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La carte heuristique des relations du PARAC. L’auteur s’excuse de cet abus (volontaire) d’abréviations.
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18 juin 2021

MALVEILLANCE, PIRATAGE
DES COOPERATIONS POUR MIEUX GERER LES RISQUES?

Si concevoir un avion sûr est loin d’être simple, l’exploiter en toute sécurité demande à prendre en compte de nombreux éléments exogènes. Pour mieux appréhender ces risques hétéroclites a été créé en 2014, sur impulsion du Premier ministre, le pôle d’analyse du risque pour l’aviation civile (PARAC), placé au sein de la direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Eclairage sur cette structure pour qui la coopération n’est pas un vain mot.


La sûreté aérienne, l’analyse du risque et le PARAC

Selon la définition figurant dans l’annexe 17 de la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale, la sûreté est « la combinaison des mesures ainsi que des moyens humains et matériels visant à protéger l’aviation civile contre les actes d’intervention illicites ». Elle se distingue de la sécurité, qui vise les risques de nature accidentelle liés à l’exploitation des aéronefs. Ainsi, il s’agit principalement d’empêcher des actes de malveillance ou des interventions illicites contre le transport aérien et de protéger les avions et les aéroports qui peuvent apparaitre comme des cibles.

Pour construire un dispositif efficace, il est indispensable de connaître la menace et les possibles modes d’actions, ainsi que ses propres faiblesses (les vulnérabilités, « les trous dans la raquette »). La combinaison de ces deux facteurs permet d’obtenir un niveau de risque qui sert ensuite à alimenter et orienter la réflexion sur les mesures de sûreté.

Si en France, la DGAC a été désigné comme autorité en charge de la sûreté du transport aérien, de nombreuses autres administrations interviennent. Pour fluidifier ces dialogues, le PARAC a été gréé par des représentants de la plupart d’entre elles : DGAC, gendarmerie des transports aériens (GTA), armée de l’air et de l’espace (AAE), police aux frontières (PAF), police nationale et douanes.

Mais cette volonté de coopération, qui fait partie de son ADN, se retrouve à tous les niveaux d’activités. Petit aperçu…

Niveau 1 : la coopération « interne »

La coopération est en premier lieu « interne » à la DGAC , avec un lien fort avec les bureaux stratégie et réglementation, dans le but de contribuer à la construction des normes (françaises, européennes, internationales) ou celui des technologies et de l’innovation pour, par exemple, orienter les technologies testées dans le programme « vision sûreté » (voir encadré). 

Elle se fait aussi avec le service technique de l’aviation civile (STAC) qui certifie les équipements de sûreté des aéroports (portails de détection de masse métallique, détecteurs de traces d’explosifs, scanner à rayons X…)

Le programme « vision sûreté »
Ce programme vise à promouvoir l’innovation en matière de sûreté par une démarche collaborative public/privé pour faire face à une menace en constante évolution. Piloté par le bureau de la technologie et de l’innovation, il a permis, depuis sa création en 2014, de tester des dispositifs tels que l’analyseur de chaussures, le scanner de sûreté ou encore la reconnaissance faciale.

Niveau 2 : la coopération interministérielle

Du fait de l’organisation française en termes de sûreté, la coopération possède aussi un fort aspect interministériel qui se fait sous la supervision de la mission interministérielle de sûreté aérienne (MISA) du secrétariat général de la défense et de la sécurité aérienne.

Sur le terrain, cette coopération se retrouve, entre autres, dans deux programmes. Un premier programme dit « côté ville », dédié à l’évaluation des zones publiques des aéroports (i.e. avant les postes d’inspection-filtrage). Débuté en 2017, ce programme fait suite aux attaques terroristes ayant frappé les aéroports de Bruxelles-Zaventem le 22 mars 2016 et Istanbul-Atatürk le 28 juin 2016. Il est mis en œuvre conjointement par la DGAC et la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN). Ces évaluations nécessitent la coopération des acteurs locaux, privés (gestionnaires d’aéroports, loueurs de voiture, prestataires…) et étatiques (patrouilles Sentinelle, renseignement territorial, services de la préfecture…).

