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Philippe Hervé
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01 mars 2020

Promotion IA 2017 André Gempp

Un grand ingénieur comme modèle pour les jeunes ingénieurs de l’armement

 

Le 16 octobre dernier à Balard, les 20 IA de la promotion 2017 (X2014 pour la plupart) ont été réunis pour être intégrés dans le corps des IA avec pour marraine Evelyne Spina. Leur promotion est baptisée du nom de leur prédécesseur à l’origine du premier SNLE français


Notre promotion IA 2017

20 jeunes ingénieurs composent la promotion 2017 : 18 polytechniciens X14 et 2 recrutés sur titre : Camille Goupy issue de Supaéro et Jean-Roch Augustin de l’ENS Cachan. Cela fait 2 ans que nous sommes sortis de l’X et que nous avons choisi des formations variées : École en France (Télécom, Supaéro, Mines), Master en France (Ulm, Paris 7) ou à l’étranger (Suisse, UK, USA). Nous avons la chance d’avoir beaucoup de doctorants puisque 8 thésards se forment par la recherche après leur quatrième année. Les domaines de thèses vont de la biologie à l’architecture des ordinateurs, sans oublier la cryptologie ou la turbulence dans les turboréacteurs.

Si nous sommes 8 à être diplômés de Supaéro, les métiers choisis ne sont pas qu’aéronautiques. On compte dans notre promo des profils variés comme Hugo Masse qui commence au SSF à Toulon, Florence Duveiller travaillant sur les satellites du CNES à Toulouse ou Maylis Dadvisard qui continue la biologie au sein du centre de Vert le- Petit.

Le choix du corps de l’armement est un vecteur d’unité dans la mesure où nous avons tous choisi de nous investir dans des sujets techniques à fort enjeu national.

 

Notre parrain André Gempp

Pourquoi choisir André Gempp comme parrain ?

André Gempp nous a été présenté à l’École militaire par l’IGA Christian Dugué lors d’un séminaire sur la dissuasion. Nous avions lu un de ses discours racontant l’épopée du programme Coelacanthe alors qu’il était en retraite.

X39 et ingénieur du Génie Maritime, il a commencé sa carrière à Toulon puis l’a poursuivie à Saïgon. Au début des années 1950, il a participé aux études et à la fabrication du bathyscaphe FNRS3 qui a atteint 4050 mètres le 15 février 1954.

Le Q244 devait être le premier sous-marin français à propulsion nucléaire, néanmoins la technologie retenue ne permettait pas d’obtenir la puissance nécessaire dans le volume restreint. Tirant les leçons de cet échec, il a mis en place une organisation novatrice qui permettra de pallier tout écueil inhérent à un projet de cette envergure. L’organisation Coelacanthe répondait à ce besoin de coordination entre la Marine, la DCCAN, la Direction des Engins, le CEA, … André Gempp fut le Maître d’œuvre Principal n°2.

Ceci aboutit au lancement du SNLE Le Redoutable en 1967 et à sa mise en service en 1971. La première patrouille eut lieu en 1972 et le système mis en place perdure encore à ce jour.

Notre parrain finit sa carrière en 1979 après 7 ans en tant que directeurs des Constructions Navales de Toulon.

André Gempp est un grand ingénieur qui a su mettre à profit ses compétences de maîtrise et de direction d’un projet complexe hors normes au service de la souveraineté de la France.

Le programme Coelacanthe exprime bien la raison pour laquelle la France a besoin d’ingénieurs qui comprennent vite et gèrent de multiples interfaces pour mener à bien ses plus grands projets qui répondent à ses plus grands défis.

Tout comme Coelacanthe, le modèle des programmes d’armement sert à la réussite des grands projets que la France porte. Ces exemples nous permettent de réfléchir à de bons moyens de coopération public-privé où les échelles de temps ne sont pas les mêmes.

Les projets de concession routière, d’organisation de grands événements sportifs tels les Jeux olympiques de 2024 ou le Grand Paris Express font appel à des compétences similaires que les IA sont à même d’acquérir.

La dissuasion nucléaire est toujours valable aujourd’hui. Elle est la meilleure démonstration de la complexité des programmes gérés par les IA qui combinent politique, diplomatie, expertise technique, recherche fondamentale et déploiement d’un grand système complexe. Les différentes visites que nous avons effectuées (l’Ile Longue, la fabrique des M51 en Gironde, la Direction des Applications Militaires du CEA…) nous ont confirmé l’actualité de celle-ci.

La dissuasion tire la recherche et l’industrie françaises vers le plus haut : la physique fondamentale, la métallurgie, la chimie, l’électronique, l’informatique, … Par exemple, l’excellence française dans les lasers -le prix Nobel de Gérard Mourou en 2018 le montre- est liée au programme Simulation du CEA pour le développement des armes.

Tous parrainés par des anciens

Nous devions tous choisir un parrain ingénieur de l’armement parmi nos anciens plus ou moins jeunes. La Formation Administrative et Militaire des IA organisée par Jérôme de Dinechin au premier trimestre 2019 a été l’occasion de rencontrer des IA (mais pas que) qui exercent leurs compétences à la DGA, plus généralement dans l’administration, dans l’industrie publique ou privée, la recherche ou complètement ailleurs. Ceux-ci nous ont permis d’appréhender la réalité de parcours plus ou moins atypiques et d’avoir une vision des métiers envisageables.

