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27 mars 2023

MAIS POURQUOI L’ARMEMENT ?

Pas d’ingénieur de l’armement ou d’industriel du domaine - ni même de militaire - dans ma famille proche, pas de passion précoce particulière pour les avions de chasse, les chars ou les bateaux de guerre, comme beaucoup aiment à le romancer sur fond toutefois de vérité. Mais un sens du service de l’État chevillé au corps, transmis par deux haut-fonctionnaires à leurs trois filles, couplé à la découverte, à l’Ecole Polytechnique, du monde des Armées qui m’a tout de suite attirée.


J’ai donc commencé ma carrière à la DGA en 2004 et je ne l’ai plus quittée. A l’aube de mes 20 ans de « maison » que je n’ai pas vu passer, je mesure mon attachement à cette institution qui m’a permis d’exercer des métiers passionnants et variés, m’a offert des responsabilités et de nombreux défis à relever.

Une passion à la hauteur des enjeux

Il y a tout juste un peu plus de 50 ans, Le Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) français, effectuait sa première patrouille, garantissant à la France une capacité océanique de dissuasion nucléaire. L’occasion de rappeler les origines de la DGA, créée(1) pour relever le défi de la construction de notre capacité de dissuasion nucléaire.

On a coutume de dire que le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) représente, avec la navette spatiale, l’objet le plus complexe conçu par l’homme. Constitué de plus d’un million de pièces, il concentre enjeux techniques et risques : une chaufferie nucléaire, des armes tactiques, un pas de tir de lancement multiple et des missiles balistiques intercontinentaux rassemblés dans un espace confiné ! Les programmes d’armement qui en découlent sont il me semble emblématiques de ce qui constitue l’ADN de la DGA et le sel du travail de nombreux ingénieurs : la conduite de projets complexes à forts enjeux techniques, calendaires et financiers.

Ayant travaillé durant les dix premières années de ma carrière – et vécu ma première expérience de directrice de programme(2) – au profit de la composante nucléaire océanique de la dissuasion, j’ai donc été à bonne école : excellence technique et exigence en sont les mots d’ordre ! La tenue des calendriers sur laquelle la garantie de notre posture et la crédibilité de notre dissuasion reposent y est essentielle.

Mais les enjeux techniques ne sont pas l’apanage de la seule dissuasion nucléaire. Peu de domaines techniques échappent au monde de l’armement, ce qui constitue un terrain de jeu très exaltant pour des ingénieurs qui peuvent ainsi s’épanouir dans des phases très amont de montée en maturité des technologies, ou d’études technico-opérationnelles, mais aussi des phases plus aval comme lors des essais de validation et de qualification, grâce en particulier à des moyens d’expertise et d’essai de haute technicité. A l’heure de l’accélération des ruptures technologiques, de la numérisation et de l’intégration accrues de nos systèmes, du foisonnement de tous les types d’innovation, le domaine de l’armement, concerné au premier chef, est face à des défis majeurs qui ne peuvent que passionner les ingénieurs que nous sommes.

Toutefois, c’est, il me semble, avant tout la finalité de notre métier, au profit de nos forces armées, et donc ultimement des citoyens, qui inscrit notre action dans une réalité qui lui donne tout son sens. Dans le contexte du retour de la guerre aux portes de l’Europe et de la perception par une communauté accrue que le destin d’une nation peut déprendre de la performance des systèmes d’armes, cela sonne désormais presque comme une évidence, mais c’est ce qui anime nombre d’entre nous depuis nos débuts.

Un foisonnement d’expériences

Une unique institution mais la possibilité d’y faire de nombreux métiers ! Et d’exercer des responsabilités motivantes.

