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JAXA
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01 février 2017

TERRE ET AUTRES CÉLESTES CORPS SOUS PROTECTION !

 Mars, la Lune, Encelade, Europe ou Titan autant de corps célestes que les sondes terriennes explorent. Les scientifiques, les ingénieurs et les agences travaillent aux futures missions de récupération d’échantillons pour en rapporter dans nos laboratoires. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce sans danger pour la Terre ? Les différents comités qui s’occupent de par le monde de Protection Planétaire veulent répondre à ces questions !


  A la recherche de la Vie
L’exploration des corps célestes depuis maintenant deux décennies cherche à détecter des traces de formes de vie passées ou peutêtre contemporaines sur Mars ou dans d’autres niches dans le système solaire. Les instruments qui analysent des échantillons sur place, in situ, sont de plus en plus sensibles. La recherche des traces chimiques d’une activité biologique ou d’une chimie complexe qui aurait pu conduire à l’apparition d’un métabolisme ne doit pas détecter des traces qui proviendraient d’une contamination biologique ou chimique terrestre. Cette contrainte impose des niveaux de propretés biologiques et chimiques drastiques tant des sondes envoyées que des instruments utilisés.

  Protégeons la Terre
Les scientifiques ont bien conscience que cette exploration n’est pas suffisante et quel que soit le niveau de sophistication atteint par les instruments utilisés in situ, le retour d’échantillons sur Terre sera le seul moyen, in fine, pour identifier et caractériser une forme de vie extraterrestre éventuellement présente au sein d’un objet de notre système solaire. L’importation éventuelle d’une telle forme de vie est-elle sans danger pour la Terre et surtout pour sa biosphère ? Aucun gouvernement, aucune agence spatiale, compte tenu des traités spatiaux en vigueur, ne se risque à répondre par l’affirmative à une telle question. Le "Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes", plus connu sous le nom générique de Traité de l’Espace (en vigueur depuis 1967), stipule dans son article VII que les Etats sont responsables des dommages que causeraient leurs engins spatiaux et dans son article IX précise qu’il est nécessaire de procéder "à leur exploration (des corps célestes) de manière à éviter les effets préjudiciables de leur contamination ainsi que les modifications nocives du milieu terrestre résultant de l’introduction de substances extraterrestres et, en cas de besoin, ils prendront les mesures appropriées à cette fin. "

ATTENTION À L’EAU
Les corps célestes explorés, leurs régions les plus intéressantes pour les exobiologistes notamment, ont souvent connu des épisodes pendant lesquels de l’eau a été présente sous forme liquide. Cette eau peut avoir disparu (Mars), ou être encore présente à l’état liquide, sous des couches de glace (Europe, Ganymède, Titan, Encelade). Les sondes ne doivent pas apporter dans ces zones des micro-organismes terrestres qui pourraient s’y multiplier, masquer éventuellement la présence de micro-organismes autochtones et en tout cas compromettre définitivement la recherche d’un forme de vie extraterrestre à la surface des planètes ou au sein de leurs réservoirs hydriques.

 

PROTECTION PLANÉTAIRE : UN SURCOÛT DE 10 À 15 %
Très rapidement après la ratification du traité, un organisme scientifique international, le « Comité pour la recherche spatiale  » (COSPAR) s’est chargé de décliner les exigences de l’article IX en recommandations concrètes qui prennent en compte les particularités de chaque mission et de chaque corps céleste exploré. Ces recommandations sont citées en référence par les législations de différents pays comme les États-Unis ou la France et par la règlementation d’un organisme intergouvernemental comme l’Agence Spatiale Européenne. En fait les activités spatiales sont largement internationales et le COSPAR sert de forum avant que les agences spatiales ne mettent en place les mesures adaptées. Concrètement, il est courant d’estimer l’impact de la protection planétaire à 10 ou 15 % du coût d’une mission d’exploration du système en relation avec l’exobiologie.

