Retour au numéro
Obusier de Type B – Mle 1916 à l’entraînement avec la troupe (ECPAD)
Vue 111 fois
01 juin 2016

L’invention du mortier d’infanterie français

Publié par Bernard AMRHEIN | N° 109 - Terrestre : la mutation

Après la Bataille de la Marne, Allemands et Alliés s’engagent dans « la Course à la mer », puis entreprennent des travaux d’enfouissement sur l’ensemble de la ligne de front. La guerre s’immobilise dans la boue des tranchées. De nouvelles armes d’appui sont alors inventées pour faire face à un type de guerre inédit.


Alors que d’antiques armes de siège sont remises en service, l’artillerie adopte de nouveaux mortiers du type « crapouillot ». Relativement lourdes et peu mobiles, ces armes sont peu adaptées à l’appui des troupes d’infanterie pendant leur progression dans les boyaux.

Mobilisé dès le début du conflit au sein du 154ème Régiment d’Infanterie, Edgar Brandt prend rapidement conscience de ces lacunes. Né à Paris le 24 décembre 1880, ce fils de métallier a poursuivi des études à l’École professionnelle de Vierzon, avec son frère Jules. Après son service militaire, il s’est établi à Paris comme joaillier, puis a ouvert un atelier de ferronnerie d’art fournissant une clientèle aisée.

 

Une arme d’appui d’Infanterie

En 1915, pendant ses phases de repos, Brandt ébauche les croquis d’une arme révolutionnaire : il s’agit d’un obusier pneumatique portable de 60 mm, à tir courbe et à culasse pivotante, reposant sur un affût tripode de mitrailleuse Hotchkiss Modèle 1914.

Encouragé par son commandant de bataillon, Brandt met à profit des permissions pour réaliser un prototype bientôt présenté aux autorités militaires, à Maisons-Laffitte.

Enthousiasmé par la simplicité, la robustesse et la légèreté de cette nouvelle arme, l’état-major renvoie Brandt dans son atelier comme « affecté spécial », avec pour mission d’honorer, avec son frère Jules, une commande de 500 pièces de type A – Modèle 1915, qui seront rapidement livrées aux unités du front, où elles feront merveille.

 

Une innovation technique

L’obusier est mis en œuvre par un observateur chef de pièce, un tireur et un chargeur. Un nombre variable d’auxiliaires vient compléter l’équipe pour assurer le transport des munitions et de la bouteille d’acide carboné (la liquéfaction de l’air comprimé n’a pas encore été inventée), et pour mettre en œuvre les pompes à pied de bicyclette servant en mode dégradé. Le tube à âme lisse de 1,30 m est intégré dans un réservoir tubulaire sur la moitié de sa longueur environ. Son principe de fonctionnement est simple : après chargement de la munition par la culasse, on remplit de gaz ou d’air le réservoir jusqu’à atteindre la pression correspondant à la hausse voulue. Lorsque le tir est déclenché, le gaz sous pression passe brutalement du réservoir dans le tube, propulsant ainsi l’obus sur sa trajectoire.

L’innovation réside dans le mode de propulsion pneumatique, qui permet, sans détonation, sans lueur ni fumée, de tirer un petit obus de la taille d’une grosse grenade jusqu’à 400 m environ, portée idéalement adaptée à l’appui des fantassins dans les tranchées. L’idée est particulièrement ingénieuse car, outre sa discrétion, elle permet la mise en œuvre, de munitions allégées ne nécessitant ni douille, ni apport de charge propulsive.

En 1916, Brandt améliore son invention en proposant une pièce d’un seul tenant, ne mesurant plus qu’un mètre et pesant 17 kg au lieu de 22, ce qui autorise le transport à dos d’un seul servant. La plaque de base comporte des ergots servant de bêches d’affût, et un niveau permet d’ajuster la mise en batterie à angle fixe de 42°.

Un secteur gradué en bronze permet la correction en direction : c’est le seul élément de réglage de l’arme. Détail important pour l’Histoire : l’arme est maintenant chargée par la bouche : désignée comme « obusier », c’est en fait un mortier...

Les performances de tir évoluent également, permettant d’effectuer des tirs entre 30 et 585 mètres.

 

Épilogue

Dans les derniers mois du conflit, l’obusier type B modèle 1916 est progressivement supplanté par les mortiers Stokes de 81 mm et Jouhandeau - Deslandres de 75 mm, plus puissants.

Cependant, après-guerre, Edgar Brandt remporte haut la main la compétition organisée pour équiper l’infanterie française d’une nouvelle arme d’appui - feu au contact. Arme de référence déclinée en différents calibres, du 60 au 120 mm, le mortier de 81 mm modèle 1927 - 31 équipe alors 52 armées dans le monde, puis est largement copié par tous les belligérants par la suite.

En élaborant le concept d’obusier léger d’infanterie, Edgar Brandt se montre visionnaire : aujourd’hui encore le fantassin français peut compter sur un appui feu au contact d’une redoutable efficacité : celui du Mo 81 mm Long Léger Renforcé.

T1 Obusier de type B © Musée de Chevau

 

      
Bernard Amrhein, Général, Conseiller opérationnel de TDA ARMEMENTS SAS
 
 

Auteur

Bernard AMRHEIN

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.