Retour au numéro
Vue 156 fois
14 juin 2019

ÊTRE ACTEUR DU "NEW SPACE"

 Innover, innover, toujours innover…

Qu’y a-t-il de si nouveau dans ce « New Space » ? Y aurait-il donc un « Old Space » à la traîne d’une déferlante poussée par des start-up qui se passeraient de l’expérience des « anciens » ? Est-ce la fin des gros satellites remplacés par des constellations de microsatellites ?


En fait, ni l’un, ni l’autre, mais tout à la fois. Car les fondamentaux demeurent : faire mieux, plus vite et moins cher. La révolution est ailleurs et simple à comprendre : le spatial, comme d’autres domaines d’activité, a été percuté par le monde du numérique. Le numérique est tiré par nos besoins toujours plus importants en communication et accès à l’information, et est alimenté par les initiatives des géants du Web et quelques richissimes visionnaires américains. Ces acteurs ont vite compris que les applications sociétales de l’espace, télécommunications, observation de la Terre, navigation…, sont une source d’inspiration et d’information à exploiter et faire fructifier. La révolution numérique a non seulement permis le développement de projets spatiaux à vocation commerciale, rendant nos économies et nos vies encore plus dépendantes de l’Espace, mais aussi la diminution de son coût d’accès, donnant la possibilité à une cinquantaine de nations de déployer leurs propres systèmes orbitaux. Cependant, cette démocratisation de l’accès à l’Espace a un revers : c’est désormais un lieu de conflits à l’instar des domaines terrestre, maritime, aérien et cyber. La récente destruction d’un satellite par un missile indien est là pour le rappeler, tout comme la présence de satellites espions venant « explorer » de près nos moyens spatiaux militaires. En résumé, l’Espace est aujourd’hui marqué par deux changements majeurs : sa numérisation et sa militarisation.

Innover, innover, innover…

En moins de dix ans, le monde spatial est passé du conservatisme, marqué par une forte aversion au risque des opérateurs étatiques et privés, à un mouvement profond de destruction créatrice marqué par de nouveaux modèles d’affaires, des processus de développement audacieux et des technologies inédites qui apparaissent à un rythme toujours plus rapide. Pour survivre, l’industrie du satellite doit placer l’innovation au cœur de sa stratégie. C’est ce que fait Thales Alenia Space. Les balbutiements de cette révolution étaient perceptibles dès la fin des années 2000 avec le lancement des constellations de télécommunications mobiles comme Iridium Next. Pour gagner le plus gros contrats de satellites jamais remportés par un industriel européen, environ 2 milliards d’euros, Thales Alenia Space avait déjà dû bouleverser ses processus de conception et de réalisation de satellites.

Le contrat Iridium NEXT : 81 satellites pour un montant de 2.2 milliards de dollars (1.7 milliard d’euros) pour la conception et fabrication entre 2016 et 2019.

C’était déjà un bel avant-goût du « New Space » : investissement privé, production de satellites en grand nombre, liens inter-satellites, intégration de processeurs numériques et de composants non conçus pour le domaine spatial… Depuis, Thales Alenia Space progresse sur quatre axes d’innovation : les produits, l’industrialisation, l’économie des projets et la culture d’entreprise. Quelques exemples pour l’illustrer : Transformation numérique Dans le domaine de l’observation de la Terre, l’I.A permet d’automatiser l’extraction de l’information utile des images et ainsi mieux exploiter le volume sans cesse croissant d’informations délivrées par les systèmes spatiaux, tout en maîtrisant le volume de l’intervention humaine. Dans le domaine des télécommunications, l’utilisation de processeurs embarqués s’appuyant sur les dernières technologies de microélectronique permet de développer des satellites flexibles reconfigurables par l’opérateur tout au long de leur vie afin s’adapter aux évolutions de la demande des consommateurs finaux (c’est-à-dire nous). Désormais, les capacités cyber sont partout, tant à bord des satellites qu’au niveau de leurs segments sol de contrôle et de mission. Pour ce faire, Thales Alenia Space capitalise sur la transformation numérique mis en place par le groupe Thales renforcée par la récente intégration de Gemalto, à travers d’initiatives structurantes comme la « digital factory », Station F ou encore le rachat des sociétés Guavus ou Vormetrix.

