

LA VOILE, UNE ÉCOLE DE VIE ?
Bien loin de l’engagement total des grandes courses transocéaniques en équipage ou en solitaire, dont la quintessence est le Vendée Globe, la pratique traditionnelle de la voile est une activité qui forge les personnalités.
La mer et la montagne sont deux milieux qui semblent attrayants et faciles d’accès par beau temps, mais qui peuvent se révéler brutaux, voire mortels quand les conditions météorologiques changent. Il convient donc de les aborder avec humilité et professionnalisme, d’être toujours bien préparé et bien équipé. Le rôle du chef d’expédition en montagne, comme le rôle du chef de bord en mer est déterminant. En élargissant le propos, on peut rajouter à ces deux milieux le désert, qu’il soit sableux et torride ou glacé et enneigé.
Des débuts de scout marin à bord de canots et baleinières de dix mètres en rade de Brest, avec une sortie à l’aviron depuis le fond de la Penfeld, puis la mise en place du mât et des voiles dès l’arrivée dans la rade, me firent apprécier les petits plaisirs du gréement au tiers, avec le point de misaine dessous pour réussir des virements souvent aidés d’un coup d’aviron, gambiller en faisant passer la vergue de l’autre côté du mât de misaine. Le mouillage et le camp étaient dans la baie de Roscanvel sur l’île Trébéron, qui est désormais dans la zone interdite à toute navigation autour de l’île Longue.
Ce furent ensuite des sorties depuis Lanildut vers Ouessant, Litiry, Quéménès, Molène, dans le chenal du Four et ses violents courants de marée.
Pendant 8 ans en poste à Lorient, un voilier Trident 80, rustique et marin, amarré au pied de mon bureau fut idéal pour des sorties dans les coureaux de Groix par tous les temps et vers Belle-Ile, Les Glénan, Sein, Yeu pour avoir un équipage amariné capable de bien réagir par gros temps, et assumer pleinement des responsabilités de chef de bord vers des destinations plus lointaines, en Cornouaille anglaise, en Espagne et au Portugal,…, avec la désagréable surprise dans ce dernier pays d’une eau plus froide qu’en Bretagne, puis un retour en cinq jours avec une panne de vent au milieu du golfe de Gascogne, et l’odeur des ajoncs annonciatrice de la côte de Belle-Île visible seulement plusieurs heures plus tard.
La voile est un formidable outil de découverte de lieux insolites, tel qu’un passage auprès de phoques qui se prélassent au soleil sur les rochers au large des iles Scilly ou un mouillage à Herm, entre Guernesey et Sercq, dans une eau transparente qu’on imagine polynésienne.
C’est aussi comme passager sur des boutres au large d’un village de pêcheurs sri lankais, vietnamien, cambodgien ou birman que vous échangez par gestes sur les techniques de nœuds ou les manières de réussir à tenir la mer avec toujours le même langage du vent qui fait avancer le bateau et des virements plus ou moins acrobatiques selon les cultures.
La voile, comme la montagne, est plus qu’un sport, c’est un art de vivre. Toutes les manœuvres de port à la voile ou à la godille, excellent pour développer un esprit de bon manœuvrier, utile en cas de panne de moteur par gros temps.
Passée de moyen de transport à sport de haute technologie, la voile est toujours un sport exigeant et formateur, dans lequel il convient de garder à l’esprit que c’est toujours la nature qui a le dernier mot !
Ayant eu la chance de participer en 1987 à une partie de la Traversée de Longue Durée (TLD) du SNA Casabianca, expérience fort instructive et formatrice sur le plan professionnel, j’avais embarqué à Abidjan et débarqué à Toulon après deux traversées de l’Atlantique en plongée -dont la seconde suivie d’un passage de Gibraltar en plongée pour refaire surface au large de Toulon- entrecoupées d’une escale à Fort de France au cours de laquelle, ayant loué un voilier avec Didier Cuny Commandant du Casabianca, nous naviguâmes vers le sud de l’île avec nos épouses respectives qui nous avaient rejoint. Passant à proximité du rocher du Diamant, atteint à la nage vu les difficultés d’accostage, je fis l’ascension de ses 175 mètres, mariant ainsi mes deux passions de la mer et de la montagne.
A noter dans l’actualité maritime : la voile professionnelle reprend du service avec la mise sur cale aux chantiers de l’Atlantique d’un deuxième paquebot à voiles pour la branche croisière d’Orient Express et l’armateur Brin de Sail qui développe le commerce triangulaire à la voile sur l’Atlantique nord.
Enfin, la pratique de la voile apporte une connaissance de la mer utile pour ceux d’entre nous qui travailleront à concevoir et faire réaliser pour notre marine, des bateaux dont les qualités nautiques ne doivent jamais être oubliées.

Membre de l’Académie de marine, Vice-président du GICAN, Président de Kermenez SAS, Président de Raidco Marine de 2006 à 2018, Conseiller du commerce extérieur de la France. Divers postes en Arabie, au Canada et à l’OTAN , Directeur au SGDSN, 8 ans à DCN Lorient en début de carrière.
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