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Une cible générique
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01 juin 2016

Le MMP, une révolution opérationnelle, un exemple à suivre

Le programme Missile à Moyenne Portée (MMP) concentre tout ce qui fait la réussite d’un programme d’armement : capacités opérationnelles exceptionnelles grâce à des technologies innovantes, satisfaction pleine et entière des besoins militaires et souplesse d’emploi, excellente interaction entre les différentes parties prenantes, coûts maîtrisés, respect des délais … et bien sûr maîtrise d’œuvre efficace ! Ne reste qu’à lui souhaiter un succès à l’exportation similaire à celui qu’ont connu ses prédécesseurs Milan, Hot et Eryx.


Depuis les années 1950, l’histoire des missiles français du combat terrestre a été marquée de nombreux succès, parmi lesquels la triade Milan, Hot et Eryx,

Le Milan, d’une portée de 2000 m, a donné toute satisfaction pendant de nombreuses années, sur des caractéristiques simples : complète efficacité antichar et guidage en alignement, le tireur positionnant sa ligne de mire sur la cible jusqu’à l’impact. Cette solution technique bénéficiait d’un avantage économique : toute l’intelligence est placée dans le poste de tir, et la munition reste ainsi rustique, avec un prix modéré. Et puis le contexte opérationnel a évolué. Le MMP est né de ce constat et a bénéficié des dernières technologies, avec l’ambition de sauter d’un coup plusieurs générations.

En termes de portée, il fallait atteindre les 4 000 m. En termes de létalité, il fallait ouvrir vers des charges polyvalentes. Il fallait pouvoir tirer en espace confiné. En termes de guidage, il fallait d’abord sortir de la contrainte « homme dans la boucle en permanence », et proposer un missile avec une capacité « tir et oubli », pour garantir au fantassin la possibilité de se dégager immédiatement après le tir. Le MMP est équipé d’un autodirecteur bi-mode, visible et infrarouge, qui assure en toute circonstance des capacités d’accrochage inégalées, même en zone désertique où la cible et son environnement sont pratiquement à la même température. Mais il fallait aller au-delà du mode « tir et oubli », qui ne permet d’engager que les cibles que l’on voit. Il fallait permettre au fantassin d’engager des cibles masquées, que la cible ait été vue et se soit esquivée ou protégée derrière un obstacle, ou que sa position approximative ait été fournie par un tiers. Il fallait également pouvoir contrôler le missile jusqu’à son impact pour éviter tout risque de dommage collatéral. Pour répondre à ce besoin, le MMP intègre une capacité de « retour image » : une fibre optique renvoie en temps réel vers le tireur les images vues par l’autodirecteur ; tout au long du vol, le tireur bénéficie ainsi d’une vue de la cible et de son environnement ; il peut changer de cible s’il découvre une cible de plus haute valeur (véhicule de commandement, par exemple) ; il peut préciser son point de frappe (fenêtre par laquelle entrer dans un bâtiment) ; il peut à l’inverse détourner son missile vers une zone sans danger pour le cas où, suite à un brusque changement de situation, la destruction de la cible pourrait entraîner des dommages collatéraux. On parle alors de missile avec « homme au-dessus de la boucle » : le tireur bénéficie à la fois du mode « tir et oubli » et d’un mode de contrôle jusqu’à la destruction de la cible.

