

FILIÈRE AÉRONAUTIQUE-DÉFENSE : DES SOUTIENS VARIÉS
AU REGARD DES ENJEUX PROTÉIFORMES ET ÉVOLUTIFS
La filière aéronautique demeure aujourd’hui le symbole d’une réussite technologique, industrielle, coopérative et commerciale. Elle reste constituée de plusieurs centaines de sous-traitants et fournisseurs, pour la majorité d’entre eux « duaux » et positionnés sur des segments d’activité diversifiés. En particulier, la bonne réussite des programmes militaires actuels, et à venir, repose sur la santé de ces acteurs qui, depuis la fin du Covid-19, peuvent souffrir de difficultés variées, conjoncturelles ou structurelles, du fait d’un écosystème mondialisé et soumis à différentes crises.
Plusieurs types de soutiens ont été mis en œuvre par la puissance publique, de manière à garantir
la pérennité de cette chaîne de sous-traitance,
sa montée en maturité technologique et industrielle,
un niveau de visibilité suffisant, notamment dans les programmes défense.
Un soutien aux CAPEX indispensable pour i) maintenir les capacités industrielles et ii) préparer les futurs programmes (civils et militaires)
Parallèlement, les entreprises – principalement présentes sur des segments industriels – ont pu bénéficier de soutiens purement financiers, sous forme de subventions et d’avances remboursables au travers du Plan de Relance. Si ce Plan n’était pas, à sa création, fléché sur des activités de défense, une très grande majorité de l’écosystème a pu en bénéficier. 300 M€ de subventions (en R&D mais aussi et surtout en CAPEX) ont ainsi été versés pour accompagner environ 400 PME/ETI fournisseurs et sous-traitantes de la filière dans leur transformation et leur montée en gamme. Ces projets portaient sur des segments clés pour la fabrication de pièces aéronautiques dédiées à la défense (modernisation de lignes d’usinage et d’outils de traitement de surface, développement de l’impression 3D, robotisation de lignes de production, numérisation).
Ce dispositif a permis de relocaliser quelques activités industrielles, renforçant ainsi l’autonomie et la souveraineté industrielle de la France, un choix payant au regard de la guerre en Ukraine qui a débuté deux ans plus tard, avec la mise en lumière des dépendances de la France pour de nombreux matériaux et sous-ensembles.
Des modalités de soutiens transverses dans une optique de consolidation de notre souveraineté
Ce conflit, qui continue d’engendrer des difficultés en matière d’approvisionnements en intrants, produits et sous-ensembles stratégiques, a en effet mis en lumière certaines dépendances. Plusieurs leviers ont été activés, notamment pour sécuriser les approvisionnements en métaux et matériaux critiques, de plus en plus utilisés dans les plateformes aéronautiques dédiées à la défense :
favoriser et soutenir les projets industriels de nature à relocaliser les étapes de production très en amont (fabrication de lingots en titane / superalliages par exemple, et de pièces forgées),
favoriser la diversification des approvisionnements en minerais, grâce notamment au dispositif « métaux critiques » doté de 500 M€ dans le cadre du Plan de Relance,
favoriser le recyclage, avec notamment le soutien à hauteur de 17 M€ des projets d’Aubert&Duval et Ecotitanium visant à produire des superalliages recyclés de qualité aéronautique.
Une dualité avec le secteur civil bénéfique pour la chaîne de valeur aéronautique - défense
Un nombre significatif d’entreprises du secteur aéronautique – défense sont positionnées sur des activités duales. Les différents dispositifs de soutien aujourd’hui fléchés vers l’aéronautique bénéficient donc aux activités dédiées à la défense, car une entreprise plus performante aura in situ une capacité renforcée à développer des lignes de produits ou des sous-ensembles dédiés à la défense, et certains projets de R&D dédiés au civil (et soutenus en tant que tels) peuvent également avoir des retombées ou des applications dans le domaine militaire.
L’enceinte permettant de soutenir des projets de R&T est le Conseil d’Orientation pour la Recherche Aéronautique Civile (CORAC). Il permet d’élaborer la stratégie de préparation de l’avenir de la filière française, tant en termes de performance économique des acteurs de l’industrie aéronautique, que de performance environnementale, à travers la coordination des efforts de recherche de la filière pour réduire les émissions polluantes (CO2, NOx, particules, bruit, …) des prochaines générations d’aéronefs. Ces projets, portés par des grands groupes, ont associé plus de 350 PME et ETI partenaires et sous-traitants, dont beaucoup sont présents sur la défense. Le socle technologique ainsi constitué a contribué au succès des programmes assurant le leadership de la filière : moteur LEAP, A320 NEO et A350-1000. Point focal de dispositifs multiples, le CORAC assure la cohérence interne et le suivi de la feuille de route nationale ainsi que la complémentarité avec les programmes européens. Entre 2020 et fin septembre 2023, plus de 300 projets, déployés sur 440 sites industriels ou académiques différents, ont été soutenus via le CORAC. Dans le cadre du Plan de relance (2020-2022), 1,6 Md€ ont été alloués spécifiquement au CORAC, pour 227 projets déployés sur 401 sites industriels ou académiques. Puis, via le Plan France 2030 (lancé en juillet 2022), pour un total de 526 M€ : 68 projets déployés sur 145 sites industriels ou académiques. Ces projets partenariaux sont majoritairement portés par les avionneurs, motoristes et systémiers, mais associent l’ensemble de la filière, y compris des acteurs de la BITD : de grands équipementiers mais également les ETI et PME du secteur concernées par les ruptures technologiques envisagées, ainsi que des laboratoires publics. Ces projets, axés sur l’aéronautique civile, ont, bien entendu pour nombre d’entre eux, des retombées plus larges, y compris donc pour la défense.
Un soutien aux ETI/PME qui ne revêt pas uniquement une coloration financière ou capitalistique
Si la chaîne des sous-traitants a pu bénéficier de soutiens directs fléchés vers leurs outils de production ou leurs capitaux, elle compte néanmoins, au regard de difficultés persistantes (ramp-up sur les domaines civil et depuis peu, militaire, niveau d’endettement restant élevé, difficulté de financement du BFR, augmentation de prix des intrants et matières premières, rareté des compétences), sur une visibilité forte de la part des grands donneurs d’ordres dans le cadre de programmes de défense, actuels ou en cours d’élaboration. Par ailleurs, le soutien public conséquent proposé par l’État à la filière aéronautique s’accompagne d’engagements des entreprises de la filière, notamment des grands donneurs d’ordres, sur les relations avec leurs sous-traitants (prise en compte des hausses, visibilité sur les programmes, etc). Cet engagement est formalisé au travers d’une charte.

Ingénieur Divisionnaire de l’Industrie et des Mines, après un bref passage dans l’industrie, il rejoint la DGE en 2015 où il occupe divers postes avant de devenir chef de projet sur la «filière aéronautique». Il rejoint la DGA en 2024, au sein de la direction de l’industrie de défense, en tant qu’adjoint au chef de bureau aéronautique. Adrien Peuch est membre du cercle Aubert et Duval Jefferson (programme IVLP, 2017).
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