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31 janvier 2021

FS ET INDUSTRIE DE DÉFENSE
UN FONCTIONNEMENT DE PLUS EN PLUS AGILE

Publié par Benoit de Préval | N° 122 - Les Forces Spéciales

En 2016, le groupe Thales s’est organisé pour mieux répondre aux besoins des Forces Spéciales et travailler avec une meilleure proximité avec le Commandement des Opérations Spéciales. Le COS est ainsi traité comme un client direct au même titre qu’une Unité de Management de la DGA ou un service de soutien et pas comme un organisme prescripteur comme le sont les états-majors des armées. Pourtant, le COS ne dispose pas d’un budget en propre. La valeur du compte est donc bien ailleurs.


La création de valeur réside principalement dans la capacité d’innovation issue du travail avec les Forces Spéciales.

Cette collaboration entre opérateurs et ingénieurs au travers d’échanges et de campagnes d’évaluation, permet de faire monter en maturité de nombreuses solutions. Cependant, le passage du démonstrateur à l’équipement opérationnel reste toujours complexe. C’est la raison pour laquelle, le COS comme les industriels, conscient de cette difficulté, cherchent en permanence à s’adapter aux nouveaux défis capacitaires et programmatiques.

Le COS constitue très probablement le meilleur incubateur d’innovation des armées.

L’innovation résulte le plus souvent de la rencontre d’une technologie avec un nouvel usage. Or, si les ingénieurs débordent d’idées techniques, ils n’en voient pas toujours l’application.  De leur côté, les unités du COS ont compris l’intérêt de venir à la rencontre des industriels pour développer de nouveaux équipements.  Aussi, Thales, riche de sa grande capacité d’innovation technique, s’engage de plus en plus à travailler sur les besoins spécifiques du COS.

La principale richesse des opérateurs rencontrés reste leur expérience opérationnelle récente, ils portent les exigences de performance, de rusticité, de simplicité d’usage, … répondant à la réalité de la menace et du terrain. Habituellement le travail commence par une phase de prototypage, parfois numérique, puis s’incarne dans un démonstrateur évalué sur le terrain. C’est d’ailleurs autour de ce démonstrateur, par itérations successives notamment pour définir les interfaces homme-machine (IHM), que les spécifications de l’équipement prennent forme.

La réussite de cette démarche n’est pas garantie et nous devons accepter ensemble les échecs. Ces échecs peuvent venir d’un besoin non satisfait, d’une technologie non mature ou encore de perspectives commerciales insuffisantes. Ce dernier point est majeur car les Forces Spéciales recherchent en général des équipements extrêmement performants mais en nombre très limité, alors que la perspective de marchés plus importants dans les forces conventionnelles est très souvent nécessaire pour assurer une rentabilité industrielle.

Si l’innovation concrétisée dans un démonstrateur est quasiment indispensable pour travailler ensemble, elle n’est qu’une étape bien insuffisante dans la réalisation d’un équipement.

Le développement, parfois caractérisé comme la vallée de la mort de l’innovation, reste un obstacle majeur pour lequel les grands industriels comme Thales disposent d’atouts majeurs.

Le passage à l’échelle, c’est-à-dire la reprise de conception, le développement et l’industrialisation qui vont permettre de produire un ou plusieurs équipements fonctionnant dans toutes les conditions d’environnement et répondant au besoin, demande des ressources multiples. Les systèmes étant appelés à servir au combat, les cahiers des charges sont extrêmement exigeants et souvent spécifiques à la défense. Ils nécessitent des expertises nombreuses pour réussir la phase de développement, jalonnée dans un processus d’acquisition qui peut paraître complexe lorsque l’on ne le pratique pas régulièrement. Aussi les start-up et les PME ont parfois besoin de s’adosser à de grands industriels de la défense pour répondre à ces exigences.

Ce passage à l’échelle, nécessite aussi des ressources financières qui peuvent être fournies partiellement ou en totalité dans le cadre de programme d’armement. Cependant une grande partie des équipements des FS sont achetés sans préfinancement du développement. Cela requiert des ressources sur fonds propres dont seules certaines entreprises disposent.

La dernière difficulté est celle des délais de réalisation. Elle est particulièrement prégnante pour le COS qui rencontre sur les théâtres d’opérations les menaces les plus évoluées. C’est pour cette raison que le COS recourt très souvent aux achats sur étagère de solutions existantes qui ont l’avantage d’être disponibles rapidement mais l’inconvénient de ne pas toujours être parfaitement adaptées au besoin.

Confronté à la réalité de ces difficultés, tout en poursuivant les échanges avec des partenaires industriels de petite taille, le COS perçoit tout l’intérêt de travailler en amont avec l’industrie.

Depuis 10 ans, la position du COS a beaucoup évolué sur les questions capacitaires.

Le COS anticipe et s’investit, en coordination avec l’industrie, dans la maturation de solutions pour obtenir des équipements parfaitement adaptés à ses besoins. Cela s’est traduit par de multiples initiatives dont le renforcement des cellules équipements des unités et la création du séminaire des Forces Spéciales, le SOFINS. L’approche capacitaire a considérablement progressé et la présence d’un ingénieur de l’armement dans l’Etat-major apporte une précieuse compétence d’ingénierie technique et contractuelle, alliée à la connaissance du processus capacitaire.

Ce nouveau positionnement est à l’origine de la création du Cercle de l’Arbalète, structure indépendante du COS mais dont l’ADN est de favoriser les échanges entre le COS et l’industrie française et d’organiser le SOFINS. Thales est d’ailleurs, depuis l’origine, un des membres le plus actif du cercle.

De son côté, Thales a aussi évolué en mettant en place une organisation dédiée qui a pour objectif de mieux comprendre les besoins, de favoriser la coopération ingénieur opérateur du COS et de faciliter la réalisation des besoins du COS en adéquation avec les besoins des trois armées. La jumelle de vision nocturne BONIE, spécifiquement développée pour les Forces Spéciales illustre parfaitement la dynamique instaurée dans ce cadre.

Malgré ces évolutions majeures qui facilitent la réalisation du besoin, le COS reste confronté aux délais du processus capacitaire qui sont adaptés à la préparation de l’avenir mais qui ne se marient pas toujours bien avec l’urgence du monde opérationnel.

Engagé depuis quelques années, le rapprochement mutuel du monde industriel et du COS porte ses fruits et permet de répondre à des besoins spécifiques des forces spéciales. Le système doit encore s’améliorer, notamment en apportant plus de réactivité, et c’est bien en rapprochant les opérationnels, les industriels et la DGA dans l’esprit de la nouvelle instruction ministérielle sur les opérations d’armement que ces améliorations se réaliseront. Dans ce cadre, il faudra à l’avenir aussi explorer l’apport des technologies du numérique comme les plateformes de « DevSecOps », les notions de jumeaux numériques et bien d’autres notions.

 
Benoit de Préval
Responsable Business development Thales/LAS/OME
 

Le colonel (ER) de Préval a servi à la Légion étrangère, avant de commander le 152e régiment d’infanterie. Il a été officier de programme Scorpion. Chez Thales depuis 2018, il est en charge, du développement du business dans l’optronique portable et véhicule et pour les mini-drones. Il coordonne l’activités des différentes entités de Thales comme responsable du compte des Forces Spéciales France.

 

Auteur

Benoit de Préval
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