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31 mai 2018

UNE AUTRE VUE SUR LE LEAN

1991 : le Premier Ministre français voit dans le l’essor économique du Japon le succès «de fourmis jaunes». La même année, trois professeurs du MIT, Womack, Jones et Roos, vulgarisent les résultats d’une étude sur l’industrie automobile : « the Machine that changed the world »marque un tournant dans la compréhension par l’Occident des performances de l’industrie automobile japonaise.

Parce qu’il consomme moins de ressource pour créer la même valeur, le système de production japonais est qualifié de LEAN et vanté comme une révolution industrielle universelle. Mais en 2017, l’un des auteurs s’interrogeait sur l’insuccès de ce qu’il avait décrit 30 ans plus tôt(*).


Le Lean ou le TPS ? (Toyota production System)

Ce que les chercheurs du MIT ont vulgarisé avec talent c’est le système de production Toyota qu’ils ont voulu rendre générique en le conceptualisant. Cela donne le Lean, un système achevé de management scientifique autour de 5 principes (la valeur, le flux de valeur, l’écoulement, le flux tiré, la perfection) accompagné d’une méthode de déploiement avec force outils et méthodologie.

A l’inverse, Taichi Ohno qui a contribué à bâtir le TPS le décrit d’abord comme un challenge pour permettre à Toyota de rattraper son retard par rapport aux américains ! Contrairement au Lean qui livre une boite à outil, le TPS est une culture d’entreprise conçue au fil des années (près de 30 !) dans une logique d’amélioration continue et d’observation de terrain. Loin de faire table rase du passé, un chapitre complet du livre de Ohno illustre comment Toyota, futur constructeur automobile, s’est appuyé sur l’ancien Toyota, fabriquant de métiers à tisser, en cherchant l’implication du personnel et le travail en équipe.

5 erreurs souvent commises dans les projets Lean.

  1. Un challenge étriqué : c’est le cas lorsque l’enjeu se résume à une formule comme « je veux gagner X% en 3 ans ! ». Le Lean va focaliser l’entreprise sur la valeur pour le client, c’est donc une machine de guerre pour changer votre position sur le marché. Si votre ambition est de gagner 20% de productivité embauchez un cost killer.
  2. Vouloir déployer une boîte à outils « universels » : tout d’abord ces outils n’existent pas même au sein d’un même domaine. Dans les années 90, Valéo bâtit son propre système de production, inspiré du Lean et aidé par les conseils de son client Toyota. Chaque système de production doit être conçu en fonction du domaine, des forces et des faiblesses de chaque entreprise.
  3. « Le Lean c’est pour mes collaborateurs » : si vous avez compris que votre système de production est l’arme qui va vous permettre de changer votre position concurrentielle, avez vous le droit de le sous-traiter à vos managers ? La performance de votre entreprise vue du client sera toujours donnée par le maillon le moins solide. Si vous sous-traitez, les silos inhérents aux directions fonctionnelles rendront l’amélioration incomplète. Par ailleurs un système de production aussi exigeant qui s’apparente plus à une philosophie générale n’a aucun espoir de perdurer sans l’exemplarité du management.
  4. Vouloir faire du Lean un changement culturel avant tout. Il est toujours surprenant de voir des entreprises qui existent depuis plusieurs décennies vouloir faire table rase 1991 : trois professeurs du MIT, Womack, Jones et Roos, publient une étude sur l’industrie automobile UNE AUTRE VUE SUR LE LEAN par Philippe Loué, ICA, consultant en innovation et en organisation de leur culture pour y plaquer des éléments endogènes tirés de benchmarks nébuleux. Si votre entreprise s’est développée jusque-là ce n’est pas le fait du hasard mais le résultat d’une culture qui est souvent méconnue car implicite. Il y aura suffisamment d’apprentissages nouveaux qui demanderont à être anticipés, alors autant se simplifier la tâche en identifiant ce que les gens font bien « tacitement » et d’en faire une fondation pour construire le nouveau système de production.
  5. Sous-estimer la mauvaise image qu’ont aujourd’hui les méthodes Lean. Petit échange à l’occasion d’un Comité d’entreprise :
  • « Comment vous traduisez Lean ? »
  • « En anglais cela veut dire maigre »
  • « C’est cela, Lean c’est synonyme de dégraissage ».

A la décharge des syndicats, beaucoup trop de dirigeants ont confondu Lean et Cost Killing (voir le point 1.) Sur ce sujet je renvoie à l’excellent livre « Démocratiser le travail ».

Transférer les outils du Lean aujourd’hui c’est déjà préparer la mauvaise guerre, un peu comme si dans les années 30 les dirigeants de Toyota avaient benchmarké et déployé le modèle Ford sans chercher à le dépasser. Ce qui reste particulièrement pertinent du modèle Toyota c’est la notion de dépassement, d’évolution continue, d’implication des équipes pour concevoir un nouveau système de production… Le voyage continue.

(*) http://planet-lean.com/jim-womack-on-where-lean-has-failed-and-why-not-to-give-up

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