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Le Sefiam 1602, un matériel de mise à poste d’armement, électrique et radiocommandé compatible des 14 points d’emport du Rafale
28 mai 2025

LE SOUTIEN DANS LE COMBAT AÉRIEN FUTUR.
UNE APPROCHE NÉCESSAIREMENT HOLISTIQUE.

Publié par Patrick GAILLARD cofondateur du groupe Turgis et Gaillard , cofondateur et dg de turgis gaillard | N° 135 - SOUS-TRAITANCE AÉRONAUTIQUE ET INNOVATIONS

Desserrer les bases aériennes pour permettre de déployer une aviation performante et versatile pose aujourd’hui des contraintes particulières à la fois de maintenance et de manutention. Patrick Gaillard, expose l’approche innovante de Turgis Gaillard, basée sur la numérisation et sur le développement d’équipements de manutention, pour renforcer le soutien dans le combat aérien du futur.


La vulnérabilité des bases aériennes est redevenue un sujet de préoccupation majeur depuis le basculement de la situation géopolitique en Europe. Infrastructures à haute valeur ajoutée, intégrant tous les équipements nécessaires à la mise en œuvre d’aéronefs complexes, lelles constituent des cibles de choix pour nos adversaires. Elles font généralement l’objet d’une protection active, au moyen de systèmes de défense aérienne perfectionnés et redondants. En France, les bases aériennes à vocation nucléaire abritent ainsi toutes des escadrons de défense sol-air, équipés de systèmes à longue portée SAMP/T et de moyenne portée Crotale NG et MICA VL.

En complément, des manœuvres de desserrement des unités aériennes sont également employées. Régulièrement mise en œuvre à l’époque de la guerre froide, y compris entre les forces aériennes de l’OTAN, ces postures avaient été progressivement oubliées depuis la chute du mur de Berlin. Elles sont redevenues d’actualité depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie. L’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi développé le concept MORANE (Mise en œuvre réactive de l’arme aérienne), qui consiste à pouvoir projeter rapidement et avec aussi peu de moyens logistiques que possible des avions de combat sur des aérodromes secondaires.

De premiers exercices ont été menés durant l’année 2024, notamment avec la Roumanie, dans une perspective de réassurance sous court préavis de nos alliés d’Europe de l’Est. Une nouvelle version, davantage tournée vers une posture de sauvegarde et de dispersion des moyens aériens, vient d’être jouée durant le printemps 2025 : l’exercice JADE (Jaillissement d’escadre)$ a conduit 28 Mirage 2000 de la 3ème escadre de chasse à quitter rapidement leur base de Nancy pour rejoindre cinq terrains de desserrement.

S’il est relativement aisé de faire atterrir des avions de chasse loin de leur aérodrome de départ, pouvoir les mettre en œuvre depuis une plateforme non prévue pour cela constitue un défi. En effet, les avions de combat nécessitent des moyens de soutien spécifiques pour être mis en œuvre (bancs d’essai, systèmes d’avitaillement, de mise à poste de munitions, groupes de piste, etc.) et des consommables et lots de rechange, qui doivent pouvoir être projetés en cohérence avec les aéronefs.

La base aérienne comme système de combat

C’est ici que l’innovation technologique apporte une réelle plus-value. Avec la numérisation, les équipes techniques n’ont plus besoin d’être physiquement à proximité des stocks de pièces détachées, ni d’en avoir des inventaires papier à jour. Une tablette connectée à des serveurs permet d’accéder en temps réel à l’état actualisé des réserves de pièces. Non seulement savoir ce qui est disponible, mais aussi savoir où . On comprend la plus-value : peu importe où les avions sont dispersés, les équipes techniques peuvent en permanence faire venir la pièce dont elles ont besoin en recourant à une estafette. Il devient possible de diluer totalement les pièces détachées en de nombreuses zones de stockage, et de disperser les avions sur de multiples plateformes.

