FUSÉES DE MUNITIONS SOUVERAINES
UNE CO-ENTREPRISE FRANCO-ALLEMANDE LEADER
Tout le monde connait Ariane, leader mondial des lanceurs spatiaux, souvent appelés « fusées ». Mais il existe dans le domaine de l’armement d’autres fusées, bien plus anciennes, et dans lesquelles une co-entreprise franco-allemande est devenue au fil des ans un champion industriel : Junghans Defence .
Le terme « fusée » est très ancien. Il désigne le dispositif, placé généralement à la tête de l’obus, qui a essentiellement deux fonctions : assurer la sécurité de l’obus avant son utilisation, et, une fois l’obus tiré, décider quand il doit exploser. Ce concept a ensuite été dérivé pour tous les objets dont il faut garantir la sécurité d’emploi et la performance terminale sur un champ de bataille : munitions, bombes aéroportées, missiles, roquettes, torpilles sous-marines etc
FBM 21, fusée de bombe aéroportée
Dès le 17e siècle (sous Louis XIII), les premières tentatives françaises d’obus éclatants (ou bombes) sont effectuées, mais, la sécurité des systèmes pyrotechniques de l’époque étant inexistante, les essais conduisent à des catastrophes (cf. bulletin des anciens de centrale Lyon de 1920 reproduit ci-dessous, après 22 pages de réclame). La fonction sécurité a depuis été considérablement améliorée, et la plupart des fusées modernes présentent une double sécurité, triple dans certains cas, pour s’assurer que la munition n’explosera que lorsque cela est sans danger pour ses opérateurs.
Quant à la fonction de déclenchement de l’explosion de l’obus, il est estimé qu’à l’époque de la première guerre mondiale, entre 15% et 30% des obus tirés n’explosaient pas lors de l’impact, et ce taux était encore de 10% lors de la guerre du Vietnam. Sachant que plus d’un milliard d’obus ont été tirés lors de la Grande Guerre, au minimum 150 millions d’obus non éclatés sont encore enterrés dans les zones de combat, à des profondeurs pouvant aller jusqu’à 50 mètres. La qualité de la fusée est donc essentielle pour garantir la performance des armements modernes, mais aussi éviter une pollution grave des théâtres d’opérations à l’issue des conflits.
Une JV franco-allemande créée en 2008 grâce à la volonté forte des Présidents de Thales et Diehl
Créer une co-entreprise franco-allemande dans le domaine des fusées de munitions, dans un domaine aussi sensible touchant à la souveraineté des États, et accepter une certaine interdépendance, pouvait ne pas paraître évident, étant donnée l’histoire entre nos deux pays. De plus, les activités de fusées allemandes pesaient à l’époque trois fois plus que celles du côté français, et les statuts de la nouvelle société devaient conférer à chacun des partenaires, et à leurs États respectifs, des garanties de pérennité ainsi qu’un équilibre des pouvoirs.
La création de Junghans Defence au milieu des années 2000, à partir des activités de fusées de TDA Armements en France et de Junghans Feinwerktechnik en Allemagne, doit beaucoup à la relation de confiance et à la vision des dirigeants des deux grands groupes industriels auxquels ces sociétés étaient (et sont encore) adossées, à savoir Denis Ranque (pour le groupe Thales) et Thomas Diehl (pour le groupe du même nom). Ils ont compris que ne rien faire aurait conduit chacune de ces deux sociétés à être à terme complètement marginalisée, côté français en raison de la taille sous-critique de l’activité, et côté allemand en raison de compétences limitées dans le domaine de l’électronique.
La clé du succès de cette co-entreprise réside dans la complémentarité des savoir-faire, avec des compétences très fortes dans le domaine de l’électronique, s’appuyant largement sur l’environnement apporté par le groupe Thales, et du côté allemand, une expertise exceptionnelle dans le domaine de la mécanique de précision, élément indispensable de la sécurité d’emploi des fusées.
Cette situation a amené les deux États à autoriser des transferts industriels créant des interdépendances, comprenant bien que cette co-entreprise ne pourrait se positionner à l’échelon mondial, et assurer sa pérennité, que si de fortes synergies se mettaient en place, chaque partie se spécialisant dans son domaine propre d’excellence.
