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25 juin 2024

LA RÉSERVE INDUSTRIELLE DE DÉFENSE
OU COMMENT CONSTRUIRE AB NIHILO UN NOUVEAU TYPE DE RÉSERVE

La LPM 2024-2030 prévoit le doublement de la réserve, pour arriver à un ratio d’un militaire réserviste pour deux militaires d’active. Elle prévoit en particulier la création d’une réserve opérationnelle industrielle (ROI), également appelée réserve industrielle de défense (RID), pour garantir la réactivité de notre base industrielle et technologique de défense, la BITD : ces réservistes pourront être mis à la disposition de l’industrie pour accroître rapidement et significativement la cadence de production pour faire face à un conflit de haute intensité. 


Le contexte géostratégique ne cesse de se dégrader. L’intensité des affrontements s’accroît, les guerres de drones s’enchaînent, le besoin en missiles anti-aériens explose. Lorsque les artilleries s’affrontent en haute intensité, dix-mille obus sont échangés chaque jour. À côté du modèle des grands systèmes complexes et très interconnectés, c’est l’agilité de l’innovation, de l’interconnexion au juste niveau, et le nombre, à coûts unitaires limités, qui imposent leur loi, la saturation, l’usure, l’attrition. Ce constat se renforce à chaque nouvelle expression des tensions du monde. Les Houthis menacent la liberté de circulation par le détroit de Bab-el-Mandeb. L’attaque iranienne des 13-14 avril 2024 sur Israël a mis en œuvre troiscents drones, missiles balistiques ou de croisière.

La réserve : trois niveaux et quelques autres 

Le nouveau contexte international appelle de nouvelles réponses. Le code de la défense définit les différents types de réserve au sein du ministère. Il s’agit le plus souvent de la réserve opérationnelle de premier niveau, ou RO1. En simplifiant, la RO1 est constituée de militaires à temps partiel, activables selon le besoin et le contexte de crise, généralement de dix à trente jours ouvrés, voire au-delà ; ils ont une autre activité principale, ou sont retraités. La réserve opérationnelle de deuxième niveau, ou RO2, est constituée des anciens militaires, assujettis à une obligation de disponibilité jusqu’à cinq ans après leur départ, et sont par conséquent susceptibles d’être reversés en RO1. La réserve citoyenne de défense et de sécurité (RCDS) est la troisième réserve, elle est différente par nature puisque basée sur le bénévolat et limitée à des interventions ciblées. Le concept de réserve dépasse largement la défense : la crise Covid avait montré ce que pouvait être une réserve sanitaire, lorsque médecins et autres professionnels de santé, récemment à la retraite, reprirent du service pour mieux faire face aux vagues épidémiques. Il y a aussi les réserves de la police nationale, pénitentiaire, judiciaire, communale, de sécurité civile... toutes ces réserves sont appelées à se renforcer. Elles concourent toutes au renforcement du lien armées nation. Dans un autre registre, et non sans une certaine synergie, la refonte du format des journées défense et citoyenneté (JDC) au second semestre 2024 doit également favoriser le recrutement dans la réserve d’un public plus jeune, et d’y développer ces liens.

Des réservistes pour faire face, y compris chez les industriels

Pour faire face à des besoins potentiels de production de masse face à un conflit de haute intensité, différents sujets doivent être anticipés : les approvisionnements, le dimensionnement et la priorisation des moyens de production, et les ressources humaines associées.

Le décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées porte sur le volet « constitution des stocks de composant » et sur les mécanismes de priorisation. Ses dispositions constituent un premier pas, proportionné à la situation actuelle, en-deçà des dispositions relevant de la mise en garde ou de la mobilisation générale.

« L’IMPLICATION DES INDUSTRIELS EST PRIMORDIALE : ILS CONNAISSENT LEUR BASSIN D’EMPLOI, LEURS RETRAITÉS OU ANCIENS SALARIÉS OU LES ENTREPRISES DU SECTEUR CIVIL QUI SONT IMPLANTÉES LOCALEMENT »

La réserve industrielle de défense (RID) constitue quant à elle le vivier de réservistes opérationnels RO1 visant à apporter le renfort nécessaire aux industriels pour faire face à un pic de production ou de maintenance : les réservistes RID doivent être recrutés en dehors de la BITD pour servir au sein de la BITD y compris étatique, comme le Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), le Service logistique de la Marine (SLM), ou le Service industriel de l’aéronautique (SIAé). Il était jusqu’ici exceptionnel de placer un RO1 auprès d’un industriel ; c’est possible avec le dispositif RID.

