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Le drone VSR700, seul au monde à avoir un système d’appontage automatique, en essais au large de Brest - photo Airbus Helicopters/Eric RAZ.
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11 juin 2024

RISQUES VERSUS RAPIDITÉ́ ?
À RISQUE ACCEPTABLE, PERTE ACCEPTABLE

Dans notre ère de progrès technologique et d’innovation rapide, la quête de la rapidité est omniprésente. Elle l’est encore plus aujourd’hui avec la pression exercée par la Russie sur le monde occidental et le besoin d’obtenir rapidement des armements. Aller plus vite peut donc être un des facteurs de succès d’une opération militaire. Cependant, cette course vers la rapidité peut comporter des risques, qu’il est nécessaire d’appréhender. Dans cet article, nous nous pencherons sur la dynamique complexe entre les avantages de la rapidité et les risques qu’elle peut présenter. 


Le plus simple pour aborder cette question est de partir du traditionnel cycle en V et d’identifier les sources de gain de rapidité et les inconvénients associés. Les trois grandes phases sont : conception, réalisation et tests, qualification. À celles-ci, il est nécessaire d’ajouter la phase de fabrication nécessaire à l’obtention de l’objet final. Les phases de maintenance sont des cas particuliers du cycle en V. 

Prise de risques en conception 

La phase de conception est basée sur les spécifications de l’armement à acquérir. Réduire la durée de cette phase revient principalement à la réduction des fonctionnalités, et à tendre vers plus de simplicité. Cette phase a un impact majeur sur toutes les autres : plus l’objet est simple, plus rapide seront sa conception, ses tests et sa fabrication. Cette phase de simplification se traduit donc par un allègement des spécifications en cohérence avec un besoin militaire. Le risque porte donc sur l’adéquation entre l’effet militaire recherché et la capacité du système spécifié à y répondre. L’équilibre doit être trouvé entre une certaine supériorité technologique et un accès plus rapide aux systèmes d’armes. Le coût global reste aussi un élément majeur : est-il plus avantageux d’avoir des drones moins fiables par rapport au coût de remplacement de ceux-ci en cas d’attrition ? Pour une simplification des objectifs de sécurité, le risque peut être pris, après analyse de son caractère acceptable : aucune certification aéronautique n’a été requise pour le drone VSR 700 du fait qu’il ne survole aucune zone peuplée. Il est aussi nécessaire que le risque soit accepté. Baisser la sûreté d’un avion de combat ou d’une munition doit aussi être accepté par ceux qui les mettent en œuvre. 

« DÉCOUPER POUR ALLER PLUS VITE... AUGMENTE LES RISQUES D’INCOMPRÉHENSION » 

Prise de risques en réalisation 

La phase de réalisation est la concrétisation de la conception. Pour aller plus vite à conception donnée, des méthodes appropriées et l’augmentation du personnel le permettent. Mais il n’existe pas de méthode révolutionnaire : le travail est découpé en tâches traitées en parallèle, au prix d’une complexité accrue de management. Plusieurs méthodologies de développement, existent pour obtenir ces gains de productivité, mais elles ont tous des limites intrinsèques liées à la complexité créée. L’augmentation du nombre de personnes augmente les risques d’incompréhensions et d’erreurs, provoquant des pertes de temps lors des tests et des redéveloppements correctifs. 

Prise de risques en qualification 

La phase de tests et de validation est la phase, qui, mentalement, serait la plus facile à sacrifier. En effet, il peut être facile d’arriver à la conclusion erronée que, si la conception et les développements sont bons, le système produit devrait être exempte d’erreurs. Il n’en est malheureusement rien. Si l’on souhaite que les temps de validation soient raccourcis, c’est-à-dire que les tests soient réalisés partiellement, alors on s’expose à une découverte tardive des défauts lors de l’utilisation. Seule une analyse de risques permet, à partir des événements redoutés et de leur gravité, d’apprécier les gains réels. Par exemple, une pièce mécanique qui casse plus souvent va entraîner une augmentation de la maintenance, mobilisant main d’œuvre et coûts associés, tout en réduisant le temps d’emploi opérationnel. Une munition qui explose de manière impromptue, par manque de validation du domaine d’emploi, risque d’entraîner la mort de plusieurs de ses opérateurs. Un manque de tests pourra induire une découverte tardive des défauts lors de l’utilisation. Les erreurs de conception ou de codage peuvent rester non détectées jusqu’à ce stade avancé, ce qui rend leur correction plus coûteuse et chronophage. Pour réduire ce risque, dans le monde du numérique, il est recommandé d’adopter des pratiques de développement telles que les revues de code, les tests unitaires et l’automatisation des tests, ce qui reporte une partie de cette charge sur la phase de réalisation. 

Prise de risques en production 

Enfin, la phase de production peut elle aussi être accélérée. La recherche des temps perdus par des techniques de lean, la mise en place de méthodes ou de processus plus rapides ou la mise en place de chaînes supplémentaires de production permettent d’accélérer les rythmes de production. Elles ne sont toutefois pas du même ordre. Doubler une chaîne de production, avec les investissements financiers adéquats, permet de doubler la cadence de production, mais ne réduit pas le délai entre le début de fabrication et la fin de celle-ci. Certains équipements peuvent être longs par nature à fabriquer. La réduction des délais pourrait aussi passer par une baisse des contrôles et donc de la qualité globale des éléments produits. Cette recherche de rapidité pourrait souvent entraîner une baisse de la qualité, ce qui peut conduire à des produits ou services défectueux, compromettant les performances à long terme. 

La fabrication va aussi nécessiter que toutes les pièces, matières et matériaux nécessaires soient disponibles. Les travaux actuellement conduits à la DGA depuis plus d’un an ont mis en évidence plusieurs goulots d’étranglement que la DGA œuvre à combler avec les industriels. La mise en place de stocks, principe opposé aux méthodes de just-in-time, implique le risque de se tromper sur les quantités nécessaires, soit par une trop grande quantité et donc un mauvais investissement financier, soit par une sous-estimation, et donc une incapacité à répondre à un pic de demande dans un contexte international tendu. 

Drone en préparation d’appontage sur la frégate Provence

Synthèse 

Il est donc nécessaire de trouver un équilibre, système d’arme par système d’arme, chacun présentant des caractéristiques et des risques différents. Il est crucial d’évaluer soigneusement les risques associés à une décision ou une action, afin de comprendre les implications à long terme et d’éviter des conséquences néfastes : coûts cachés, durée de vie réduite, performances inadaptées aux missions. 

En conclusion, alors que la rapidité offre indéniablement des avantages significatifs, il est important de reconnaître et de gérer les risques associés. En trouvant cet équilibre, il est possible de prendre des risques acceptables et acceptés, en ayant conscience de ce que l’on y perd. 

 

 

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Olivier Mangeot
Olivier Mangeot, ICA, responsable de pôle Cyber à la DGA X-Télécom, il débute sa carrière dans la cryptographie au CELAR. Il fait ensuite un passage dans les finances puis dans la dissuasion comme directeur de programmes des transmissions stratégiques avant de revenir dans le numérique et la cyber comme directeur de programme RDIP (PPP) et directeur du PEM Cyber. Fin 2020, il prend le poste de Responsable du pôle Cyber assumant le rôle d’autorité technique sur le domaine et fixant les grandes orientations cyber à la DGA.
 

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