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Une ambition zéro émission pour les aéronefs du futur
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18 juin 2021

AIRBUS, LA CRISE DE LA CINQUANTAINE?
CONFIANTS ET DETERMINES POUR L'AVENIR

Face à une crise sans précédent qui a généré des pertes se chiffrant en centaines de milliards, Airbus, fruit d’une coopération européenne qui en a fait un champion mondial, s’engage résolument dans la nouvelle ère de l’aviation civile tirée par la neutralité carbone et la compétition mondiale.


Airbus vient de fêter le 52e anniversaire de sa création le 29 mai dernier et nous pouvons dire sans hésiter que nous vivons la pire crise de la cinquantaine que nous pouvions imaginer.

A ce jour, le trafic aérien mondial est à peine supérieur à la moitié de ce qu’il était en 2019. Si nous prévoyons une reprise des vols moyen-courriers en 2023, le trafic des avions long-courriers ne devrait se rétablir qu’en 2024-2025. L’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) estime les pertes de l’industrie aéronautique mondiale à 126 milliards de dollars, en 2020 et à plus de 47 milliards en 2021.

Cette crise sans précédent touche évidemment Airbus et notre chiffre d’affaires a chuté de près d’un tiers l’an dernier. Le tableau est terriblement sombre et certaines Cassandre prédisent une spirale infernale qui entraînera la fin du transport aérien d’ici quelques années.

Pourtant, nous restons confiants et déterminés pour notre avenir.

Confiants car nous avons su être résilients à cette crise et nous avons pu mesurer l’importance de la diversité de notre portfolio d’activités dans notre stratégie. Déterminés car, malgré le contexte dramatique, nous nous sommes engagés à décarboner le transport aérien et à être les premiers à mettre en service un avion zéro-émission à l’horizon 2035.

Mais que serait Airbus aujourd’hui sans la coopération européenne? Difficile à dire tant notre histoire est mêlée à l’histoire de l’intégration européenne. Elle en est même devenue un symbole.

En moins d’un demi-siècle, nous avons réuni les entreprises d’aviation civile et de défense de l’ensemble du continent pour créer un champion à l’échelle mondiale produisant chaque année plus de la moitié des avions commerciaux. Depuis le premier jour, la passion et l’esprit pionnier de milliers d’hommes et de femmes en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne, ont permis de réaliser des prouesses technologiques qui ont révolutionné l’industrie aéronautique: l’A300, premier long-courrier bi-moteurs (1972); l’A320 et ses commandes de vol électriques (1987); le Beluga ST et sa soute extra-large (1995); l’A380, premier avion à réaction à double-pont total (2006); l’A350 et ses ailes en fibre de carbone parmi les plus grandes du monde (2014).

C’est avec ce même esprit pionnier que nous nous sommes engagés à développer et mettre en service le premier avion alimenté en hydrogène liquide d’ici quinze ans bien que les incertitudes et défis technologiques soient immenses. Par cette ambition, nous nous inscrivons dans la lignée de nos illustres aînés qui ont écrit les premiers pages de l’histoire d’Airbus et nous portons en nous leur plus bel héritage : Roger Béteille, Franz Josef Strauss, Felix Kracht, Henri Ziegler, qui furent à l’origine d’Airbus, et sans oublier le regretté Bernard Ziegler qui fut l’un des pères des commandes de vol électriques qui équipent aujourd’hui tous nos avions..

Tout comme eux, nous nous trouvons à l’aube d’une nouvelle ère de l’aviation civile, face à des enjeux technologiques, économiques, sociologiques et environnementaux gigantesques. Et tout comme eux, notre identité européenne est certainement notre plus grande force.

Regardons le premier défi qui nous préoccupe tous en ce moment: la crise du Covid. Toutes les entreprises du secteur résistent non seulement grâce à leurs efforts d’adaptation de leur outil industriel et de réduction de coûts, mais aussi grâce aux dispositifs gouvernementaux imaginés en France, en Allemagne, au Royaume Uni et en Espagne. Airbus a su être résilient et cette crise a confirmé notre stratégie de nous renforcer aussi dans le domaine de la souveraineté, ces activités ayant été bien moins impactées que notre activité civile. Plus que jamais, l’investissement public dans les domaines aéronautique, spatial et de défense est un facteur de résilience majeure pour un groupe comme Airbus.