 

  Une difficile mission !
Le retour d’échantillons martiens sur Terre, plusieurs fois repoussé, demeure le projet le plus emblématique pour la protection planétaire. Le projet Mars 2020 de la NASA, dans lequel la France est impliquée, et sa suite éventuelle remettent ce retour d’échantillon dans l’actualité. Le scénario de mission, les engins, instruments et procédures doivent garantir que tout contact entre la biosphère terrestre et les échantillons martiens seront évités avant que ces derniers ne soient déclarés sans danger ou stérilisés. D’un autre côté, la communauté scientifique veut étudier sur Terre des échantillons « vierges » de toute altération. Tout commence donc sur Terre avec au départ une sonde dont tous les éléments qui seront envoyés vers Mars seront indemnes de toute pollution organique et de toute contamination microbienne terrestre. Une trentaine d’échantillons d’une dizaine de grammes seront recueillis dans des tubes d’une propreté irréprochable qui seront scellés puis stockés dans une capsule de retour, elle-même scellée et totalement étanche. Le trajet de retour vers la Terre sera assuré par un vaisseau spatial qui sera sur une trajectoire d’évitement de la Terre. Elle ne sera infléchie qu’après que l’étanchéité du conteneur des tubes d’échantillons aura été testée et attestée. La capsule de rentrée atmosphérique devra garantir sa résistance et la préservation de l’étanchéité lors d’une entrée balistique sur Terre (sans freinage motorisé ni par parachute).


Récupération de la capsule japonaise Hayabusa rapportant les échantillons
de l’astéroide Itokawa dans la réserve de Woomera en Australie (crédit JAXA)

Les échantillons lunaires américains comme les astronautes qui revenaient de la Lune ont été les premiers et les seuls à subir une quarantaine. La mesure a été levée après la troisième mission. Les échantillons lunaires soviétiques n’ont pas été, à notre connaissance, soumis à une telle mesure. Les grains cométaires collectés par la mission Stardust de la NASA et les quelques grains de l’astéroïde Itokawa rapportés par la sonde Hayabusa de la JAXA ont été dispensés de quarantaine car ils provenaient d’objets qui n’avaient connu à aucun moment de leur évolution la présence d’eau liquide et ne pouvaient pas héberger de forme de vie.


Vers une longue quarantaine

Dès son arrivée la capsule sera transportée vers un laboratoire de réception, construit ou adapté spécialement, qui combine le confinement d’un laboratoire de haute sécurité biologique (niveau de confinement 4) et la propreté d’une unité de fabrication de puces électroniques. Arrivée dans ce laboratoire (dont les spécifications sont encore en discussion au COSPAR, aux USA et en Europe) la capsule sera ouverte dans des boîtes à gants par des opérateurs en scaphandre. Les échantillons seront extraits, observés, identifiés, distribués en aliquotes. La moitié de chaque échantillon sera placée dans des conditions de stockage qui en préservent l’aspect virginal pour les générations futures. Quarante pour cent seront placés en curation pour être distribués aux scientifiques à la fin de la quarantaine. Enfin dix pour cent de chaque échantillon seront caractérisés par les géologues, les chimistes puis utilisés par les biologistes et les biochimistes pour la recherche de traces de vie ou éventuellement d’entités métaboliques susceptibles de se diviser ou d’altérer de façon transmissible la vie terrestre que nous connaissons (recherche d’un danger biologique). Ces différentes opérations sont censées durer environ six mois. Elles peuvent se faire dans le laboratoire de réception mais aussi dans d’autres laboratoires dédiés présentant les mêmes conditions de sécurité. Le CNES avec le CNRS a investi dans la conception d’un système de transport de tels échantillons dans des conditions de confinement et de sécurité compatible avec les exigences internationales.
Conclusion
Le retour d’échantillons martiens n’est pas encore réellement engagé que les débats commencent autour de retour d’échantillons de glace d’Europe ou d’Encelade. La saga continue donc mais la protection de notre écosystème terrestre face à des menaces inconnues même improbables demeure une priorité de la communauté spatiale.

  Michel VISO, Docteur Vétérinaire. Responsable de l’Exobiologie au CNES.
Michel Viso a rejoint le CNES comme spationaute en 1985 et a travaillé pour le projet Rhésus jusqu’à son abandon par la NASA en 1993. Devenu responsable d’expériences menées avec les États-Unis et la Russie, il a été impliqué dans la protection planétaire dès 1999 pour la préparation d’un retour d’échantillons martiens. Il a pris la responsabilité de l’Exobiologie au CNES en 2004.

Auteur

Michel Viso

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