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En 30 ans, des progrès considérables en matière de sécurité !
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25 juin 2022

LE MSIAC AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ DES MUNITIONS DEPUIS 1991

Depuis 1991, le MSIAC aide ses nations membres à éliminer les risques liés aux réactions intempestives des munitions face à des agressions accidentelles ou ennemies. Le bilan est positif mais les efforts restent à poursuivre car, comme on le dit en anglais : « shit happens ! » 


Dans le contexte actuel du conflit en Ukraine, vous avez peut-être été surpris par la vulnérabilité des équipements russes vis-à-vis des frappes ukrainiennes. Je pense par exemple aux explosions de chars T72 et à l’éjection de leur tourelle suite à de « simples » attaques ukrainiennes au moyen de tirs d’artillerie légère [ref 1], ou encore l’improbable coulage en mer du croiseur lance-missiles russe Moskva suite à des tirs de missiles, revendiqués par les forces ukrainiennes, et qui auraient déclenché un incendie à bord. Ces événements sont le résultat de déficiences majeures liées à la sécurité des munitions et des plateformes russes. Et vous vous dites certainement que ces pertes hautement stratégiques pour l’armée russe ne seraient certainement pas arrivées avec l’arsenal militaire moderne dont disposent les pays alliés de l’OTAN ? J’aimerais vous dire que vous avez raison, mais malheureusement, il reste encore des progrès à faire dans la manière dont les pays de l’OTAN traitent le vaste sujet qu’est la sécurité des munitions.

Et c’est précisément là où le MSIAC intervient depuis plus de 30 ans. Avant toute chose, laissez-moi vous en dire plus sur ce qu’est le MSIAC, sa raison d’être, ses missions et son organisation.

Le Centre d’information et d’analyse pour la sécurité des munitions (Munitions Safety Information Analysis Center en anglais, ou MSIAC) a été créé en 1991 (en tant que NIMIC) à l’initiative de 5 pays membres de l’alliance OTAN (Etats-Unis, France, Pays-Bas, Norvège et Royaume-Uni). Ce projet de collaboration multinationale sur la sécurité des munitions découle de la prise de conscience que les accidents majeurs survenus dans les années 60 et 70 et dus aux propres munitions embarquées sur l’USS Forrestal ou l’USS Enterprise, par exemple, ne sont pas une fatalité et qu’ils auraient pu être évités.

Le MSIAC a ainsi pour but ultime d’éliminer les risques liés aux réactions intempestives des munitions et des matériaux énergétiques tout au long de leur cycle de vie. Pour aider ses nations membres - aujourd’hui au nombre de 16 - à atteindre ce but, le MSIAC dispose d’une base documentaire de plus de 200 000 publications, d’applications en ligne ainsi que d’une équipe de 6 experts techniques dans les domaines des matériaux en général et des matériaux énergétiques en particulier ; des systèmes et munitions ; des têtes militaires ; de la propulsion ; et du stockage et transport des munitions. Les experts techniques du MSIAC s’appuient également sur un réseau d’experts disséminés dans ses pays membres.

 

Figure 1 : Evolution depuis 1991 des niveaux de réaction des munitions face à des agressions standardisées : ER = Echauffement Rapide, EL = Echauffement Lent, IB = Impact de Balles, IE = Impact d’Eclat léger, RI = Réaction par Influence, JCC = Jet de Charge Creuse.

Les activités du MSIAC sont définies et votées par un comité directeur constitué d’un membre représentatif de chacune des nations membres et d’un président élu (non-votant). Ces activités sont très variées et dans tous les cas, hautement techniques : réponses à des questions techniques de la part des pays membres, présentations et formations, publication de rapports techniques, organisation d’ateliers et de réunions techniques sur des sujets dédiés, développement et maintenance d’outils en ligne et de bases de données documentaires (voir encadré).