L’autre grand défi auquel nous devons faire face, à moyen-terme, est d’assurer notre compétitivité face à nos concurrents américains et chinois. Pouvoir faire circuler librement nos pièces d’avions, nos experts et nos technologies partout en Europe est un élément clé expliquant notre succès. Nous devons non seulement nous préparer à revenir à des cadences de production similaires à celles d’avant crise mais aussi être encore plus compétitifs sur nos coûts et sur l’évolution de nos produits en prévision d’une compétition sans merci sur tous les segments de marché. Au-delà de la consolidation et de l’optimisation de nos actifs industriels actuels que nous menons actuellement sur les aérostructures en France et en Allemagne, nous devons préparer l’appareil industriel du futur, plus digital, plus connecté, plus automatisé, et in fine, plus efficace. C’est tout l’enjeu de notre grand programme de transformation DDMS (Digital Design Manufacturing & Services) dont certains projets phares ont déjà reçu le soutien de nos Etats membres mais aussi de l’Europe. Nous comptons aussi beaucoup sur l’intelligence artificielle, le quantum computing, le big data et la capacité de ces nouvelles technologies à rendre nos avions et notamment nos systèmes de vol plus intelligents, plus résilients et in fine plus sûrs. La technologie numérique transformera en profondeur la façon dont nous concevons, fabriquons, pilotons et entretenons nos avions, et là encore, la coopération européenne comme par exemple le projet GAIA-X sera un élément clé de notre succès.

Je terminerai enfin par cet ultime défi qui nous anime tous aujourd’hui, même s’il est à plus long-terme : celui de la décarbonation de l’aviation. Le transport aérien est injustement décrié sur ses émissions de CO2 alors que nous les réduisons de manière drastique depuis des années (d’environ 80% depuis les années 50) et que nous avons toujours tenu nos objectifs. Rappelons aussi que le transport aérien est le premier et unique mode de transport inscrit dans les systèmes d’échange de quotas d’émission de l’Union Européenne (Emission Trade Scheme ou ETS en anglais) ce qui est une garantie supplémentaire à l’atteinte de nos objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre.

Airbus et l’industrie aéronautique européenne dans son ensemble se sont mis d’accord sur une feuille de route pour parvenir à la «neutralité carbone» d’ici à 2050 - Destination 2050 - conformément aux ambitions des Etats-membres de l’Union européenne. Cette initiative, qui s’appuie sur l’accord de Paris et le “Green Deal” européen, prévoit que tous les vols à l’intérieur et au départ de l’UE, du Royaume-Uni et de l’AELE ne produiront aucune émission de CO2 d’ici 2050.

Airbus a fait de la transition écologique un pilier de sa stratégie et il est évident que nous devrons activer l’ensemble des leviers technologiques à notre disposition pour y parvenir : améliorations de la technologie de nos avions (avec des matériaux plus légers, des ailes à plus fort allongement ou des voilures laminaires, des systèmes plus électriques, etc.) et de nos moteurs, comme l’avion à hydrogène sur lequel nous travaillons actuellement ; remplacement des hydrocarbures par des biocarburants ou par des carburants de synthèse durables élaborés à base de CO2, d’hydrogène et d’énergies renouvelables; optimisation du trafic aérien avec par exemple l’introduction de vols en formation entre avions long-courriers.

Comme vous le voyez, notre ambition est forte mais les industriels de l’aéronautique n’y arriveront pas seuls. Nous réussirons uniquement si l’Union Européenne élabore les politiques et le cadre réglementaire qui nous permettent d’avancer ensemble et de manière coordonnée vers cette ambition. A cet égard, les différents plans de relance aéronautique à l’échelle européenne ou nationale sont remarquables par leur ampleur. Ils nous permettront de faire des choix technologiques et industriels forts d’ici cinq ans qui seront décisifs pour développer un avion totalement décarboné. Cet effort doit s’inscrire dans la durée et l’Europe doit rester unie et déterminée à défendre les intérêts d’un secteur largement globalisé et hautement stratégique pour notre souveraineté.

Comme il y a un peu plus de cinquante ans, c’est ensemble que l’Europe et Airbus seront les pionniers d’une industrie aérospatiale durable, pour un monde sûr et uni.

Auteur

Après un début de carrière au CEV, il rejoint Eurocopter sur le programme NH90. Après avoir été directeur technique d’Airbus Helicopters puis directeur de l’ingénierie d’Airbus Group, il dirige depuis juillet 2021 l'aviation militaire d'Airbus Defence and Space. Voir les 3 autres publications de l'auteur

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