Retour au numéro
La part de la valeur ajoutée des équipementiers devient prépondérante
Vue 25 fois
18 juin 2021

L'ALLIANCE DES AVIONICIENS
REPONSE ET OPPORTUNITE FACE AUX GEANTS US

Depuis le passage des cockpits à base d’instruments à l’ère des cockpits dits « tout écran », l’avionique[1] est perçue comme une commodité non stratégique, génétiquement liée aux technologies électroniques grand public.

Pourtant, la notion même de combat collaboratif étend le champ de l’avionique au-delà des systèmes propres de l’aéronef, et bouleverse la relation homme-système. L’association d’une connectivité élargie et des nouvelles capacités des technologies de « computing » ouvre un champ nouveau dont la maîtrise impose une alliance européenne puissante pour faire face aux géants américains.

Le paysage avionique mondial est en pleine recomposition, entre avionneurs et avioniciens depuis une dizaine d’années.

 

 


Un paysage avionique en pleine recomposition

Aux Etats-Unis, des mouvements de fond sont visibles dans l’écosystème. Les derniers mouvements d’acquisition ont conduit à la fusion d’avioniciens en grands équipementiers, fournisseurs de rang 1, plus résistants et résilients. Pour preuve, les regroupements opérés autour de L3 avec Harris ($18B revenus 2020) et de Raytheon avec Collins Aerospace, résultat de la fusion de Rockwell Collins et UTC($74,5B revenus 2020), ce dernier réalisant un chiffre d’affaire proche de celui d’Airbus Group.

Avec ces consolidations géantes, la part de valeur ajoutée des équipementiers devient très importante. C’est le cas sur le Boeing B787 où la part d’UTC dépasse les 35%. Les équipementiers, incluant les avioniciens, deviennent des partenaires des constructeurs et peuvent soutenir le développement des programmes futurs, formant de véritables « co-investisseurs ».

Si les chiffres du domaine militaire ne sont pas publics, des ratios similaires sont très probablement applicables aux derniers chasseurs US, dont le F-35.

Le nombre de fusions/acquisitions et de cessions titanesques en constante progression[1] aux Etats-Unis révèle un marché sous tension. 

En Europe, le marché reste plus atomisé et pâtit d’une image influencée par celle de l’électronique grand public. L’avionique est toutefois au cœur de la sécurisation des missions critiques de l’aéronef et l’essor de la connectivité renforce encore son rôle dans la coopération entre les acteurs de la mission.

L’avionique plus que jamais enjeu d’avenir

Dans le domaine militaire, ce rôle est plus crucial encore et le Système de Combat Aérien Futur (SCAF) illustre les challenges à relever.

La collaboration des plateformes doit permettre de démultiplier les capacités opérationnelles, et non plus seulement de les additionner. L’avionique est une pièce maîtresse pour accomplir cette (r)évolution. Intégrée et au service de l’architecture d’ensemble, elle est un levier de succès tant des systèmes que des équipages. Ainsi, elle doit garantir le meilleur niveau de navigabilité et de sécurité mais aussi contribuer à la cohérence du « système de systèmes », liant entre eux le nouvel avion de combat et les aéronefs qui l’accompagneront. Grâce à des modes d’interaction réinventés, elle soutiendra également les équipages, en rendant accessibles au moment opportun les éléments utiles dans la masse de données générées.

Indépendamment aucun des avioniciens européens n’a la capacité de répondre seul à la complexité qu’impose cette révolution. Il ne peut non plus être question de développer cinq ou six fois les solutions avioniques pour chacune des plateformes.

L’alliance des acteurs européens de l’avionique est sans conteste la seule voie de succès. Elle offre une opportunité de relever le défi du combat de demain tout en préservant un juste équilibre industriel. Cette alliance doit être définie sur la base de secteurs d’excellence en les articulant dans un schéma cohérent. Les Etats allemand et espagnol ont demandé à leur champion national de l’avionique (respectivement Diehl Aerospace et Indra) de structurer la BITD nationale.

Dès à présent Thales, Diehl Aerospace et Indra s’unissent pour déposer vers leurs maîtres d’œuvre nationaux des propositions communes, tout en prenant à leur charge l’organisation interne de leur positionnement respectif. Le consortium ainsi fondé sera l’incubateur des nouvelles positions en Europe, et permettra l’imprégnation de l’écosystème pour de futurs changements inévitables.

Le fond Européen de Défense est également sollicité sur le futur cockpit connecté.

Synthèse – conclusion

Ebranlés par un marché aéronautique en pleine recomposition, les avioniciens européens unissent leurs compétences pour aborder les enjeux du combat collaboratif, marque des prochaines décennies. La réussite des nouveaux « systèmes de systèmes » nécessite une impulsion industrielle à l’échelle européenne.

THALES, DIEHL Aerospace et Indra forment dès à présent une alliance avionique européenne capable de proposer un schéma coordonné et cohérent vers les responsables étatiques, les Etats-Majors nationaux et les avionneurs.

A défaut d’une consolidation capitalistique à l’américaine, l’industrie européenne s’organise et pour faire face à des concurrents consolidés, fortement soutenus par les programmes de défense US, et qui usent sans complexe de leur « pied » européen.

 [1] Dans cet article, l’avionique désigne l’ensemble de l’électronique de l’aéronef, nécessaire à la gestion opérationnelle et stratégique du vol et de sa mission, à distinguer des senseurs de mission.

Nota : Selon Institute for Mergers, Acquisitions and Alliances (IMAA), le nombre total de dans les domaines de la défense et de l’aérospatial est passé de 190 (valeur cumulée de $7.26B en 2010) à 250 ($105B en 2019), M&A by Industries - Institute for Mergers, Acquisitions and Alliances (IMAA) (imaa-institute.org)

    
Damien Jugie, directeur stratégie & marketing marchés militaires, activité Avionique de Vol – THALES.
Ingénieur ESME, Damien Jugie a été Scientifique du contingent, enseignant le Radar à l’Ecole de L’air. Entré en 1991 chez Thomson CSF, il a travaillé dix ans sur les calculateurs du radar du Rafale, avant de prendre la responsabilité du développement du calculateur de mission du Rafale. Depuis plus de dix ans il s’emploie à développer les coopérations et partenariats pour l’avionique de défense.
 

Auteur

Marc Duval-Destin, ICA , VP stratégie, politique produit & innovation, activité Avionique de Vol – THALES.
X82, SupAéro et thèse en vision, Marc Duval Destin s’occupe d’export sur le programme Leclerc avant de passer 11 années chez PSA où il dirige l’innovation. Il rejoint Thales en 2012 où il occupe des postes de direction de site et de management.

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.