Les chiffres-clé du MSIAC

- créé en 1991 (sous le nom NIMIC)

- 16 nations membres : Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Corée du Sud, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Suisse

- 10 personnes dont 6 experts techniques

- plus de 200 000 documents sur la sécurité des munitions accessibles par le personnel du MSIAC, plus de 20 000 accessibles par les utilisateurs du site sécurisé

- Plus de 450 rapports techniques publiés à ce jour

- Plus de 3000 réponses à des questions techniques

- 8 web applications accessibles via le portail sécurisé du MSIAC

- Coût d’accès aux produits et services du MSIAC pour les utilisateurs des nations membres : 0 €

Quel est concrètement le bilan pour les pays membres du MSIAC et pour les alliés de l’OTAN ? me demanderez-vous. L’année dernière, le personnel du MSIAC a justement tenté de répondre à cette question puisque l’année 2021 a marqué les 30 ans d’existence du MSIAC, ainsi que la 3000ème question technique reçue par le MSIAC. La réponse complète est disponible en ligne [Ref 2]. Mais le constat le plus éloquent reste la diminution drastique au cours de toutes ces années d’existence du MSIAC de la vulnérabilité des munitions face à des agressions standardisées de type incendie ou impact de balles (Figure 1). Il a ainsi été démontré qu’une diminution de la vulnérabilité des munitions n’était pas incompatible d’un niveau de performance maintenu, voire même amélioré dans certains cas [Ref 3]. Il est bien sûr présomptueux pour le MSIAC de s’attribuer l’entièreté de ces bons résultats. Rendons ses lauriers à César et les décisions techniques et stratégiques faites sur l’amélioration du design des munitions aux nations. Il n’empêche que le MSIAC se targue d’avoir contribué au fait que le stockage et le transport des munitions ainsi que les théâtres d’opérations interalliées soient maintenant plus sûrs et mieux protégés face aux agressions ennemies ou accidentelles. 

Mais il reste encore de nombreux progrès à faire, notamment sur la vulnérabilité des gros propulseurs face aux agressions mécaniques (impacts de balles, d’éclat ou jet de charge creuse). Aussi, les munitions de petit calibre et les équipements pyrotechniques sont souvent exclus des études de diminution de la vulnérabilité alors qu’il serait pourtant relativement facile et peu coûteux d’appliquer à ces dispositifs certaines techniques d’atténuation de la violence de réaction qui se sont avérées efficaces pour de plus gros calibres. Enfin, les activités du MSIAC se sont récemment étendues vers la prise en compte des risques de réaction intempestive des munitions face à des agressions électromagnétiques (Hazards of Electromagnetic Radiation to Ordnance, ou HERO en anglais). Le MSIAC continuera donc à aider ses nations membres en leur fournissant des conseils techniques, des produits et services, et une analyse des informations sur la sécurité des munitions. 

Des accidents qui restent fréquents

Dans sa mission de sensibilisation, le MSIAC propose quelques posters sur les accidents historiques de munitions https://www.msiac.nato. int/products-services/accident-posters.
L’un d’entre eux concerne le camp américain de Doha en 1991 (3 morts, 56 blessés).
Mais les accidents restent fréquents encore aujourd’hui. Dans sa newsletter sur les accidents pyrotechniques, le MSIAC recensait pas moins de 9 événements entre janvier et avril 2022.
https://www.msiac.nato.int/ news/accident-reportings

La dernière question que vous vous posez sûrement est la suivante : quel est le tarif ? Les gouvernements de chaque pays membre paient une cotisation annuelle au MSIAC, ce qui garantit la gratuité de l’accès aux produits et services du MSIAC au niveau individuel. Pour faire court : au plus les individus d’une nation membre utiliseront les produits et services du MSIAC, au plus cette nation « rentabilisera » sa cotisation annuelle. N’hésitez donc surtout pas à faire appel à nous ! Pour cela, rendez-vous sur le site du MSIAC : . 

 

[Ref 1]  

[Ref 2]  

[Ref 3] B. Fuchs, S. Struck, K. Tomasello, E. Baker, “IM Technologies & Implementation of New Designs”, in Proceedings of IMEMTS, Seville, Espagne, 2019

 

  

 

Christelle Collet

Christelle Collet, experte technique en technologie de propulsion, MSIAC Christelle Collet est diplômée de l’ENSMA Poitiers (promotion 2002). Après 14 ans passés au Centre de Recherches du Bouchet (CRB, ArianeGroup) en tant qu’ingénieur de recherches sur les matériaux énergétiques, elle a rejoint le MSIAC en 2017 en tant que « TSO Propulsion Technology », dans les locaux du quartier général de l’OTAN, à Bruxelles.

Auteur

Christelle Collet
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