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19 juin 2023

ESPACE : DES BÉNÉFICES CROISÉS


Dans les années 1960, le programme secret des « pierres précieuses » ou plus simplement des « études balistiques de base » préparait les premiers missiles balistiques. Ces études aboutiront à la fusée Diamant, et à une symbiose jamais démentie entre mondes civils et militaires.


Une stratégie payante

Dans les années 1970, la politique spatiale du CNES, récemment créé, se concentre exclusivement sur les lanceurs ainsi que sur des applications scientifiques, expérimentales et technologiques, passage obligé afin d’acquérir et de perfectionner la maîtrise des différentes technologies constitutives d’un système spatial. Ces réussites aboutissent à la réalisation, en coopération avec l’Allemagne, des deux premiers satellites civils de télécommunications européens, Symphonie A et B, lancés entre 1974 et 1975 par une fusée Delta 2914.

Avec l’arrivée et le succès des premières fusées Ariane qui permettront de s’affranchir des lanceurs américains pour atteindre l’orbite géostationnaire, le programme Télécom est imaginé au début des années 1980 pour permettre de prendre le relais sur les satellites Symphonie et assurer la continuité de service des missions civiles. Le ministère de la Défense et la DGA s’associent alors au projet par adjonction d’une mission militaire embarquée (Syracuse 1) faisant des trois satellites composant le segment spatial, propriétés de France Télécom, les premiers satellites duaux français.

Fort de ce succès, le CNES se voit déléguer, par décision interministérielle, le développement des programmes militaires ainsi que la conduite des activités de recherche et de préparation du futur concernant les applications spatiales de Défense.

Le 26 novembre 1965 la première fusée Diamant, lancée d’Hammaguir, porte le satellite Astérix. La France devient la troisième puissance spatiale mondiale.

Le 26 novembre 1965 la première fusée Diamant, lancée d’Hammaguir, porte le satellite Astérix. La France devient la troisième puissance spatiale mondiale.

L’intérêt de confier à une agence civile telle que le CNES la conception et l’exploitation des systèmes spatiaux de la Défense est double car cela permet à la fois de mutualiser les besoins et de partager les risques dans le but de réduire les coûts pour la Puissance Publique et l’Industrie. En effet, la réutilisation de certaines technologies civiles, comme les plateformes, profite directement aux programmes militaires, et, à l’inverse, la réutilisation des technologies de défense, concernant la sécurité, la haute performance ou encore l’approche système bénéficie aux programmes civils. C’est ainsi que des programmes duaux ont permis de développer des compétences nationales uniques.

Ces grandes réussites, obtenues dans tous les domaines d’application, ont été rendues possibles par un soutien institutionnel continu qui a permis de consolider la base industrielle nationale tout en protégeant un savoir-faire unique sans le dupliquer.

Cette stratégie a affermi la compétitivité sur le marché mondial dans tous les domaines tout en répondant de manière efficiente aux besoins des forces armées et à leurs évolutions.

CETTE STRATÉGIE DUALE A PERMIS UN SOUTIEN CONTINU DANS LE DOMAINE DU SPATIAL

L’excellence de la filière optique de l’observation de la Terre, un modèle de dualité à double sens

Porteur de technologies novatrices, SPOT a été le premier grand programme d’observation de la Terre et le fer de lance national de la télédétection optique..

En parallèle du succès des premiers satellites de télécommunications, et dans un contexte de guerre froide, des études et expérimentations sont menées au CNES afin d’aboutir à la réalisation d’un système orbital d’observation de la Terre. SPOT et son équivalent militaire, SAMRO, sont les deux projets qui visent à doter la France de capacités de surveillance depuis l’espace. Si le second ne verra jamais le jour, il permettra au premier de connaitre le succès qu’on lui connaît par la réutilisation de certaines technologies et développements préliminaires. Cette association permettra alors l’avènement de la dynastie des satellites SPOT et Hélios dont le succès durera plus de 40 ans grâce à une synergie duale héritée des générations successives.

CSO, dernier né militaire de l’héritage Pléiades

CSO, dernier né militaire de l’héritage Pléiades

La confirmation sera assurée par le programme Pléiades, qui, par sa conception complètement duale, va provoquer une rupture technologique à tous les niveaux afin de concilier les besoins commerciaux civils et les besoins opérationnels militaires. Sa construction unique qui vient positionner la plateforme autour de l’instrument (et non plus l’inverse) viendra bouleverser tous les domaines techniques, jusque dans la mise en œuvre du guidage en prise de vue ou dans l’élaboration des plans d’acquisition. Marque de la profonde dualité de Pléiades, son héritage a été en partie transféré vers l’industrie sur des programmes civils commerciaux (SPOT 6, 7 et Pléiades NEO) et a aussi permis d’assurer la continuité des systèmes militaires actuels et futurs (CSO et IRIS) en accroissant leur performance et en élargissant leurs missions.

Depuis Pléiades, la recherche duale en rupture pour les applications d’observation de la Terre est assurée au CNES, au travers des financements continus de la « ligne 191 », via des programmes technologiques tels qu’OTOS et l’avant-projet associé THR-NG. De nos jours, elle est concrétisée par des applications telles que CO3D ou le programme Hyperspectral.

Cette filière a par ailleurs fait émerger de nouveaux acteurs civils privés nationaux sur le marché de l’observation, offrant au gouvernement et aux armées une capacité de résilience.

PLEIADES, LA DUALITE D’EMBLEE

Conséquence de cette renommée, les plus grandes coopérations scientifiques internationales telles que Jason, SWOT, le JWST, Curiosity, Perseverance, ou encore RASHID comptent toujours la France comme partenaire essentiel.

L’exploitation et le maintien en conditions opérationnelles, opérations duales des satellites

Depuis les premiers programmes d’observation de la Terre, qu’ils soient civils ou militaires, le CNES assure les opérations des satellites afin de mutualiser les besoins en ressources humaines et d’assurer un retour d’expérience des opérations vers le développement, et inversement. Cela illustre la maîtrise de bout en bout du CNES, depuis la recherche technologique et l’ingénierie amont jusque dans les phases d’exploitation et de fin de vie afin d’en tirer tout le bénéfice pour les programmes suivants. En outre, cela permet aujourd’hui au CNES et au CDE de travailler main dans la main afin de garder cette complémentarité duale durant les phases d’exploitation des systèmes spatiaux, et ce, jusqu’à leur fin de vie et leur désorbitation.

Finalement cette stratégie duale du CNES, gagnante dans le passé, permettra de répondre aux grands enjeux futurs, civils ou militaires, gouvernementaux ou privés.

Les satellites Pléiades sont agiles !
Toute la chaîne de programmation mission a été revue et de nouveaux algorithmes de calcul ont été développés afin d’appréhender au mieux la combinatoire pour :
- Minimiser les conflits entre les acquisitions ;
- Partager efficacement la capacité ;
- Optimiser l’utilisation du satellite.

Ainsi, ce type de système est capable de produire un très grand nombre d’images, d’un ordre de grandeur supérieur par rapport aux satellites de la génération précédente.

Photo de l auteur
Florian Rouziès, IA, Spécialiste programmation mission de Défense au CNES

Il effectue en tant qu’IA un premier poste en affectation temporaire au CNES afin de participer au développement du système CSO. Fort de cette expérience, il choisit d’intégrer le CNES pour participer activement à la définition et au développement technique des missions et projets de Défense.

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