Le deuxième programme concerne la protection contre la menace représentée par les armements de type ManPADS (Man Portable Air Defence System) et armes légères d’infanterie. Le PARAC travaille ici en coopération avec l’AAE ainsi que la GTA. Les missions consistent ici à répertorier l’ensemble des sites potentiels de tirs de ces armements autour d’un aéroport donné. Le dossier est ensuite transmis au préfet afin qu’un plan d’action soit établi pour sécuriser l’ensemble de ses sites selon leur dangerosité, en cas de menace importante ou lors d’un événement particulier (sommet international, compétition sportive, G7…).

Cette coopération se traduit aussi par la signature récente ou en cours de protocoles d’échange avec le centre national des opérations aériennes (CNOA), le GIGN et le RAID.

Niveau 3 : la coopération internationale

Cet aspect es le plus marquant. En effet, le transport aérien est par essence mondial et il serait inutile d’avoir la meilleure sûreté intérieure du monde si les pays auxquels vous êtes reliés n’en ont aucune. C’est pourquoi le PARAC conduit un certain nombre d’actions à l’étranger.

La base de ces actions consiste à évaluer la sûreté des aéroports depuis lesquels des vols desservent directement le territoire français. L’équipe d’évaluateurs, constituée d’un chef de mission du PARAC et de deux à trois experts issus des administrations partenaires, étudie l’ensemble de la sûreté sur place de l’organisation administrative à la mise en œuvre sur le terrain. Ces missions, une quinzaine par an, se font en coopération avec les pays en question et nécessitent l’appui de l’ambassade française. Il n’est d’ailleurs pas rare que les évaluateurs rencontrent directement les homologues locaux du DGAC, voire du ministre des transports.

Carte des espaces aériens faisant l’objet, pour les compagnies aériennes françaises, de restrictions ou d’interdiction de survol

Ces évaluations permettent d’identifier les principales vulnérabilités et, en cas de risque jugé trop important, d’imposer aux compagnies aériennes la mise en place de mesures de sûreté additionnelles. Mais elles permettent surtout de proposer aux pays concernés des actions de coopération et, à terme, réduire ou supprimer les principales vulnérabilités. C’est particulièrement le cas concernant la menace ManPADS pour laquelle un programme de formation dédié, financé par la Conférence Européenne de l’Aviation Civile (CEAC) et la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense (DCSD), a été mis en place pour accompagner les pays volontaires dans l’acquisition de l’autonomie nécessaire à la protection de leurs aéroports.

Enfin, il faut également savoir qu’une liste de zones d’interdiction de survol est entretenue pour certains territoires (conflits, terrorisme… voir figure ci-contre). Celle-ci est prise en compte lors de l’établissement de certains partenariats bilatéraux.

De plus, cette gestion des risques est suivie dans de nombreux forums à international : Working Group on Threat and Riskde l’Organisation de l’aviation civile internationale, Integrated Risk Assessment Group de la Commission européenne, Safer Skies Consultative Comittee…

In fine, cette maitrise du risque nécessite une coopération multi domaines et multinationale : le PARAC coordonne une multitude d’acteurs. Cette diversité, qui se retrouve jusque dans l’organisation même du PARAC, est assurément l’une des clés de sa réussite et en font une (petite) structure dont l’expertise est reconnue au niveau national et international.

Et le COVID-19 dans tout ça ?

Si le trafic aérien s’est effondré avec les différents mesures de restrictions mises en place dans le monde et les conséquences économiques de la crise sanitaire, la menace sur celui-ci n’a pas diminué pour autant. Il reste toujours une véritable cible. Pas de répit pour le PARAC !

 

Auteur

X2006, diplômé d’ETH Zürich et titulaire d’un doctorat en physique préparé au CEA, Arnaud Borde a commencé sa carrière par un poste embarqué sur le Bâtiment d’essais et de mesures Monge, avant d’occuper un poste d’architecte à DGA IP. Après un détachement comme chef de bureau au sein de la sous-direction de la sûreté et de la défense de la DGAC, il occupe actuellement le poste de chef de cabinet de la directrice technique de la DGA

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