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01 octobre 2018

PROJET ARTEMIS
UNE INFOSTRUCTURE BIG DATA SOUVERAINE POUR LES ARMÉES

L’avènement et la disponibilité en sources ouvertes des technologies de l’IA et du « big data » ont révolutionné la conception et l’usage des systèmes d’information ces dernières années. Pour faire face à cette révolution, la DGA a notifié fin 2017 le partenariat innovant ARTEMIS qui vise à élaborer de façon incrémentale une infostructure souveraine au profit des armées et des programmes qui auront recours au traitement de données en masse et à l’intelligence artificielle.


La dernière décennie a été témoin de l’accroissement exponentiel des volumes de données produites, en particulier avec l’internet des objets, la démultiplication des capteurs et la tendance générale à la connectivité arborée par tous les objets du quotidien. S’il s’agissait initialement de stocker et de restituer la donnée à la demande, les usages de celles-ci ont drastiquement évolué avec d’abord de simples statistiques pour aller vers des traitements de plus en plus intelligents dont l’intelligence artificielle et la data-science sont le paroxysme.

Les géants du numérique ont été les premiers à connaître la nécessité de manipuler de tels volumes pour leurs propres besoins, ce qui les a conduit à créer tout l’ensemble des technologies nécessaires à cette tâche. Initialement, les résultats de ces développements restaient confidentiels tout en faisant l’objet d’articles de journaux scientifiques, permettant ainsi à la communauté de réimplémenter ces technologies propriétaires. Aujourd’hui l’open-source est devenue la norme, et les entreprises développant des logiciels complexes rendent la plupart du temps le fruit de leurs développements internes disponibles sur internet sous des licences extrêmement permissives. C’est bien cette ouverture qui est à l’origine de l’explosion du domaine puisque les outils nécessaires se sont démocratisés, réduisant de ce fait la barrière à l’entrée qui existait pour la mise en place de démarches autour des problématiques de l’IA et du big data.

La majorité des acteurs du domaine n’ont ni les moyens, ni les capacités de développer leurs propres technologies pour des besoins qui restent objectivement moindres. La course à la numérisation à laquelle on assiste aujourd’hui dans les organisations n’a donc pas pour objet, ou très rarement, d’élaborer de nouvelles technologies visant à répondre à leurs besoins, mais plutôt de parvenir à tirer parti de ce qui est disponible sur le marché pour l’adapter, et élaborer de nouveaux produits et services à partir de celles-ci. Dans la mesure où il ne semble aujourd’hui pas possible pour une organisation de penser une stratégie sans y inclure l’intelligence artificielle et le traitement de la donnée dans son acception la plus large, cette course ne peut que s’accélérer dans les prochaines années.

Le ministère des Armées ne fait pas exception : bien loin d’un utilisateur marginal, il est à n’en pas douter l’un des plus gros producteur et consommateur de données de l’ensemble de la sphère étatique. Au fil des ans, les armées ont multiplié le nombre de capteurs mis en service ainsi que la précision des données qu’il produisent, accroissant automatiquement le volume des données produites et donc à traiter pour en tirer les informations nécessaires à l’exécution des missions dont les armées ont la charge. Ces missions requièrent une intelligence croissante dans l’exploitation de ces données, ne laissant ainsi aucun doute sur l’importance vitale que revêtiront les technologies de l’intelligence artificielle et du big data pour conserver notre ascendant sur nos ennemis. C’est dans ce contexte que la DGA a lancé le partenariat innovant ARTEMIS (ARchitecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information multi-Sources) qui vise à livrer au profit des programmes d’armement une infostructure souveraine et à l’état de l’art pour permettre le développement et l’intégration de l’IA et du big data dans l’ensemble de nos systèmes d’armes, et plus largement dans les systèmes du ministère.

A terme, la mise en service d’un tel système doit aboutir au décloisonnement des silos de données, facilitant ainsi le développement de nouvelles applications au profit des opérationnels des armées. Ce dernier objectif n’est pas des moindres : les systèmes d’informations ne sont plus développés aujourd’hui de façon monolithique sur des temps longs mais plutôt sur des démarches agiles avec des cycles courts. Pour outiller ce changement de paradigme, ARTEMIS doit simplifier le développement d’applications métier en mettant à disposition des développeurs un socle et les outils nécessaires pour concevoir des modules directement utilisables par le système. Ces modules, eux, peuvent être développés dans des temps courts, ce qui ne serait pas envisageable pour le développement d’un système complet. Ce paradigme n’est pas nouveau et a déjà été embrassé par l’ensemble des entreprises mettant à disposition des offres de cloud ainsi que par ceux qui les utilisent.

