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01 octobre 2018

INVESTIR DANS LES START UPS DU DIGITAL : UN MÉTIER

Les vagues technologiques qui se succèdent font apparaitre des acteurs à forte dynamique. Comment les détecter et les accompagner du local vers le global ?


 

Des licornes dans un monde en mouvement

Certaines des start ups investies par les premières générations de fonds d’investissement en capital risque sont devenues des licornes, c’est à dire des sociétés dont la valorisation dépasse le milliard d’euros, avec une position de « game changer » d’envergure mondiale. C’est par exemple le cas de Criteo, fondé par Elaia partners en 2004, et numéro trois mondial de l’adtech, technologie de la publicité ciblée via Internet basée sur les cookies.

Si le déploiement massif de la première génération de solutions digitales a transformé les pépites en groupe multinationaux, ils doivent aujourd'hui innover pour traiter les nouveaux besoins du digital.

Parmi les nouveaux défis, on peut citer l’évolution des volumes de données à traiter sous des formats divers (les data set), l’arrivée de solutions et algorithmes plus efficaces intégrant de plus en plus d’intelligence artificielle, la question de la cybersecurité et de la cryptographie, la transformation digitale qui atteint tous les segments de l’économie, y compris les moins intuitifs comme l’immobilier ou la santé humaine, la nécessaire évolution des infrastructures du digital pour traiter le volume croissant...

En conséquence, nous observons tous les cinq ans une nouvelle génération de start up disruptives des solutions digitales, et pour cette raison, nous voyons une opportunité de marché, chez Elaia Partners, pour structurer tous les cinq ans un nouveau fonds d‘investissement en capital risque digital, pour investir dans les nouvelles pépites prometteuses.

Une stratégie d’investissement en quatre piliers

La première étape de l’investisseur qui structure un nouveau fonds d’investissement consiste à définir sa stratégie d’investissement pour ce Fonds. Pour nous, il s’agit d’apporter la plus forte croissance et d’offrir de la performance à nos investisseurs.

Premier pillier : un Focus clair, à savoir des start ups Deeptech, BtoB, ambitieuses et disruptives. En d’autres termes, l’équipe de fondateurs comporte des chercheurs, apporte des solutions complexes à forte densité technologique, est capable de créer ou disrupter un marché. En outre, la start up est souvent liée à la recherche, avec une forte création de propriété intellectuelle (moins en digital où l’on voit surtout de l’innovation de savoir-faire), avec une innovation très différenciante, avec forte barrière à l’entrée, et un potentiel de forte croissance une fois franchie la barrière. Sont particulièrement appréciées les start ups locales, qui ont l’ambition et le potentiel de se développer globalement, car l’investissement dans des jeunes pousses est d’abord un métier de proximité, en raison de leur fragilité dans les premières années. En revanche, les technologies disruptives doivent viser l’international rapidement, car les marchés de l’innovation sont mondiaux, et les temps d’adoption par les clients (le « time to market ») dépend énormément du contexte.

Deuxième pillier : un investissement précoce : dès le stade du pré- amorçage, de l’amorçage, ou de la série A de capital risque. Il faut comprendre le risque technologique, identifier et capturer les meilleures opportunités, à prix raisonnable, en investissant si possible seul au premier tour, pour maximiser notre part de capital, en actionnaire minoritaire structurant.

Troisième pillier : la confiance, en étant Entrepreneur – friendly (proche de nos entrepreneurs) et investisseur actif dans les organes de gouvernance de la start up ensuite. Cette forte relation de confiance nous permet d’accéder à des informations stratégiques clefs pour accompagner la croissance de la start up.

Quatrième pilier : une gestion de portefeuille sophistiquée, avec un investissement initial dans les start ups pour constituer le portefeuille d’environ 20 start ups, en allouant un ticket initial d’un maximum d’un tiers du montant global prévu par ligne. Les réinvestissements suivants varient selon les start ups, en maximisant sur les start ups performantes qui réalisent leur croissance, et en minimisant sur les participations non concluantes, en incluant une stratégie de stop loss, pour limiter la sous performance des moins bonnes lignes du fonds. Cette stratégie partagée avec les entrepreneurs nous permet de concentrer l’exposition du fonds et le temps disponible de l’équipe de gestion sur les start ups de croissance et de réaliser sur l’ensemble portefeuille d’excellentes performances.

