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Couvreur affrontant le vent et le froid de janvier en haut de la flèche
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01 janvier 2025

L’« ESPRIT NOTRE DAME » ET L’HUMAIN

Chers amis,

Puisque votre magazine préféré me fait l’amitié de me demander la préface de ce numéro, il convient assurément de filer la métaphore entre le sport et cette belle aventure collective que fut la renaissance de Notre-Dame de Paris.


Cela n’a heureusement rien d’un exercice impossible. Par ailleurs, les liens entre les compétences du corps de l’armement et la renaissance de Notre-Dame sont nombreux et évidents, puisqu’il s’agit dans les deux cas de maîtrise d’ouvrage publique dans des domaines d’excellence française, où il faut avancer et construire dans une complexité technique et réglementaire propre à engluer les plus déterminés sauf à se battre âprement chaque jour, et où la maîtrise du risque est un impératif quotidien.

Mais restons au sport. Je dis souvent que la restauration de Notre-Dame de Paris avait tout d’un sprint sur la longueur d’un marathon, ou d’un marathon exécuté à l’allure d’un sprint. Nous voilà d’emblée dans la métaphore sportive au cœur du sujet : il est question de volonté, de détermination, de courage, de résilience. Concentré sur un objectif simple et clair mais un peu fou, il s’agit de relever le défi, déployer dans la durée l’engagement et l’énergie, pour ne se laisser arrêter par aucun obstacle, afin d’avancer sans cesse sur un chemin certes esquissé à l’avance, mais aussi adapté en permanence à l’imprévu et aux contrariétés.

Pour ne pas en rester à l’image de la course, où mes talents personnels sont de la plus grande médiocrité, j’évoquerai aussi les sports de montagne, ma principale pratique sportive, en individuel et en collectif (cordée), expérience d’engagement et de constance dans l’effort. Chacun sait aussi que le général Georgelin, qui a déterminé la réussite de la renaissance de Notre-Dame par sa volonté et son autorité, avait une véritable passion pour la randonnée en montagne, qu’il pratiquait dans les Pyrénées, où il est décédé accidentellement en août 2023.

bouquet des charpentiers célébrant l’achèvement de la charpente du chœur

Charpentiers mettant en œuvre l’équarrissage manuel des nouvelles charpentes

Mais la réouverture en cinq ans de la cathédrale Notre-Dame de Paris n’est certainement pas l’exploit individuel d’un surhomme – ou d’une surfemme – quel qu’il soit ; c’est une forme de sport collectif où le succès est celui d’une équipe de plus de 2000 membres, équipe cimentée par l’objectif commun, renforcée de coachs spécialisés de multiples disciplines, pour avancer au rythme d’ensemble qui suppose que les « tendinites » individuelles, les « intempéries » et toutes les déconvenues ponctuelles, soient toujours palliées par la volonté, la solidarité et l’inventivité collectives.

D’emblée apparaît le facteur clé, essentiel : le facteur humain. La prééminence de l’humain est une évidence pour le sport de compétition : qui douterait qu’une médaille d’or récompense un homme ou une femme pour une alliance exceptionnelle de mental, de capacités intrinsèques, de force de caractère pour l’entraînement régulier dans la longue durée, d’entente et de confiance avec tout le staff qui accompagne l’athlète, de résilience face aux déconvenues telles que les accidents de santé ? Qui douterait qu’une équipe de volley-ball victorieuse a construit sa supériorité, au-delà des qualités de chacun, sur sa cohésion, son unité, l’entente, la solidarité, le respect mutuel, la prise de risque audacieuse mais pleinement réfléchie et assumée collectivement ?

Ainsi le sport nous permet de comprendre le primat de l’humain dans toute réussite individuelle et collective – et c’est assurément le cas dans cette formidable réussite française qu’est la renaissance de Notre-Dame de Paris –, au travers de qualités qui sont, elles aussi, individuelles et collectives.

Couvreur affrontant le vent et le froid de janvier en haut de la flèche

Bouquet des charpentiers célébrant l’achèvement de la charpente du chœur

 

Au premier rang des qualités individuelles, la pleine adhésion à l’objectif, celui de rouvrir la cathédrale en cinq ans, l’engagement sans tiédeur de tous les acteurs et partenaires de la restauration, depuis les 340 000 donateurs jusqu’aux agents de sécurité et d’entretien du chantier, les compétences et savoir-faire détenus dans la vingtaine de formidables métiers d’art et du patrimoine mobilisés pour Notre-Dame, sans compter les métiers d’organisation et de soutien propres à tout grand chantier, le courage des compagnons et encadrants pour avancer, prendre des risques raisonnés et décider, chacun en fonction de la place qu’il occupe, enfin la résilience de tous face aux difficultés, contrariétés et accidents.
Au premier rang des qualités collectives, cet exceptionnel « esprit Notre-Dame », qui a frappé tous ceux qui ont approché le chantier, l’unité, la solidarité et l’entraide, la confiance mutuelle, la connaissance et la compréhension d’autrui, la proximité, le respect mutuel, la conviction qu’on avance et réussit ensemble.

Je souhaite que le thème du sport si opportunément choisi pour ce numéro de la revue de l’armement permette à chacun de prendre pleinement conscience de l’importance du facteur humain dans toute réussite et des qualités individuelles et collectives à mobiliser pour relever quelque défi que ce soit.

Je peux témoigner que c’est à la fois la condition absolument nécessaire pour réussir – et le moyen qu’une aventure potentiellement périlleuse devienne une épopée passionnante et pleinement belle à vivre.

 

Rassemblement de 1300 compagnons et artisans d’art dans la cathédrale lors de la visite de fin du chantier du président de la République 29 novembre 2024.

Rassemblement de 1300 compagnons et artisans d’art dans la cathédrale lors de la visite de fin du chantier du président de la République 29 novembre 2024.

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