La mise en place rapide de ces synergies qui conduit à ce que tout produit sortant des usines ait des sous-ensembles électroniques fabriqués en France et des éléments mécaniques fabriqués en Allemagne, a également permis d’établir un climat de confiance entre les équipes, et notamment les équipes commerciales qui se livraient jusque-là une concurrence féroce.
Par ailleurs, la complémentarité de la base client, avec notamment un partenariat de long terme avec le munitionnaire britannique BAE Systems, des marchés importants aux États-Unis, et une forte expérience industrielle côté allemand, ainsi qu’une implantation solide de Thales au Moyen-Orient, et une bonne capacité de développement côté français, ont très largement contribué au succès de la co-entreprise, qui a quadruplé son activité en l’espace de 3 ans, devenant un leader mondial.
UNE ACTIVITÉ QUADRUPLÉE EN TROIS ANS…
Quel plaisir de voir, seulement quelques mois après la création de la JV, des commerciaux allemands vanter la qualité des produits français auprès de leurs clients des pays nordiques, et des commerciaux français accompagner la vente de produits allemands en France ! Et ce au bénéfice de la meilleure satisfaction des États, qui se voyaient ainsi offrir l’accès à un portefeuille de produits bien plus étendu, ainsi qu’à de fortes capacités industrielles implantées sur le sol européen, et dont on réalise aujourd’hui l’importance.
Un développement spectaculaire depuis 2008
Au fil des ans Junghans Defence a développé une gamme de produits qui couvre l’essentiel des munitions sur un champ de bataille : fusées d’artillerie, de mortiers, de moyen calibre (30 à 40 mm), de torpilles sous-marines, de bombes aéroportées, de roquettes, ou de missiles (que l’on appelle alors DSA : Dispositif de Sécurité et d’Armement).
FRAPPE, fusée de proximité pour obus d’artillerie
Le métier de concepteur et producteur de fusées est un métier passionnant car il fait intervenir une gamme très large de technologies : les fusées les plus élaborées contiennent un radar (qui détecte la proximité du sol), de l’électronique durcie (pour résister aux chocs de pénétration de cibles, pouvant aller jusqu’à 50.000 ou 100.000 g !), des piles très particulières (capables, après avoir passé 20 ans à la chaleur et au soleil dans un pays au Moyen-Orient, de fonctionner au coup de canon), de la micromécanique, de la pyrotechnie, du logiciel, etc.
Les ingénieurs de Junghans sont amenés à marier toutes ces technologies dans des environnements particulièrement difficiles : comme toute munition, les essais finaux sont toujours destructifs, et ils imposent une logistique importante (arme, champ de tir, opérateurs etc.) que l’on ne peut pas mettre en œuvre tous les jours. La mise au point des fusées nécessite donc des ingénieurs de très haut niveau, ayant de l’appétence pour les hautes technologies, et capables aussi de coordonner plusieurs métiers très différents.
Très peu de sociétés maîtrisent l’ensemble des capacités nécessaires dans ce domaine, ce qui explique que Junghans Defence se soit élevé au rang de leader mondial. Les activités de Junghans sont en croissance permanente depuis la création de la JV en 2008. Le développement de nouveaux produits devrait continuer à assurer à cette belle entreprise franco-allemande une croissance pour encore de nombreuses années.
Pierre Bauche IPA, Président de Junghans T2M SAS Pierre Bauche (X89) après plusieurs années à la DGA (au Centre d’Essais en Vol puis à la Direction des Relations Internationales) a rejoint le groupe Thales en 2002 pour prendre la responsabilité des programmes de défense antibalistique puis diriger le commerce France au sein de l’avionique militaire de Thales. Il a ensuite dirigé successivement la société MOSS (Maîtrise d’œuvre du système SCCOA) et la Joint-Venture Junghans T2M, toutes deux filiales de Thales. |
Pierre Andurand ICA, VP Opérations, Thales Business Line Surface Radars Pierre Andurand (X87) a démarré sa carrière à la DGA au service des programmes nucléaires, occupant plusieurs fonctions en direction de programme et à la Direction des Systèmes d’Armes (Direction des Opérations aujourd’hui). Il rejoint l’industrie en 2000, et participe activement, de 2006 à 2008, à la négociation des accords de JV de Junghans, avant d’en être le codirigeant français jusqu’à fin 2011. Il a occupé depuis plusieurs postes de Direction Générale dans le groupe Thales. |
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