Ainsi, le concept-même de base aérienne est progressivement amené à évoluer. D’une emprise constituée de hangars et de bâtiments autour d’une piste, elle doit devenir une somme de fonctions connectées, capables de se reconfigurer au rythme de la dispersion des unités : avions, équipages et équipes techniques desserrés vers des terrains secondaires ; lots de pièces éparpillés ; moyens de soutien polyvalents et rapidement déployables ; protection de la force et pompiers de l’air adaptables et autonomes, capables de se projeter de plateformes en plateformes sous court préavis, dans un esprit commando.

Tout cela est rendu possible par la numérisation. La connectivité est la clé du soutien de demain, comme elle l’est dans le combat aérien futur. Cette nouvelle base aérienne est donc à penser dès maintenant comme une composante du SCAF.

Le continuum soutien-combat au cœur de la démarche de Turgis Gaillard

Depuis sa création, Turgis Gaillard adopte une vision globale de l’engagement des forces, à la fois dans ses composantes M2MC (multi-milieux, multi-champs), mais aussi en considérant un continuum entre le soutien et le combat.

C’est la raison pour laquelle nous avons, en plus de nos capacités de réalisation d’aéronefs (drone AAROK) et de systèmes d’armes (LRU-NG Foudre), des activités de soutien : MCO des avions PC-6 de l’Armée de Terre et DHC-6 de l’Armée de l’Air et de l’Espace ; mais aussi moyens de servitude aéronautique et maintenance d’infrastructure.

Pour ce qui concerne les moyens de servitude aéronautique, nous avons identifié le besoin d’innover dès 2016, et avons ainsi lancé le développement du Sefiam 1602, un matériel de mise à poste d’armement, électrique et radiocommandé, alors que les armées n’en avaient pas encore exprimé le besoin.

Les moyens en usage étaient pourtant devenus progressivement obsolètes à la mesure que les opérations d’armement devenaient plus complexes : le Mirage 2000 n’avait que cinq points d’emport au moment de sa mise en service, alors que le Rafale en possède 14 ; le Super Étendard ne mettait qu’exceptionnellement en œuvre des charges de plus de 250 kg, alors que les Rafale Marine emportent régulièrement des missiles Scalp-EG et des bombes GBU-24 de plus d’une tonne depuis le porte-avions ; les avions furtifs avec leur armement emporté en soute ajoutent encore de la complexité.

Avec l’aide de Dassault Aviation et le soutien de la DGA, nous avons ainsi développé ce matériel innovant et compact qui est maintenant en service dans l’Armée de l’Air et de l’Espace et plusieurs forces alliées. En facilitant les opérations d’armement, le Sefiam 1602 accélère le rythme de la manœuvre et permet de produire un plus grand effet militaire à périmètre constant.

Pour ce qui concerne la maintenance d’infrastructure, le changement de posture stratégique et la numérisation nécessitent d’adopter une approche inédite.

Déjà en charge du soutien des bases de Saint-Dizier (Rafale et SAMP/T), Nancy (Mirage 2000D), Luxeuil (Mirage 2000-5) et Chaumont (Système de drone tactique Patroller), nous entendons capitaliser sur notre expérience pour saisir l’opportunité que représente la rénovation en profondeur de la BA 116 de Luxeuil annoncée par le Président de la République le 18 mars dernier.

Avec ses Rafale F5, ses drones de combat dérivés du Neuron, et ses SAMP/T NG, cette base aérienne sera pionnière dans le combat connecté. Il ne faut pas perdre l’occasion d’en faire également une pionnière du soutien connecté et de donner vie à la base aérienne comme système de combat que nous appelons de nos vœux.

C’est ainsi que nous avons noué un dialogue avec les forces et les industriels partenaires pour construire ensemble cet outil de combat capable de répondre aux enjeux de demain : supériorité informationnelle, reconfiguration fluide d’un dispositif hétérogène, résilience par la dilution des moyens et des fonctions.

Patrick GAILLARD a coordonné cette année la parution d'un ouvrage pour alerter sur la nécessité de s’adapter vigoureusement à la montée des périls.

Photo de l auteur.

Auteurs

Patrick GAILLARD cofondateur du groupe Turgis et Gaillard
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dg de turgis gaillard

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