possibilités de financement de BPI France, ce qui permet à des jeunes créateurs d’entreprise de créer leurs sociétés en France. En revanche, Anne-Sophie déplore la somme des contraintes qui sont trop vite imposées aux PME durant leur phase de croissance.
Enfin, à la question des possibilités de développement des start-ups ne pouvant s’appuyer au début que sur une petite équipe, Anne-Sophie répond clairement : « N'embaucher que des gens de qualité » ! Anne-Sophie indique cependant l’apport très utile de quelques experts à temps partiel. Si ces derniers ne sont pas prêts à se lancer dans une aventure entrepreneuriale, ils peuvent néanmoins apporter dans de nombreux domaines techniques (industrie, médecine…) une expérience cruciale à des jeunes pousses.
En résumé, grâce au témoignage d’Anne-Sophie et à sa profonde connaissance du domaine du venture capital, nous avons pu découvrir un monde mal connu des ingénieurs de l’armement, indispensable au développement des innovations de demain et que le monde de la défense, tant au niveau étatique qu’industriel, regarde avec de plus en plus d’intérêt.
Auteur

En 2024, il rejoint la Direction Générale du Trésor. Voir les 4 Voir les autres publications de l’auteur(trice)
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