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09 octobre 2023

PILOTAGE ET V2G

« Combien faudra-t-il construire de centrales nucléaires pour recharger toutes les voitures électriques ? » ou « pourra-t-on se recharger en hiver quand nous aurons tous des voitures électriques, alors même qu’on nous demande déjà de baisser le chauffage et de faire preuve de sobriété énergétique ? ». Combien de fois n’ai-je pas entendu ces questions… de la part de détracteurs à la « watture » mais aussi de ceux qui veulent se rassurer car ils ont quand même un petit doute.


Pour répondre au développement massif du véhicule électrique dans les années à venir, il sera nécessaire de disposer d’une quantité d’énergie électrique importante en substitution aux énergies fossiles mais aussi de répondre au principal enjeu de la gestion de la pointe de consommation par rapport aux capacités de production.

Comment la recharge intelligente ou smart charging pourra non seulement répondre aux enjeux énergétiques mais en plus pourrait permettre à ce que l’électromobilité apporte un bénéfice globalement positif sur le système électrique.
Premier point et non des moindre, le passage total à la mobilité électrique se fera sur un temps relativement long en raison premièrement de la durée de vie des véhicules : même si aujourd’hui en France près d’un quart des voitures particulières immatriculées sont électriques (17% de VE pures électriques et 7% d’hybrides rechargeable) nous sommes toujours à environ 2% du parc roulant qui est électrifié (VE (Véhicule électrique) et VHR (véhicule hybride rechargeable)). Les particuliers achètent majoritairement des véhicules d’occasion (première main ou seconde ou au-delà) ainsi nous aurons une montée progressive, rapide toutefois, des besoins électriques pour la mobilité routière.

Entre 2019 et 2050, RTE, dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » envisage une évolution de la consommation annuelle d’électricité en France de 475 TWh dont une consommation marginale pour les véhicules électriques, à 645 TWh dont 81 TWh pour les VE. Leur consommation pourrait ainsi représenter près de 15% de la consommation électrique totale, elle-même en forte croissance en raison d’objectifs de diminution importante des énergies fossiles telles que le fioul ou le gaz remplacés progressivement par des pompes à chaleur pour les besoins de chauffage. A noter que les mesures de sobriété ou d’efficacité énergétiques bien qu’absolument nécessaires ne seront pas suffisantes dans l’équilibre du système électrique. Pour répondre à la croissance des besoins d’énergie, il est prévu des investissements massifs dans de nouvelles capacités de production : nucléaire à long terme, ENR (énergie renouvelable) à court et moyen terme : photovoltaïque, éolien terrestre, éolien en mer… avec un inconvénient majeur puisqu’il s’agit de sources d’énergie intermittentes et non pilotables.

Actuellement, le maximum annuel de puissance appelée pour la consommation française est compris entre 80 et 90 GW, atteint en hiver, il pourrait théoriquement augmenter de 23 à 32 GW en raison des recharges de 36 millions de véhicules électriques. L’augmentation de la puissance appelée à la pointe est donc extrêmement significative, et nécessiterait l’installation de nouvelles capacités de productions de pointe aujourd’hui principalement assurées par des centrales gaz. D’où l’importance d’optimiser le moment et la puissance des recharges.

Zoom sur le projet aVEnir, financé par l’État dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir et opéré par l’ADEME, porté depuis 2019 par un consortium de treize acteurs de la mobilité électrique d’origine diverse : gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, agrégateurs, opérateurs de bornes de recharge, constructeurs automobile, fournisseurs de service de mobilité, …
Programme ambitieux d’études et d’analyses de solutions de pilotage intelligent de la recharge de VE. Le consortium a clôturé le projet le 26 juin 2023, fort d’avancées techniques majeures sur différents cas d’usage :
1/ Modulation de la puissance et décalage temporel de la recharge via un signal réseau transmis aux opérateurs de bornes
2/ Le V2G testé à une maille locale du réseau – Injecter de l’électricité stockée dans les voitures selon une consigne transmise par le réseau
3/ Modulation de la recharge en faisant appel à un agrégateur de flexibilité
4/ Synchronisation à la maille locale de la recharge de VE avec la production photovoltaïque
5/ Fournir des hypothèses pour optimiser la puissance de raccordement en aval du point de livraison par une connaissance du comportement de recharge des utilisateurs et des solutions de pilotage
6/ Disposer d’une vision d’ensemble des recharges des VE et développer un modèle prévisionnel de la recharge des VE

Pour l’équilibre du système électrique, il est nécessaire de passer d’un pilotage de production (centrale gaz thermique de pointe) à un pilotage de consommation (stockage dans les batteries des VE).

La recharge naturelle, qui commence dès que l’on branche le véhicule, est donc à éviter à minima au profit de la « recharge tarifaire », facile à mettre en place à domicile sur le signal HC/HP (heures creuses/heures pleines), et qui commence à se faire pour les bornes ouvertes au public avec des tarifications différenciées jour/nuit. A un niveau supérieur, il est possible d’avoir un pilotage dynamique (V1G) selon divers critères tels que les autres usages du foyer pour garantir une limitation de la puissance totale appelée, ou la production d’ENR locale. L’impact est très positif car en plus d’éviter les pointes, il permet de réduire les écrêtements ENR. Dès 2030, on estime à 4 GW le potentiel de limitation d’appel de puissance à la pointe soit 2 fois plus que pour les ballons d’eau chaude. Enfin, la solution d’avenir consiste au V2G (vehicle to grid) et la capacité du VE de restituer l’énergie stockée dans la batterie au réseau électrique. Même utilisé avec quelques pourcents de VE (sur plusieurs millions, les capacités de stockages sont très importantes), il est possible de réduire fortement les pointes et d’augmenter les marges du système électrique.

On changera de fournisseur d’énergie chez le concessionnaire automobile

L’exploitation du V2G nécessite, outre un véhicule et une borne compatible, une contractualisation avec un opérateur en capacité de valoriser l’énergie qu’il prend au VE. Des constructeurs vont ainsi prochainement proposer avec la vente d’une voiture électrique, l’installation d’une borne bidirectionnelle et un contrat avec un fournisseur d’électricité compatible.

Le VE n’est plus juste un consommateur d’énergie mais, puisque stationné près de 90% du temps, représente une capacité d’équilibrage du système électrique permettant une diminution des capacités de production de pointe, réduisant mécaniquement les investissements et le coût de l’électricité pour tous les consommateurs (en effet, la production de pointe est marginalement beaucoup plus chère que la production de fond, mais son coût est réparti entre tous les usagers). A cette réduction générale s’ajoutent les gains individuels d’une recharge au meilleur tarif et à la valorisation du service rendu au système électrique.

Ainsi, la nécessité de limiter au maximum la taille des batteries des VE en raison de mesure d’efficience de consommation due au poids ou de limitation de la ressource en matière première, pourrait être modulée à l’avenir avec le développement du V2G où la voiture ne sera plus un moyen de mobilité mais une source de stockage d’électricité renouvelable avec des roues…

ICA - IGPEF

Coordonnateur IRVE et ZFE (Infrastructures de recharge pour véhicules électriques et zones à faible émission) à la Direction générale énergie et climat.

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