L’occasion de se retrouver et de créer des liens

Enfin, cette cérémonie marque surtout l’existence de notre promotion. Ces rendez-vous annuels développent l’esprit de corps et maintiennent de celui-ci au long de notre carrière. Au cours de nos cheminements individuels, ces liens créés nous seront toujours bénéfiques.

 

 

Discours de l'IGA Evelyne Spina, marraine de promotion,16 octobre 2019

Mesdames et Messieurs, les ingénieurs de l’armement de la promotion André Gempp,

Je ne peux malheureusement pas être parmi vous aujourd’hui mais je tenais à vous dire que c’est pour moi un grand honneur d’être la marraine de votre promotion.

J’apprécie pour des raisons toutes personnelles que vous ayez choisi le nom d’un toulonnais, spécialiste du domaine naval et plus particulièrement du monde sous-marin.

Ce monde commençait à peine à être exploré à son époque. En effet, sans André Gempp, le bathyscaphe FNRS 3 n’aurait sans doute jamais atteint les quatre mille cinquante mètres de profondeur le 15 février 1954. Alors tout jeune ingénieur polytechnicien, il fut en effet chargé au tout début des années cinquante, des études et de la construction de cet étrange sous-marin jaune qu’on peut encore voir au pied de la Tour Royale à Toulon, près du mémorial des sous-mariniers.

Mais le nom d’André Gempp reste surtout attaché à la dissuasion et plus particulièrement au premier sous-marin nucléaire français lanceur d’engins, le Redoutable, dont il fut le premier architecte puis le maître d’œuvre principal (MOP 2). J’ai eu l’occasion de lire le texte d’une conférence qu’il avait prononcée en 1994 alors qu’il était retraité, au cours de laquelle il rappelle cette période et dit s’être retrouvé devant une feuille blanche : tout était à faire et à construire. Il faut se rappeler que les performances type des sous-marins de la dernière guerre étaient de 20 nœuds avec une autonomie en plongée d’une seule heure. La maîtrise de la propulsion nucléaire a tout bouleversé ….

Aujourd’hui, la loi de programmation militaire ambitieuse est porteuse de feuilles blanches dans tous les milieux : le futur sous-marin lanceur d’engins de 3ème génération, le futur système de combat aérien qui remplacera le Rafale, le futur système de combat terrestre qui remplacera les chars Leclerc, le futur porte-avions, le futur système de surveillance de l’espace….

Par ailleurs, ces grands programmes s’accompagneront de ruptures technologiques profondes et à ce titre, le déploiement accru de l’intelligence artificielle et de la robotique sera un de vos défis techniques, mais aussi éthiques en questionnant la place de l’homme dans le dispositif.

Lors de cette même conférence, A. Gempp a mis en avant une des clés du succès qui reposait sur la mise en place de l’organisation Cœlacanthe : une organisation où tous les talents étaient réunis quels que soient leur service d’appartenance. On parlerait aujourd’hui de travail en plateau et d’organisation en mode projet.

Enfin, André Gempp nous a laissé un autre message : lorsqu’il prit la tête de la direction des constructions et armes navales de Toulon en fin de carrière, il réunit ses ingénieurs de direction et leur tint un discours de bienvenue. Il ressortait de ce discours fondé sur son expérience personnelle que la vie professionnelle était semée de hasards qu’il était vain de chercher à prévoir ou à éviter et qu’en conséquence, il ne voulait à aucun prix entendre parler de plans de carrière et la sagesse commandait qu’on laissât faire le hasard.

Au final et tous les exemples que j’ai sélectionnés le montrent : A Gempp était un homme très moderne dont on peut et dont il convient de s’inspirer.

Ainsi, je vous souhaite de tout cœur de participer activement à la rédaction des nombreuses feuilles blanches qui vous attendent. Votre enthousiasme, votre jeunesse, votre curiosité, les compétences techniques que vous allez acquérir au contact des plus anciens sont les atouts qui permettront à la DGA de continuer à contribuer à l’adaptation continue et réactive de notre système de défense

Je vous souhaite de trouver, comme j’ai pu le trouver moi-même, au sein du Ministère des Armées, la satisfaction de toutes les espérances qui sont les vôtres. La DGA est riche de ses femmes et ses hommes, de ses compétences multiples et de sa culture. Bienvenue parmi nous.

 

 

 

 

 

Auteur

Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique (X14) et de Supaero, Jean-Baptiste Moiroud a suivi un Mastère Spécialisé en Management de Projets. Pilote des corps techniques, il commence sa carrière chez Safran Aircraft Engines sur le développement de réacteurs de la génération 2030 puis rejoint la DGA comme architecte moteurs sur les programmes Mirage 2000, Tigre et Guépard. Il est depuis 2020 trésorier de la CAIA. Voir les 2 autres publications de l'auteur

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