Créer et structurer un Fonds, lever des fonds : la pratique

Lorsque l’opportunité de structurer un nouveau fonds d’investissement se présente, les principales questions sont les suivantes :

- Le Dealflow est-il suffisamment abondant pour justifier un Fonds d’investissement dédié ?

Le métier d’investisseur est d’abord un métier de sélection des meilleurs sociétés cibles à investir, et il est impératif de recevoir suffisamment de possibilités d’investissement en début du processus de filtre, pour pouvoir sélectionner uniquement les meilleures. Par exemple, il peut exister beaucoup de start up digitales en création, mais peu en phase rentable, si bien qu’un fonds dédié aux start ups digitales naissantes trouvera sans difficulté un dealflow abondant, mais un fond dédié aux start ups digitales rentables n’aura pas assez de deaflow et sera tenté d’investir tout ce qui se présente.

- Quelle taille du Fonds prévoir, en considérant le montant moyen à investir par start up : 50 MEUR, 150 MEUR, 300 MEUR ?

Cette question reboucle avec la taille du delaflow, le nombre de sociétés cibles que l’on souhaite investir et la taille de l’équipe de gestion qu’il va falloir allouer pour gérer ledit nouveau fonds.

Le fonds PSL Innovation Fund, dédié aux starts ups issues de l’Université Paris Sciences et Lettres, dont j’ai assuré la création en 2017, a été doté de 40 MEUR

- Quelle valeur ? Après avoir évalué le nombre de start ups à investir, il faut préciser la stratégie d’investissement et réinvestissement ligne à ligne, en élaborant le modèle de fonds avec les simulations de performance financière globale.

Actuellement, on observe une augmentation des valorisations des start ups du digital, qui nécessite de remettre en question les modèles de stratégies d’investissement, pour demeurer dans le jeu concurrentiel, tout en préservant les perspectives de rendement. Les levées de fonds dans le digital ont connu un regain d’intérêt, ce qui a rendu disponible un afflux de liquidités pour les start ups du digital, si bien que certains investisseurs peuvent être tentés d’accepter le jeu des surenchères de valorisation, pour réaliser leurs objectifs de nombre de start ups à investir. Ce contexte milite plus que jamais pour s’appuyer sur des équipes de gestion professionnelles et expérimentées.

- Quels investisseurs ? Enfin, au vu de ces éléments de structuration du Fonds, l’équipe de gestion peut définir la typologie des investisseurs à solliciter pour souscrire dans le Fonds, et commencer les « roadshow » à savoir les demandes de rendez-vous pour levée de fonds. Certaines équipes de gestion font appel à une leveur de fonds. Chez Elaia Partners, nous avons mobilisé des leveurs de fonds pour plusieurs de nos fonds, puis j’ai mené la levée de fonds de notre dernier fonds PSL Innovation Fund sans leveur de fonds, en mobilisant mes contacts personnels chez les investisseurs.

Conclusion : Exceller aux trois étapes : investir, gérer, vendre

Après avoir finalisé la levée de fonds et réussi l’étape de constitution du Fonds (le « Closing du Fonds »), l’équipe de gestion débute la période d’investissement en sélectionnant les premières start ups cibles.

Les clefs de la réussite ? Il faut être le meilleur aux trois étapes du métier :

- A l’investissement initial, être le meilleur sélectionneur des pépites les plus prometteuses, et bien négocier le prix ;

- Exceller en période de gestion de portefeuille : notamment aider les start ups investies à recruter une équipe de pointe et à convaincre leurs premiers clients, les accompagner pour leurs levées des fonds aux étapes ultérieures, et appréhender avec lucidité les start ups dont le time to market n’est pas atteint pour adopter la tactique stop loss,

- Maximiser les cessions des start ups les meilleures.

La performance d’un Fonds (un facteur 3 au global chez Elaia Partners, net de frais) s’obtient en revendant avec un facteur 10 une poignée de start up réussies, plutôt qu’en obtenant un facteur 1,5 sur tout un portefeuille.

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