Transformation des processus industriels Pour s’adapter au besoin de ses clients, notamment en termes de réduction des coûts et des délais, Thales Alenia Space a fait évoluer ses processus industriels depuis la genèse des projets jusqu’à leur réalisation en passant par le dialogue avec les donneurs d’ordre. L’avènement du numérique et la généralisation de son déploiement dans le monde industriel a facilité cette transformation avec l’introduction de la robotique, de la cobotique ou encore de la réalité augmentée. En particulier, la conception des satellites s’appuie sur la création d’un produit complètement virtuel dont on peut optimiser la masse et les performances, et définir toutes les spécificités dès le démarrage du projet en lien étroit avec le client. Transformation culturelle au sein de l’entreprise Thales Alenia Space a créé un « Innovation Cluster » dont la mission est d’examiner toutes les idées susceptibles d’apporter de la valeur ajoutée aux clients, différencier son offre de celle de ses concurrents, proposer de nouveaux usages ou idées pour pénétrer de nouveaux marchés. Cette structure légère irrigue tous les acteurs de l’entreprise concernés par la stratégie, le développement et la recherche de nouvelles technologies, de nouveaux processus industriels et de nouveaux produits. En externe, elle est reliée aux marchés, aux acteurs institutionnels et à tous les partenaires potentiels : incubateurs, pôles de compétitivité, PME, start-up... Thales Alenia Space a aussi développé des partenariats avec des plates-formes d’innovation comme Xplor, créée par Thales au Media Lab du MIT aux Etats-Unis, créé des laboratoires conjoints avec, par exemple, l’Université technologique de Nanyang et Thales Singapour. En France, Thales Alenia Space participe activement aux pôles de compétitivité SAFE et Aerospace Valley, soutient la création de « boosters » dédiés aux développement des services numériques valorisant les données spatiales, mis en place en 2015 par le COSPACE, Comité de Concertation Etat-Industrie sur l’Espace. Au niveau du profil des embauches, de nouvelles compétences sont recherchées comme celles liées au big data, aux « data analytics » ou encore à la cybersécurité. L’ensemble de ces actions permettent de décloisonner les domaines et les acteurs, de bousculer les habitudes et de penser « en dehors de la boîte ». La transformation des approches économiques des projets spatiaux Le marché des satellites a toujours été fortement influencé par la puissance publique, essentiellement les ministères de la défense et les agences spatiales des grandes puissances. En complément, depuis une dizaine d’années, ce marché est alimenté par les acteurs essentiellement nord-américains du numérique, des services géo-localisés ou du monitoring de l’environnement. Dans ce contexte, Thales Alenia Space et sa société sœur Telespazio sont soutenus par leurs deux actionnaires Thales et Leonardo pour se positionner sur les segments de marché en croissance tirés par l’apparition de nouveaux besoins. Des investissements conséquents ont été décidés dans le domaine des constellations, par exemple : - L’observation de la Terre à très haute fréquence avec la constellation BlackSky (60 petits satellites) ; - La surveillance combinée de la Terre et de l’espace avec le développement de la constellation Northstar (40 satellites) ; - La localisation et l’internet des objets avec le développement de la constellation Kinéis mené par CLS, filiale du CNES. Par ailleurs, la question de l’investissement privé se pose désormais dans les services en orbites, sur des problématiques aussi diverses que la gestion et l’élimination des débris présents dans l’Espace, l’inspection des satellites, l’adjonction à mi-vie de charges-utiles supplémentaires, leur recharge en ergol ou encore leur désorbitation. Dans cette perspective, Thales Alenia Space se prépare activement avec le programme Space Start.

Et l’Etat dans tout cela ?

La dynamique d’initiatives privés que l’on observe depuis quelques années dans le domaine spatial doit être analysée à sa juste mesure : elle n’existerait pas sans le soutien massif de la puissance publique en particulier aux Etats-Unis, à travers la NASA et le Pentagone, et en Chine. Sur le plan mondial, la proportion des investissements privés et publics dans le domaine spatial est de 1 à 20. La France, où l’industrie spatiale s’est progressivement construite sous l’impulsion d’une politique d’investissements de long terme de l’Etat, n’échappe pas à ce mouvement. Si cette industrie peut aujourd’hui prendre des risques en lançant des initiatives privées, c’est qu’elle mise sur la poursuite d’un soutien public à cette belle aventure qu’est l’Espace. La conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne de la fin 2019 est une opportunité à saisir par la France pour, très concrètement, confirmer ce soutien en particulier dans le domaine des satellites.

Auteur

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.