Un développement en trois phases compétitives calqué sur les partenariats d’innovation

En répliquant un tel modèle, ARTEMIS offre non seulement la possibilité au ministère des Armées de disposer des dernières innovations en matière de traitement de données, mais également aux entreprises souhaitant travailler avec les armées les moyens de pouvoir le faire avec un investissement minime. Avec le double objectif d’initier les travaux sur ce modèle et d’éprouver l’infostructure développée sur des cas d’usage réalistes, ARTEMIS inclut la réalisation de produits minimum viables en matière de cas d’applications pour les armées, qui portent par exemple sur le renseignement, la cyberdéfense, la maintenance, la santé.

DEUX SPÉCIFICITÉS, LA SÉCURITÉ MULTIDIMENSIONNELLE ET LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE / EMBARQUÉE »

Le marché civil offre pourtant de nombreuses solutions en la matière, souvent produites par des éditeurs étrangers. Aucune de celle-ci ne répond aux besoins du ministère des Armées et notamment à deux spécificités qu’il ne partage pas avec le reste du marché. La première spécificité est celle de la sécurité multidimensionnelle : le ministère est soumis à la gestion d’informations marquées par le secret de la défense, cela à des niveaux de sensibilités variables et avec des restrictions particulières dépendantes du type d’information manipulée par le système. La réglementation impose bien entendu une sécurisation spécifique qui n’est déjà pas une problématique simple pour des technologies n’ayant pour la plupart pas intégré d’emblée cette dimension, mais également des mesures techniques spécifiques qui visent à garantir par exemple la traçabilité des actions effectuées. La gestion multidimensionnelle de la sécurité revêt une complexité particulière car elle s’oppose au principe de lac de données dans lequel les informations sont conservées avec peu de cloisonnement entre elles pour maximiser leur réutilisabilité. Il n’existe aujourd’hui sur le marché aucun système intégrant cette problématique et ARTEMIS a vocation à faire émerger une solution pérenne, compatible de nos contraintes de sécurité mais également libératrice pour les usages de nos armées.

La seconde particularité est celle de la distribution géographique et de l’embarquement. Contrairement au monde civil où les réseaux de communication à haut débit sont la règle, les sites sur lesquels les armées ont vocation à collecter, traiter et exploiter les données sont non seulement dispersés en métropole et hors métropole, mais de surcroit reliés par des liens de qualité et de nature variable. Le spectre peut aller de la configuration classique de datacenters reliés par des réseaux haut débit à des plateformes embarquées, parfois déconnectées, à bord de navires ou d’aéronefs. Pour assurer la fluidité de la circulation de l’information, il est impératif qu’ARTEMIS soit capable de faire face à l’ensemble de ces scénarios.

Pour atteindre ses objectifs, ARTEMIS s’est doté d’une structure contractuelle adaptée, calquée sur les partenariats d’innovation. L’objectif de cette structure contractuelle, est multiple : décomposée en 3 phases indépendantes, elle permet de préciser le besoin au fur et à mesure de l’avancement de la procédure et permet de tenir compte de l’expérience accumulée au cours du développement des solutions industrielles. Il s’agit également d’une compétition, initialement pour l’entrée dans le partenariat, mais également tout au long de la procédure puisque trois partenaires sont retenus pour la phase 1 et réalisent les même travaux tout au long de celle-ci. A l’issue de la phase 1, les partenaires sont évalués sur la base de leurs propositions pour les phases suivantes et sur les résultats des travaux effectués au cours de la phase précédente, permettant ainsi à l’Administration de ne retenir que les deux meilleures solutions. Le même mécanisme est répété en fin de phase 2 pour ne garder qu’un seul industriel en phase 3. Cette saine émulation conservée tout au long de la procédure incite les industriels à l’innovation, critique lorsqu’il s’agit d’un tel domaine, et donne confiance en la capacité d’obtenir le meilleur produit possible à la fin du processus.

ARTEMIS est donc le symbole d’un ministère en pleine transformation, qui embrasse les technologies de la transformation numérique et l’écosystème qui les accompagne. Avec des résultats dès la fin 2018, des bacs-à-sable disponibles dès 2019 et de premiers déploiements qui suivront dans l’année, le projet devrait constituer une source de transformation et de modernisation durable qui a toujours été l’une des missions premières de la DGA.

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