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01 octobre 2014

L’INDUSTRIE NAVALE FRANÇAISE, UNE RÉPONSE À LA PIRATERIE
ADAPTÉE À LA MONTÉE DE L’INSÉCURITÉ MARITIME EN AFRIQUE DE L’OUEST

 Depuis quelques années, les actes de piraterie dans le monde sont globalement en nette diminution, en particulier dans le détroit de Malacca et dans l’océan indien. En revanche, dans le golfe de Guinée, et en particulier au large du Nigéria, une hausse très significative de ceux-ci est notée. Ces actes concernent en premier lieu des attaques contre des navires de l’industrie du pétrole et le vol des cargaisons des pétroliers. En effet, avec des réserves estimées à plus de 20 milliards de barils, soit 4 % des réserves mondiales, le golfe de Guinée est l’un des plus importants gisements de pétrole offshore du monde. De plus, les ressources halieutiques des zones économiques exclusives sur l’ensemble des côtes d’Afrique de l’ouest donnent lieu à un vaste pillage. Au large des grands ports africains les opérations de brigandage se multiplient, risquant d’asphyxier les ports qui sont les poumons économiques de ces pays. Enfin, de nombreux trafics, en particulier de drogue, empruntent désormais la route de l’Afrique pour passer de l’Amérique latine vers l’Europe.


En 2013 les armateurs ont déclaré 30 prises d’otages et 154 attaques de navires au large des côtes d’Afrique de l’ouest et tout particulièrement dans le golfe de Guinée où 117 000 tonnes de pétrole ont été détournées depuis 2010.

L’ampleur de la menace est sous-estimée, car la peur des représailles pousse à la non déclaration de beaucoup de faits de piraterie, ce qui met en danger les autres bateaux naviguant dans la zone qui ignorent la nature précise et la localisation des agresseurs.

La première étape, nécessaire mais insuffisante, dans la coopération et le renforcement des capacités des États côtiers a été l’accord conclu en juin 2013 portant sur un code de conduite concernant la répression de la piraterie, des vols à main armée contre les navires et de l’activité illicite maritime.

Les équipages sont attaqués avec violence, le navire capturé est vidé de son pétrole, celui-ci étant transféré vers le rivage et vendu. Pour les pays du golfe de Guinée, la piraterie représente une perte annuelle de deux milliards de dollars (production pétrolière, pêche et transports maritimes). Ces pratiques pourraient devenir un désastre écologique majeur par des déversements de pétrole, en particulier autour du delta du Niger déjà ravagé par la pollution. Les plates-formes pétrolières offshore, qui étaient un moyen d’éviter l’instabilité politique du rivage, sont désormais des cibles potentielles. Leur éloignement en mer les rend inaccessibles à une aide immédiate des forces de souveraineté des états côtiers. Des attentats terroristes contre des installations vulnérables pourraient également se produire.

La menace à laquelle il faut faire face recouvre à la fois de la piraterie, si ces actes se produisent dans les eaux internationales, et du brigandage, lorsqu’ils se produisent à l’intérieur des frontières maritimes des Etats souverains et sont donc soumis aux lois et au système juridique du pays riverain.

La création de l’ASECMAR

Un certain nombre d’initiatives se sont développées depuis 2013. L’Union européenne soutient un programme de protection des principales routes maritimes dans le golfe de Guinée (CRIM-GO). Celui-ci mettra l’accent sur la coopération et le renforcement des capacités dans 7 pays côtiers d’Afrique : Bénin, Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon, Nigeria, Sao Tomé-et-Principe et Togo.

En parallèle, la France a lancé fin 2010 un organe de solidarité interétatique dénommé Appui à la réforme du secteur de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée (ASECMAR). Les premiers bénéficiaires sont le Bénin, le Togo et le Ghana. Le Nigeria, la Côte d’Ivoire et la Guinée Equatoriale s’y sont ensuite ralliés.

Les participants à l’ASECMAR s’accordent sur la nécessité d’actions conjointes entre les pays concernés pour mieux faire face à une criminalité transfrontalière organisée et violente. C’est déjà le cas des patrouilles navales mixtes « Bénin-Nigéria » le long des côtes béninoises et des actions conjointes entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, le Gabon et Sao Tomé-et-Principe.

Pour répondre à la montée des activités criminelles et de piraterie au large de leurs côtes, les pays d’Afrique de l’ouest et du golfe de Guinée s’équipent de bateaux, vedettes côtières et patrouilleurs hauturiers, robustes et marins. La règle d’or pour une efficacité maximale des moyens nautiques mis en place est la simplicité d’utilisation et un entretien minimal. La formation des équipages est aussi un impératif qui permet de maintenir des liens dans la durée.

