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25 avril 2024

RECENSIONS SPATIALES

Coïncidence, deux IA X77, Olivier Zarrouati et Philippe Lugherini, publient à quelques jours d’intervalle deux ouvrages dont le thème central est l’espace.
Cette concomitance pourrait paraitre logique : leurs carrières très largement consacrées au secteur spatial, un âge qui leur permet de consacrer du temps à des aspirations refoulées pendant leurs vies professionnelles, une liberté de ton définitivement acquise…


Mais en fait, cette similitude est des plus trompeuses. En effet, autant l’un se « lâche » en écrivant un roman sur les pas du célèbre ouvrage de Jules Verne « De la Terre à la Lune » en l’actualisant, la Lune n’étant plus depuis 1969 un satellite mystérieux, autant l’autre propose un essai où il applique sa rationalité d’ingénieur devant ce qu’il considère au mieux comme des enfantillages de milliardaires au pire comme des inepties nuisibles.

La lecture de ces deux ouvrages pourra donc satisfaire un large public, soit tenté par une nouvelle aventure fantastique, soit intéressé par une analyse au « scalpel » du nouveau rêve

DE LA TERRE À MARS » D’OLIVIER ZARROUATI, CHEZ CÉPADUÈS ÉDITIONS

Amateurs de légendes dorées à la « Star Wars » ou à la « Musk », ce roman n’est peut-être pas pour vous, car il raconte la découverte de Mars comme si vous y étiez vraiment. Et assez rapidement, vous vous demanderez si vous avez tellement envie d’y être.

Des contraintes du voyage à leurs implications sur les corps et les âmes, tout y est décrit avec une précision chirurgicale et accessible à tout public. Ce serait déjà une belle prouesse, que de détailler par le menu une mission complexe, sans en contourner les difficultés ni jamais susciter l’ennui. Sans doute l’auteur y est-il aidé par la curiosité d’un univers d’emblée très différent de ce que le lecteur pense connaître. Il y aurait là de quoi produire un ouvrage bien rempli, mais celui-ci ne s’arrête pas là. Car son véritable sujet, ce sont les êtres humains qui font ce voyage de l’extrême. Que serait-ce pour eux, que de vivre une aventure si longue et si confinée, dans ce monde si hostile que constitue notre plus proche voisine ? Voilà ce dont les magazines ont le moins parlé, et qui reste donc à imaginer.

Mais le meilleur de ce roman est ailleurs : en effet, le foisonnement du décor n’en étouffe pas l’intrigue. Ses héros y vivent leur aventure, rapportée comme au coin du feu, faite de rivalités et de connivences, de drames et de découvertes, sur eux-mêmes plus que sur leur nouveau monde. Avec le même soin d’horloger que pour un voyage interplanétaire, leur histoire raconte ce qui préoccupe des femmes et des hommes face à eux-mêmes, ce qu’ils pensent, ce qu’ils décident, ce qu’ils font et, au bout du compte, ce qu’ils sont.

Fascinant !

« L’ESPACE DES FOUS » DE PHILIPPE LUGHERINI, chez CÉPADUÈS ÉDITIONS.

Dans cet essai très riche, l’auteur, qui sortait de l’enfance au moment du premier pas de Neil Armstrong sur notre satellite, rappelle toute l’odyssée spatiale depuis son origine et propose une analyse des perspectives actuelles en ce domaine.

La première phase, jusqu’en 1972, fut essentiellement celle de l’exploration de l’espace par l’Homme avec sa mise en orbite autour de la Terre, puis de la Lune et enfin ses premiers pas lunaires et la collecte de quelques roches destinée à mieux connaitre notre satellite et consécutivement notre Terre. Les résultats furent finalement décevants, mais l’essentiel n’était pas là. L’Homme avait marché sur la Lune et, indirectement, les États-Unis avaient gagné la bataille contre l’URSS en démontrant la supériorité de leurs capacités technologiques.

La seconde phase fut essentiellement celle de l’exploitation de l’Espace au service de la défense, mais surtout de l’économie avec les satellites, voire constellations de satellites, de télécommunications, d’observation, de navigation, de météorologie… Cette exploitation changea profondément notre monde.

Enfin, la troisième phase, qualifiée par l’auteur de « démesure », a débuté il y a quelques années avec notamment l’intervention directe d’entrepreneurs charismatiques et l’avènement du New Space. Si ces entrepreneurs ont relancé la dynamique de cette industrie sinistrée aux États-Unis par l’échec de la navette spatiale, ils se sont également lancés dans des projets (tourisme spatial, exploitation industrielle de l’espace et des corps célestes, établissement de stations humaines sur la Lune, voire sur Mars…) dont l’auteur juge l’intérêt pour l’humanité plus que discutable, voire nul et leur faisabilité reposant sur des considérations techniques et scientifiques tout simplement loufoques. De plus, ces projets vains consommeront des ressources financières très importantes qui pourraient manquer pour des projets spatiaux beaucoup plus utiles à la communauté humaine.

En conclusion, avec cette analyse décapante, l’auteur nous invite toujours à rêver d’espace mais... à choisir nos rêves !

Auteur

Olivier Martin a débuté sa carrière en 1983 à la DGA notamment comme Directeur du programme Mesures du BEM Monge, puis responsable Allemagne, Italie, Pays-Bas, Scandinavie à la Délégation aux Relations Internationales.
En 1991, il rejoint Matra Défense comme Directeur des Opérations Internationales, puis responsable Business Development du secteur anti-surface, puis directeur des programmes anti-surface.
En 2003, il dirige l’entité Defence Electronics France d’EADS, puis la stratégie de l’entité DS SAS d’EADS.
En 2007, il rejoint MBDA en tant que Secrétaire Général du groupe.
En 2021, il crée la société de conseil ICARION Consulting dont il est le Président.

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