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Maquette 3D de l’EPR2 – source : EDF
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14 octobre 2023

OBJECTIFS ET ENJEUX DE LA REVUE DE MATURITÉ DU PROGRAMME EPR2

Mettant fin à plus de deux décennies de gel des décisions et d’incertitudes sur l’avenir du parc électronucléaire français, le Président de la République a demandé en 2021 à EDF de remettre à l’État une proposition de la filière industrielle pour un programme de construction de trois paires d’EPR2 en France. En février 2022, ce besoin a été confirmé et il est demandé d’étudier l’extension à quatre paires additionnelles, répondant ainsi aux enjeux de neutralité carbone à horizon 2050.


Satisfaire cette ambition représente pour EDF mais aussi pour les administrations concernées et l’ensemble de la filière industrielle Française un défi considérable, tant en termes techniques et financiers qu’en matière de ressources humaines et de mobilisation des compétences de notre pays. Les ingénieurs de l’armement, par leur expérience de la conduite des grands programmes, et forts d’une expérience technique entretenue dans la durée et reconnue dans le nucléaire et les systèmes complexes, sont naturellement appelés à jouer un rôle de premier plan dans cette aventure.

« ÉVALUER L’ÉTAT DE PRÉPARATION DU PROGRAMME AVANT D’ENGAGER LES PHASES DE DESIGN DÉTAILLÉ ET LE PROCESSUS DE DÉCISION D’INVESTISSEMENT »

Prenant en compte les recommandations du rapport de Jean-Martin Foltz, une maitrise d’ouvrage interne a été mise en place et un groupement industriel le GIFEN a été créé à l’image du GIFAS/GICAT/GICAN. Ils montent progressivement en puissance et il s’agit maintenant d’évaluer l’état de préparation du programme avant d’engager les phases de design détaillé et le processus de décision d’investissement. Le Président d’EDF, Luc Rémont, a ainsi décidé en janvier 2023, en accord avec Joel Barre nommé Délégué interministériel au nouveau nucléaire (DINN), de créer un comité de revue indépendant dont ils m’ont confié la présidence avec pour objectif de présenter un rapport à l’automne. Il s’agit :

* D’une part de faire une revue de maturité technique des études préliminaires des six bâtiments principaux de l’îlot nucléaire, de l’îlot conventionnel et de certains bâtiments auxiliaires : juste besoin, stabilité du référentiel technique et réglementaire, traitement des points techniques ouverts, résilience du design aux évolutions du climat, ...

* D’autre part d’évaluer la robustesse de l’organisation de maitrise d’ouvrage et de maitrise d’œuvre, de l’état de préparation des ingénieries internes et externes comme de la supply chain, et de faire un bilan de maturité générale couvrant les aspects transverses : coûts, délais, risques et marges associées, gouvernance, sûreté et sécurité, politique contractuelle et aptitude de l’industrie à monter en compétences et à absorber les volumes, ...

Un travail collégial et une approche pluridisciplinaire

Pour construire une opinion la plus pertinente possible et compte tenu de la variété des sujets à examiner, le comité de revue est composé de quatre personnalités qualifiées du secteur privé dans les principaux domaines (sûreté, BTP, conduite des chantiers, conduite de programme, architecture des réacteurs, …) de quatre représentants de la DINN (maitrise des coûts, conduite de programme, questions réglementaires, …) et de cinq représentants d’EDF extérieurs au projet (sûreté, exploitants, direction technique, …).

Notre objectif est de présenter au comité directeur présidé par le PDG d’EDF en présence du DINN une évaluation loyale de l’état du projet et des recommandations pour en assurer au mieux l’exécution dans des coûts et des délais raisonnables et fiables. Nous nous appuyons pour cela sur l’organisation de la maîtrise d’ouvrage qui commandite les travaux préparatoires et assure le bon déroulement des séances plénières comme des réunions plus restreintes sur des présentations thématiques qui représentent un gros travail des équipes de projet d’EDF. Nous aurons en outre à évaluer les résultats des audits commandités par l’État sur la base de coûts et sur la supply chain, et à procéder à quelques auditions avec les autorités de sûreté.

Nous avons donc toute la matière pour nous forger une opinion, challenger les équipes et poser toutes les questions nécessaires pour valider les éléments robustes, dégager les points d’attention, proposer des pistes de progrès. Chacun apporte au groupe sa propre expérience professionnelle, ce qui permet de couvrir tous les sujets essentiels

« C’EST LÀ QUE LES INGÉNIEURS DE L’ARMEMENT DOIVENT TROUVER TOUTE LEUR PLACE AU SERVICE DE L’INTÉRÊT COLLECTIF »

Créer les conditions de la réussite

La revue, commencée en février, doit s’achever dans quelques mois. Un point d’étape a été présenté au comité directeur d’EDF qui permet déjà d’avoir un point de situation sur les aspects techniques et d’organisation et d’amorcer les premières évolutions. Il reste à travailler sur les coûts, les marges et la supply chain, et en final évaluer correctement le reste à faire.

La base est solide, mais toujours perfectible, et l’esprit qui nous guide est toujours d’aider à créer les conditions de la réussite de ce grand programme si essentiel pour notre souveraineté énergétique. Sans complaisance, mais toujours constructifs, nous nous attacherons dans nos recommandations à aider les équipes d’EDF, l’État et toute la filière industrielle à trouver sans tabous le meilleur fonctionnement collectif et permettre à chacune des parties de tirer le meilleur profit d’une réussite collective nécessaire.

Ne nous le cachons pas, il s’agit d’un formidable défi qui doit mobiliser toutes les compétences disponibles et exiger de chacun de délivrer l’excellence. C’est là que les ingénieurs de l’armement doivent trouver toute leur place au service de l’intérêt collectif : les anciens qui doivent partager leur savoir faire et leur compréhension du management des grands programmes, mais aussi de nombreux jeunes à recruter et à former pour accompagner ce programme qui nous mobilisera sur les cinquante prochaines années et – j’en suis certain – représentera un volet majeur de la réindustrialisation de la France et de sa capacité à tenir ses objectifs de décarbonation.

Engagez-vous, on a besoin de tous…

Photo de l auteur
Hervé Guillou, IGA

X 73, ENSTA 78, INSTN 81

- DCN Cherbourg et Indret : ingénieur spécialiste sécurité plongée et propulsion nucléaire

- DGA Cabinet d’Yves SILLARD et direction de programme Horizon a Londres

- Directeur général délégué de Technicatome, CEO d’EADS space transportation, CEO d’EADS Defence and communication systems, CEO d’EADS Cybersecurity , PDG de Navalgroup, vice-président du conseil général de l’Armement

- Président D’EXAIL, administrateur de sociétés

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