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Le M16, un fusil expérimental...
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15 mars 2021

QUALIFIER, VRAIMENT ?
QUALIFIER UNE ARME DÉJÀ EN SERVICE

Publié par Pyrotechnicus | N° 122 - Les Forces Spéciales

Un cas d’école : qualifier le M16, acquis hors procédure, inconnu de la DGA et utilisé sans avoir passé le jalon de la mise en service opérationnelle... Supposons que vous êtes ingénieur au COS : cet article est fait pour vous


Votre mission, et vous devez l’accepter, sera : «qualifier le M16 »

Mais que signifie qualifier, concrètement, pour les forces spéciales ? Pour les uns, «qualifier» signifie « régulariser » voire « obtenir un papier opposable pour me couvrir en cas de problème». Pour les autres, « qualifier » signifie « obtenir enfin des forces spéciales qu’elles rentrent dans le rang » voire « leur faire rédiger une expression de besoin a posteriori et lancer un cycle d’expertise et d’essais qui durera deux ans parce qu’il n’y a pas de raison d’accorder à l’industrie d’outre-Atlantique des passe-droits que l’on n’accorde pas à l’industrie nationale ». Pour vous, « qualifier » va commencer par signifier « mettre de l’huile dans les rouages et du sable sur le feu, et tâcher de réconcilier tout le monde ». Discutons.
Quelques itérations vous conduisent à penser qu’il doit y avoir une solution. L’on converge très vite sur l’idée que, s’il n’y avait qu’un point à vérifier, ce serait évidemment la sécurité. Encore faut-il s’entendre sur ce que c’est que « qualifier la sécurité ». Un fusil qui ne permet pas de toucher le point visé met en danger son servant, surtout si la cible ratée dispose d’une arme qui tire juste. Il faut donc déjà préciser : « qualifier la sécurité, c’est-à-dire vérifier que, dans ses conditions normales d’emploi, l’arme elle-même ne risque pas de blesser directement son propre servant ».

Arme + Munition !

Mais il faut préciser encore. On ne qualifie pas la sécurité d’une arme, qui, toute seule, n’a jamais fait de mal à personne. On qualifie un couple arme-munitions. Ce qu’il fallait qualifier, c’était le couple M16-Munition du Famas, voire les couples M16-Munitions du Famas car le Famas pouvait tirer toutes sortes de munitions (cartouches à blanc, balles ordinaires, balles traçantes, balles pour tir de grenade...), et des munitions qui ne sont évidemment pas exactement au standard OTAN prévu pour le M16. Je dois vous avertir que vous risquez de n’être pas très bien reçu quand vous expliquerez ça, et que vous vous verrez rétorquer : « Mais vous n’allez pas vérifier le fonctionnement d’un fusil que des dizaines d’armées utilisent par le monde depuis des années ! Contentez-vous de faire signer à la DGA un papier par équivalence ! ». Reprenez vos explications sur le couple arme-munitions. Subissez le même retour. Deux fois, trois fois, dix fois. Si vous avez réussi à le faire comprendre à un tiers de vos interlocuteurs, vous avez été bon.

Il vous reste à trouver ce qui peut emporter votre conviction personnelle sur la sécurité des couples M16-Munitions du Famas. Vous échangez avec les unités qui les utilisent. Vous regardez les consommations et lieux d’emploi, qui vont de Lorient au désert de Djibouti en passant par le mont Igman. Après comparaison avec les normes en vigueur, vous en arrivez à la conclusion qu’il n’y a qu’une situation qui n’est pas encore réellement couverte par l’expérience acquise : celui de la balle qui reste coincée dans le tube et contre le culot de laquelle une seconde balle est tirée – c’est un incident rare mais qui demeure possible et qui peut blesser gravement le tireur.

Un essai, enfin

Retour vers l’Autorité Technique de la direction technique de la DGA et vers l’inspection des poudres et explosifs (IPE), à qui vous expliquez la situation. Vous y trouvez des interlocuteurs qui parlent le même langage. Vous tombez d’accord qu’il n’y a pas de meilleure vérification des performances que celle qui découle de l’emploi réel, une fois celui-ci convenablement documenté. Vous convergez sur l’unique essai à réaliser. Vous essayez de le programmer sur le champ de tir de du centre DGA techniques terrestres (DGA TT) de Bourges, à qui vous aimeriez bien confier aussi la consolidation et la mise en forme du retour d’expérience. DGA TT est malheureusement surchargé, et aurait d’ailleurs besoin d’une commande par une unité de management (UM). Cette solution doit d’autant plus être écartée que vous n’avez pas de ligne de crédit. Vous tombez alors d’accord avec le représentant de la DGA et celui de l’IPE sur une solution pragmatique : vous créez une « Commission Pyrotechnique » coprésidée par le GCOS (qui vous délèguera rapidement la signature) et par l’IPE ; et ensuite vous vous chargez de réaliser le dernier essai et de consolider le dossier. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Ensuite la Commission Pyrotechnique se réunira et rendra un avis consultatif.

Il ne vous reste plus qu’à faire réaliser l’essai «Tir d’une balle de Famas par un fusil M16 avec une balle déjà engagée dans le tube » bien sûr en toute sécurité, tireur non exposé. Le M16 n’éclate pas. Le remarquable technicien civil affecté à l’unité demandeuse rédige le dossier, et vous le finalisez avec lui. Vous le présentez enfin à la Commission Pyrotechnique, sans trop remarquer que vous y êtes quelque peu juge et partie. Vous obtenez un document dûment tamponné : « Au vu du dossier présenté, la Commission Pyrotechnique considère que, dans leurs conditions normales d’emploi, le tir des cartouches en référence avec le fusil M16 en référence ne présente pas plus de risques directs pour le servant que leur tir avec le Famas ». Vous ne le croyez pas, mais c’est fait.

Objectif atteint : fin des remontrances

Il faut donc croire que vous y êtes arrivé. Vous regardez un instant en arrière. Satisfait ? Ma foi oui. Fatigué ? Vous n’y pensez pas. Un regret malgré tout ? Peut-être, mais qui viendra ultérieurement. La Commission Pyrotechnique avait été mise en place pour régulariser toutes les armes non qualifiées dans les forces spéciales car le M16 n’était pas le seul dans sa situation. Elle ne s’est pourtant plus jamais réunie. L’état-major concerné a finalement estimé qu’un avis consultatif, même cosigné par l’IPE, ne lui permettait pas de prononcer une mise en service opérationnelle et qu’il lui fallait une qualification en bonne et due forme conformément à l’instruction ministérielle sur la conduite des opérations d’armement (à l’époque l’instruction 1514, devenue depuis l’instruction 1618). Les unités ont considéré que cela représentait trop de travail et que ça leur avait gâché un fusil. Tout s’est donc arrêté là. Du moins, le chef d’état-major du COS ne s’est-il plus fait remonter les bretelles pour le déploiement de matériel que personne n’avait mis en service. C’était finalement peut-être l’état final recherché.

 

    
Pyrotechnicus
 
L’ICA Pyrotechnicus a été en poste au COS dans le premier quart du XXIe siècle. Il a ensuite retrouvé la DGA. Il raconte ici une histoire montée de toutes pièces, et il va sans dire que toute ressemblance avec la réalité serait purement fortuite. Ou presque.
 

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Pyrotechnicus

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