Parmi les quatre industriels français présents sur le créneau des vedettes et patrouilleurs de surveillance maritime, deux sont bien implantés sur cette zone géographique. Ainsi, OCEA a livré des patrouilleurs de 32 mètres aux autorités béninoises et Raidco a livré des patrouilleurs de 33 mètres au Togo, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et des vedettes de 20 mètres au Nigeria et en Guinée pour la protection des cargos mouillés au large du port de Conakry qui étaient victimes d’actions de brigandage. Un patrouilleur de 45 mètres sera également livré prochainement par Raidco à la marine sénégalaise.

La confiance des utilisateurs est une donnée fondamentale pour percer et se maintenir dans ces pays. Cette confiance s’entretient et fait tache d’huile entre pays proches. Ainsi lors du transit d’un patrouilleur ivoirien de Lorient vers Abidjan, une escale à Dakar a permis des échanges opérationnels entre la marine ivoirienne et la marine sénégalaise qui possède un patrouilleur identique avec lequel elle a fait de belles opérations, dont l’arraisonnement d’un chalutier russe surpris à pêcher illégalement dans les eaux sénégalaises.

Un soutien des hautes autorités françaises renforce la confiance des clients

Sur ces marchés très ouverts, il est préférable d’éviter les concurrences françaises frontales qui feraient le miel de concurrents étrangers de plus en plus présents. Toujours aux aguets, les néerlandais, les chinois et, depuis peu les turcs et les brésiliens pourraient profiter de luttes fratricides franco-françaises pour rafler la mise. Ainsi, la société chinoise Polytechnologies (liée à l’Armée Populaire de Libération) commercialise des patrouilleurs de 48 mètres qui intéressent le Ghana et le Cameroun.

En termes d’armement les moyens mis en place sont succincts : canons de 20 mm manuels ou téléopérés. Les senseurs peuvent être complétés par des drones légers qui ont alors le rôle de jumelles d’observation déportées, compensant l’horizon optique et radar limité par la hauteur modeste des patrouilleurs et la faible signature radar d’embarcations pirates dont les coques sont souvent en composite. Du 1er au 3 juillet 2014, la Marine nationale a mené, en collaboration avec la DGA, une campagne d’essais du drone DVF 2000 de la société Survey Copter sur l’aviso « Commandant Bouan » de la classe A69 ; il pourrait convenir pour cet usage.

Enfin, il convient de citer le positionnement dans plusieurs pays de la zone d’un grand équipementier français qui fournit des moyens de surveillance maritime depuis la côte ; ils permettent d’orienter au mieux l’action de surveillance des moyens nautiques.

En conclusion, les industriels français du monde naval apportent une réponse adaptée à la montée de l’insécurité maritime en Afrique de l’ouest et dans le golfe de Guinée, protégeant ainsi le développement des pays riverains et les intérêts de la communauté internationale et tout particulièrement ceux de la France et de l’union européenne, partenaires privilégiés des pays d’Afrique de l’ouest.  

 

 

Visite présidentielle sur la lagune d’Abidjan 

- Le patrouilleur Émergence livré à la marine ivoirienne 

en juin 2014

 

La vedette Karamoko Cheik Condé dans le port de Conakry

 

 

Le patrouilleur Agou dans le port de Lomé

 

 

 

    
LOUIS LE PIVAIN, IGA
Après 8 ans à DCN Lorient, Louis Le Pivain (X 72 ENSTA branche Mer) passe 10 ans à l’étranger (Arabie saoudite, Canada, Belgique). Il a été directeur au SGDSN, coordonnant en interministériel l’intelligence économique et la promotion des exportations d’armement avant de présider la section Carrières au conseil général de l’armement puis de quitter l’administration en 2006 pour racheter la société Raidco Marine. Il est conseiller du commerce extérieur, vice-président du GICAN, membre des conseils d’administration de l’ANAINHESJ, de l’AACHEAr et de la CAIA.
 

Auteur

IGA, Vice-président du GICAN
Membre de l’Academie de marine
Président de Kermenez SAS
Conseiller du commerce extérieur de la France
De 1978 à 1989 a travaillé pour DCN à Lorient, en Arabie et au Canada. 1997/99 Directeur au SGDSN chargé de la coordination interministérielle de l’intelligence économique et du soutien à l’export Président de Raidco Marine de 2006 à 2018 Voir les 10 autres publications de l'auteur

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