La performance opérationnelle d’un missile avec « homme au-dessus de la boucle » repose sur les bons choix à faire en termes de courbure de la trajectoire, de vitesse du missile, de champ de l’autodirecteur et d’ergonomie du poste de tir. Dans ce domaine, la coopération avec la STAT s’est trouvée d’une valeur inestimable. Du point de vue plus technologique, l’équipe MMP s’est montrée remarquablement innovante. Des MEMS permettent d’améliorer les performances de la centrale inertielle. Un calculateur unique permet de traiter les images et de faire tourner les autres algorithmes (guidage, etc.). Le senseur infrarouge est du type micro-bolomètre « non-refroidi » ; cela évite la présence d’un système cryogénique qu’il faut percuter plusieurs secondes avant le tir, et cela repousse jusqu’à la dernière limite les actions irréversibles de la séquence de tir. Pour les tirs à vue directe, le missile corrèle l’image que voit l’autodirecteur à celle que voit le poste de tir, dont la résolution est évidemment supérieure : ceci assure un accrochage parfait à portée maximale. Avec ceci, le programme a recouru massivement à la simulation : dès son origine, avec les battle lab qui ont permis de confirmer les besoins clefs ; au cours de son développement, avec la mobilisation des moyens de simulation numérique au cœur des développements MBDA ; et aujourd’hui avec un ensemble de démonstrateurs et de simulateurs qui permettent au combattant de se familiariser progressivement avec son système d’arme, d’acquérir les gestes réflexes et de conserver des compétences opérationnelles au meilleur niveau pour un coût contrôlé. Le résultat est là : les capacités opérationnelles de l’infanterie vont se trouver démultipliées.

 

Une capacité de tir en espace confiné

 

Le missile aura été développé en un temps record, grâce à une démarche extrêmement volontariste de MBDA et à un soutien très fort de la direction de programme DGA : la conception a commencé en 2010, les premiers essais de mise au point datent de 2011. Le contrat de développement a été notifié par la DGA fin 2013, voici moins de trois ans. Les essais de la chaîne létale ont été menés en 2013-2014. Les premiers tirs en vol ont eu lieu à l’été 2014, suivis d’un tir à 4 100 m de portée en février 2015 à DGA/TT. La qualification du missile par la DGA est en cours et les premières livraisons de série des postes de tir, munitions et simulateurs d’entrainement auront lieu en 2017.

Les travaux d’intégration du MMP au Jaguar sont déjà lancés, et l’arme blindée disposera ainsi d’un véhicule de reconnaissance et de combat doté à la fois d’une capacité de tir direct contre les cibles légères ou moyennement durcies avec sa tourelle de 40 mm, et d’une capacité de destruction de cibles très dures (char, infrastructure…) à vue directe mais aussi au-delà de la vue directe.

Le MMP va maintenant commencer sa carrière à l’export, une carrière que l’on peut espérer aussi pleine de succès que celle des précédents missiles du combat terrestre développées par MBDA. Le MMP a permis de développer des technologies tout à fait innovantes tant dans le domaine de la chaine de guidage que celui de la létalité. Celles-ci vont être réutilisées pour d’autres programmes du domaine de l’attaque de surface, que ce soit en national où en coopération internationale, conduisant à la naissance d’une famille de produit autour du MMP : portée accrue, insertion dans un réseau, plateformes aériennes… Décidément, l’histoire est devant nous !

Le général Beaudouin, Directeur de la Section Technique de l’Armée de Terre (STAT), déclarait récemment devant la représentation nationale : «  Le missile moyenne portée de MBDA ne sera mis en service qu’en 2018 mais nous le connaissons parfaitement parce que nous avons participé à la définition de ses interfaces homme-machine. Nous avons vraiment un partenariat – il faut bien l’entendre de cette façon – entre l’industriel retenu, la DGA et les armées » (Audition du 17 février 2016). C’est la plus belle récompense que puisse recevoir un industriel, pour une histoire déjà riche et qui ne fait que débuter.

 

    
Jacques Doumic, ICA (e.r.), MBDA/Business
Après une première carrière de quinze ans au sein du ministère de la Défense (DGA et forces armées), Jacques Doumic a rejoint MBDA en 2009, où il est responsable au sein du Business Development du secteur Anti-Surface.
 

 

    
Vincent Guibout, MBDA/Directeur du Programme MMP
Diplômé de l’Ecole Polytechnique et titulaire d’un PhD en mécanique spatiale aux États-Unis, Vincent Guibout a rejoint MBDA en 2004. Il y a été responsable d’un département franco-britannique au sein de la Direction des Systèmes Futurs, avant de prendre en 2010 la tête du programme MMP.
 

Auteurs

Programmes et systèmes
Armées / DGA / Industrie / Numérique
Manager d’équipes multidisciplinaires et multiculturelles
Vision politique, stratégique et technique.
Expériences de terrain et hauteur de vue
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Vincent GUIBOUT

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