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09 juillet 2014

L'INNOVATION EST UNE POLITIQUE ECONOMIQUE

Publié par Arnaud MONTEBOURG, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique | N° 103 - Innovations dans le terrestre

Dans un contexte économique difficile, la France doit miser sur l’innovation, premier facteur de compétitivité hors coût, pour redresser son économie. Mais qu’est-ce que l’innovation ? Ce mot est utilisé dans de multiples sens, mais souvent mal compris. L’innovation n’est pas une activité, comme peut l’être la R&D par exemple. L’innovation est un processus, conduit par une entreprise, qui mène de l’idée ou de la technologie à la commercialisation avec succès d’un produit nouveau pour le marché et fortement différencié...


La France fait face à un paradoxe : nous sommes un pays d’inventeurs et d’entrepreneurs – un mot que nous avons d’ailleurs inventé. Nous sommes dotés de clusters performants, les pôles de compétitivité, qui font fructifier la complémentarité des entreprises, des centres de recherche et des organismes de formation, avec un ancrage territorial fort. Ils reposent sur l’alliance du public et du privé, des créativités croisées des acteurs étatiques, des collectivités locales et des structures privées. Cependant, nous avons du mal à passer de la performance technologique et du démonstrateur à l’industrialisation et à la mise sur le marché d’un produit innovant. De même, si la France est pionnière en Europe pour le capital-risque, nous avons encore des efforts à faire pour favoriser l’éclosion de start-ups, ces jeunes entreprises innovantes à forte croissance et ambition mondiale, essentielles à la croissance, à l’emploi, mais aussi à la montée en gamme de notre économie.

Les raisons sont connues. D’une part, nos entreprises manquent de financements en fonds propres, qui sont la clé de l’innovation. D’autre part, l’industrie et les services associés, secteurs les plus intensifs en R&D, représentent désormais une part trop faible de notre richesse nationale, après 10 ans de désindustrialisation massive entre 2002 et 2012. Enfin, la prise de risque n’est pas suffisamment valorisée dans notre pays, un échec signifiant souvent une stigmatisation future auprès des banques et des investisseurs.

Dès mai 2012, j’ai décidé de réagir. Nous ne pouvons plus laisser à d’autres le soin d’industrialiser nos inventions, celles imaginées par nos chercheurs et soutenues par nos impôts. Avec mes équipes, nous avons mis en œuvre des mesures à la fois générales et ciblées pour améliorer nos performances en matière d’innovation.

Notre première tâche, d’ampleur, est de redresser l’industrie française et de lui préparer une position pionnière dans les secteurs d’avenir, afin d’inventer la France de demain. Pour cela, nous avons construit une politique ambitieuse de filières, structurées au sein du Conseil National de l’Industrie. Cette politique se traduit par la mise en place de contrats partenariaux de filières au service d’une ambition collective, pour chacune des 13 filières stratégiques identifiées. Le Pacte National pour la Croissance, l’Emploi et la Compétitivité prévoyait la mise en place de ces contrats.

Nous avons par ailleurs identifié 34 plans de reconquête industrielle, au sein desquels travaillent ensemble les acteurs industriels, les acteurs publics et les organismes de formation et de recherche. Nous organisons l’alliance des forces productives, la coopération entre PME et grandes entreprises, un lien renforcé entre les chercheurs et les entrepreneurs, avec le soutien des pouvoirs publics concernés. Ainsi, le passage entre recherche fondamentale, invention et innovation est-elle facilitée. Les 34 plans industriels rejoignent très largement les thématiques du salon EUROSATORY, en particulier avec les plans automobiles : la voiture pour tous consommant 2 litres aux 100 km, les bornes électriques de recharge, l’autonomie et la puissance des batteries, et enfin les véhicules à pilotage automatique. Ces plans sont une nouvelle façon de concevoir une stratégie industrielle, où l’Etat et les industriels sont côte à côte dans une ambition commune. Ils sont créateurs de valeurs et d’emplois pour la France d’ici à 2020.

De manière plus ciblée, nous avons pris des initiatives fortes pour faciliter et encourager l’innovation. A l’instar de ce qui a été fait par Barack Obama avec « Start-up America », j’ai mis en œuvre en novembre dernier un programme volontariste, la Nouvelle Donne pour l’Innovation. Ce plan repose à la fois sur la mobilisation du capital - risque avec la consolidation des Fonds d’Investissement de Proximité, des Fonds Communs de Placement dans l’Innovation et du corporate venture, sur un encouragement à l’usage du design via la Banque

Publique d’Investissement et l’intégration de designers aux pôles de compétitivité. C’est un premier pas vers la « start- up République » que nous voulons faire de la France.

De son côté, le concours mondial d’innovation a déjà permis de sélectionner plusieurs dizaines de startups, et s’affirme par ailleurs comme un grand facteur d’attractivité pour la France. Il s’adresse à toutes les entreprises, car l’innovation capable de faire émerger les nouveaux leaders industriels de la France d’après-demain peut émerger de n’importe où, d’une startup, d’une PME, d’une ETI, d’un grand groupe. Il se fonde sur les conclusions de la Commission Innovation 2030 présidée par Anne Lauvergeon, qui a identifié les 7 secteurs où la demande sociétale est déjà identifiée comme très forte et dans lesquels la France a les compétences pour faire émerger les champions de demain. Grâce à ce concours, des dizaines de startups du monde entier ont candidaté pour venir s’implanter en France.

Enfin, parce que nous avons pris des mesures pour favoriser un changement de regard sur la prise de risque dans notre pays. J’ai accompagné au mois de février le Président de la République aux Etats-Unis, à San Francisco, où j’ai rencontré des entrepreneurs français implantés dans la Silicon Valley. Beaucoup envisagent de revenir en France, mais ce qu’ils apprécient particulièrement en Californie, c’est un écosystème où la prise de risque est valorisée, et où un échec n’est jamais définitif. C’est un état d’esprit que nous devons développer en France. Nous avons donc commencé par supprimer le fichage 040 de la Banque de France qui concernait les faillites sans faute de gestion. C’est un message très fort : pour nous, l’accident de parcours, doit être un catalyseur pour de futures réussites et non pas un marqueur d’exclusion.

Au-delà de toutes ces mesures qui, cohérentes entre elles, redonnent du souffle à l’innovation française, je veux saluer l’action des Ingénieurs de l’Armement en faveur de l’innovation dans les grands systèmes de défense dont une illustration majeure se retrouve à l’occasion du salon Eurosatory. Les événements de ce type sont un atout extraordinaire pour notre pays. Ils sont indispensables pour favoriser les rencontres entre acteurs étatiques, entrepreneurs, laboratoires, PME, grandes entreprises qui sont tous un maillon indispensable pour l’émergence de l’innovation.

pdf icon caia-103-prefaceam.pdf

Auteur

Arnaud MONTEBOURG, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique

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