Les profils recherchés sont très majoritairement des techniciens ou ouvriers qualifiés de l’industrie (chaudronniers, usineurs, soudeurs, opérateurs de production...), correspondant au statut de militaires du rang ou de sous-officiers. Pour cette raison, ils devront être recrutés en s’adossant aux réserves opérationnelles des armées.

Pour les profils ingénieurs et cadres (ingénieurs de production, ingénieur méthode, ingénieur qualité, cadre...), ils seront recrutés dans la réserve de l’armement qui s’appuie sur deux corps d’officiers : les ingénieurs de l’armement et les ingénieurs des études et techniques de l’armement.

Des travaux sont nécessaires pour approfondir les règles de gestion et la cohérence des politiques de détermination des grades, de promotion et décoration. Dans ce sens, le déploiement de cette nouvelle réserve se fait en collaboration étroite avec le délégué interarmées aux réserves (DIAR) de l’État-major des armées, ainsi qu’avec les délégués aux réserves des armées.

Ce nouvel emploi de la réserve emporte ainsi de nouvelles questions : constitution du vivier, formations initiales, définition des modes opératoires avec les armées gestionnaires et les industriels, formalisation avec les entreprises bénéficiaires, note de cadrage interne, respect du règlement général sur la protection des données (RGPD), etc. Les travaux en cours visent à prolonger et consolider les travaux préparatoires du premier semestre 2023, conduits avec les forces, le SGA, et les industriels, afin de faciliter la montée en puissance de la RID sur les prochains mois.

Le plus grand défi : recruter 3 000 réservistes industriels de défense

Différents axes d’effort sont identifiés : communiquer sur le dispositif RID auprès de l’ensemble de l’industrie, caractériser le besoin (bassin d’emploi catégories d’emplois) avec la BITD, cibler les viviers potentiels parmi lesquels recruter, enfin, adapter et mettre en œuvre des dispositifs de rencontre employeurs candidats. L’implication des industriels est primordiale : ils connaissent leur bassin d’emploi, leurs retraités ou anciens salariés ou les entreprises du secteur civil qui sont implantées localement. La proximité géographique est essentielle pour assurer l’efficacité du dispositif.

Le ministère entretient pour la réserve un système de partenariats avec le monde de l’entreprise animé par le Secrétariat général de la garde nationale (SGGN), destinés à promouvoir l’engagement comme réservistes des salariés de l’entreprise ou de l’entité signataire. Des conventions fixent des conditions plus favorables que les minima légaux, par exemple sur le nombre de jours possibles de plein droit (10 jours minimum), le maintien du salaire (aucune exigence réglementaire en la matière), la prise en compte de formations (en cohérence avec le code du travail), ou les préavis de convocation.

La RID est par conséquent l’occasion pour la DGA de nouveaux liens avec l’industrie au sens large, en concertation avec le SGGN. En miroir des conventions « fournisseur » du SGGN, la DGA développe une convention « bénéficiaire » destinée aux industriels de la BITD, décrivant les conditions d’accueil.

Notons enfin que la LPM prévoit également le renforcement de la réserve armement pour étayer le maillage tant géographique que technologique de l’expertise ainsi mobilisée au bénéfice de l’ensemble des entités de la DGA (centres d’expertises et d’essais, agence de l’innovation de défense, agence du numérique de défense, ...).

Un plan ambitieux pour atteindre l’objectif de 3 000 réservistes en fin de LPM.

 

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Patrick Grelier
Patrick Grelier, ICA Après un long parcours sur les systèmes d’information et de communication, technique puis de directeur de programme et de directeur de segment de management à la DGA, comme chef de branche SIC au sein de l’état-major de l’Otan pour la transformation à Norfolk de 2011 à 2015, et après avoir occupé le poste de responsable de pôle Systèmes de systèmes au sein de la direction technique, Patrick Grelier a rejoint la DRH début 2024, il est délégué aux réserves de la DGA depuis le 1er mai 2024.
 

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