Ainsi, l’opportunité m’a été donnée de travailler dans des domaines aussi variés que l’expertise technique, les finances, les relations internationales au travers du développement de la coopération et du soutien à l’export, la cohérence capacitaire et l’analyse prospective dans le cadre de la préparation de nos futurs systèmes de défense, le management d’équipe et de projet, ainsi que d’être l’interlocutrice de nombreux acteurs, tant en interne de la DGA qu’en externe, au sein des armées, de l’industrie, ainsi qu’en interministériel. Une grande richesse qui a nourri mon expérience ! J’ai eu la chance de pouvoir travailler sur des sujets aussi passionnants et exigeants que la dissuasion nucléaire dans ses deux composantes, les navires armés, les missiles complexes, la défense NRBC3, les planeurs hypersoniques. Une liste qui montre l’étendue des possibles et laisse entrevoir les enjeux d’envergure auxquels on peut se confronter à la DGA.

Je ne peux pas, enfin, ne pas évoquer le lancement en réalisation du programme FTI (Frégates de Taille Intermédiaire renommées depuis les FDI - Frégates de Défense et d’Intervention -) qui a été une « aventure » sur tous les plans : humaine, technique et programmatique, organisationnelle, sans oublier les enjeux industriels. Accéléré à marche forcée pour pouvoir garantir le format de frégates de premier rang de la Marine - et, de fait, son contrat opérationnel -, porteur de nombreuses avancées technologiques, vitrine du nouveau mode de travail en plateau Etat – Industrie, essentiel pour assurer la continuité de l’activité du chantier de Naval Group de Lorient après la construction des FREMM4, devant concilier besoins nationaux et enjeux exports dans un cadre financier contraint, ce programme fut un concentré d’enjeux, à une « époque » où les nouveaux programmes n’étaient pas si nombreux ! Objectif atteint sur le fil puisque le contrat de réalisation a
été notifié entre les 2 tours de l’élection présidentielle de 2017. Et anecdote notable, cette expérience nous a valu, à l’officier de programme et moi-même, une séance d’explication technique dédiée à l’étrave inversée en comité restreint dans le bureau du chef d’état-major de la marine !

Une institution agile et adaptable, au service de nos armées

Presque 20 ans au sein de la DGA c’est mesurer aussi le chemin parcouru par notre institution, ses nombreuses transformations (je n’ose faire dans ces pages l’exégèse de tous les noms des plans de transformation que j’ai connus), sa richesse humaine. J’y ai rencontré des gens passionnés, dévoués à leur travail, soucieux de leur mission au profit de nos armées. Une institution qui rassemble autour d’une forte culture partagée et d’un métier qui fait sens. La clef de la fidélisation.

C’est enfin souligner (et ce n’est pas le moins !) la place qui est faite aux femmes dans cette institution qui peut s’enorgueillir d’avoir compté dans ses rangs la première femme 5 étoiles des armées. Même si l’on peut toujours espérer que les choses changent plus vite j’ai, pour ma part, eu l’opportunité de pouvoir concilier un début de carrière passionnant et des responsabilités avec cinq congés de maternité.

1 : La DMA (Délégation Ministérielle pour l’Armement), ancêtre de la DGA, a été créée en 1961.
2 : En tant que directrice du programme « Adaptation au missile M51 des SNLE de type Le Triomphant », j’ai notamment piloté la phase d’essais et la livraison du premier SNLE adapté, Le Vigilant, et notifié les contrats permettant de conduire la réalisation les IPER Adaptations des SNLE Le Triomphant et Le Téméraire.
3 : Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique
4 : Frégates Européennes Multi Missions

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Jacqueline Burin des Roziers

X99 ENSTA, l’ICA Jacqueline Burin des Roziers a démarré sa carrière à la DGA en 2004 et y a exercé diverses responsabilités, principalement dans le domaine naval et la dissuasion. Elle a été directrice du programme FTI et architecte de Système de Défense « Dissuasion - Frappe dans la profondeur - Santé, NRBC ». Elle est actuellement auditrice de la 72ème session du Centre des Hautes Etudes Militaires.

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