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Roue arrière bloquée et prise au lasso, la voiture rouge s'arrête en 50m
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17 mars 2021

LA R&D AU GIGN
VUE PAR DEUX JEUNES IA

Parmi les forces françaises d’élite, le GIGN cherche à promouvoir sa place comme unité de pointe en se positionnant comme une référence pour le développement et le test de nouveaux matériels. La cellule “Recherche & Développement” doit composer entre son souhait d’être au meilleur niveau technologique sur tous les fronts et la réalité des besoins opérationnels exigeant de disposer rapidement de matériels sur étagère. Un sacré défi !


Deux IA au GI

De mars à juin 2019, dans le cadre du stage opérationnel de la FAMIA, les deux jeunes IA auteurs de cet article ont été immergés au sein du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, à la caserne Pasquier (sur le plateau de Satory, à Versailles).

Créé en 1974 à la suite de la prise d’otages des JO de Munich, le “Groupe” s’est rendu célèbre par la libération de 229 otages sur le tarmac de Marignane en 1994.

En 2007, le GIGN absorbe d’autres unités et se structure autour de 3 forces aux missions différentes : l’action sur prise d’otages ou forcené, le recueil discret de renseignement et la protection des ambassades à l’étranger. Le détachement gendarmerie du GSPR (sécurité du Président de la République) en fait partie mais n’est que peu présent sur site. À la suite de cette réorganisation, le GIGN compte environ 350 gendarmes, dont 200 opérationnels.

La cellule “Recherche & Développement” : quel rôle et quels projets ?

Durant ce stage opérationnel au GIGN, nous avons été accueillis dans la cellule « Recherche et Développement ”. Créée il y a une dizaine d’années, elle est armée aujourd’hui par deux Ingénieurs des Études et Techniques de l’Armement (un IPETA et un IETA) et deux gendarmes sous-officiers. Leur mission est de suivre le marché des équipements de sécurité et de participer à l’acquisition de nouveaux matériels, afin de fournir un point de vue technique
au commandement et permettre aux opérationnels de remplir leurs missions dans les meilleures conditions. Des entités analogues existent chez d’autres structures du Ministère des Armées, comme la cellule « Équipements et Prospective » du 1er RPIMa, et son équivalent à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris ou chez les Fusiliers Marins Commandos à Saint-Mandrier.

Les clients principaux de la cellule R&D sont la FI et notamment sa cellule Moyens Spéciaux (drones et robots entre autres) et la FOR (traitement de données d’écoute, filature). Si c’est une situation rencontrée fréquemment outre-Atlantique, c’est plus exotique sur notre vieux continent. Cependant, la seule alternative actuelle consiste à venir percuter le véhicule suspect jusqu’à le faire sortir de route, ou si c’est trop dangereux, à le laisser fuir : le Grappler Bumper pourrait avoir un réel apport pour la sécurité et la réussite des interceptions.


Lasso pour voitures: un long chemin du concept à l’application

Suite à une vidéo qui a fait le buzz sur Youtube, le GIGN a souhaité se doter d’un système appelé le Grappler Police Bumper.
Le scénario d’utilisation est le suivant: un véhicule suspect est pris en chasse par la police et roule à grande vitesse en ville, sur autoroute et peut être suivi par hélicoptère. Le véhicule de police se place derrière le fugitif et déploie un lasso fixé sur son pare-buffle. Tout en roulant, il vient mettre ce lasso au contact d’une des roues arrière du véhicule en fuite : de solides sangles textiles s’enroulent alors autour du pneu et de l’essieu et les bloquent. Le suspect est immédiatement freiné et perd la direction. Le véhicule de police y est relié et peut freiner également pour ralentir le fugitif ou libérer le lasso en cas de danger.

Une vidéo de démonstration : on est loin de l’application en toute sécurité sur les véhicules du Groupe


Acheté en réaction à cette vidéo, ce dispositif a été livré très rapidement. Malheureusement, à notre arrivée il restait inutilisé dans une caisse depuis plus de deux ans, sans notice de montage. En effet, la vidéo avait un but de communication et le vendeur cherchait déjà à valider ce concept. Le dispositif livré était un prototype adapté à un Chevrolet Suburban alors que le GIGN voulait le monter sur un modèle de 4x4 existant dans le parc. Il nous a donc été demandé de dessiner les éléments d’adaptation à ce véhicule pour les faire réaliser à l’atelier interne. Alors même qu’un garage avait fait une proposition raisonnable, le commandement souhaitait en effet promouvoir un développement et une réalisation 100% maison. Cette étape franchie, la durée de notre stage ne nous a pas permis d’assister à la réalisation puis aux essais du système : il est passionnant de s’investir dans le développement de nouvelles capacités mais il faut s’engager sur le long terme pour les voir aboutir.

80 idées brillantes, aboutissements incertains

Les idées brillantes ne manquent pas (vues à la télé ou sur Internet). Comment donner de nouvelles capacités aux ops au travers de nouveaux moyens ? Comment améliorer l’existant ? Ce séjour aura développé notre réflexion sur ce sujet. En effet, une approche “grands programmes” n’est pas pertinente pour les besoins de ce type d’unités non conventionnelles (comme aussi le RAID, la BSPP et les FuMaCo entre autres).

Tout d’abord, les crédits par homme sont importants, ce qui permet d’acquérir des matériels chers mais ne permet pas pour autant le financement d’un développement complet. Il est donc nécessaire de trouver des équipements « sur étagère » et de suivre leur intégration. Les opérateurs ont l’habitude de se faire livrer du matériel pour essai avant acquisition : gilets, fusils, matériel de visée, etc. Leurs choix sont éclairés par leur expérience de l’utilisation pratique des équipements, et leurs idées sont nombreuses (la cellule avait plusieurs dizaines de sujets à accompagner). Deux questions se posent alors pour la cellule R&D : comment s’assurer de la cohérence d’ensemble de toutes ces démarches individuelles, et surtout de leur suivi sur le long terme ? Le tout, en étant tenu à distance des opérations.

Missions variées, organisation regroupée

Historiquement, le GIGN était la seule unité anti-terroriste vouée à agir contre des prises d’otages exceptionnelles. Aujourd’hui, le Ministère de l’Intérieur lutte contre des crises plus fréquentes et d’intensité plus faible où la réactivité est primordiale : les preneurs d’otages cherchent à faire le plus de morts en un minimum de temps et non pas à négocier des rançons.

Forces spéciales : ressemblances et différences

Comme toutes les autres forces armées, la Gendarmerie Nationale dispose de son unité spéciale : le GIGN. Les sélections, les missions et les moyens alloués sont spécifiques.
Pour accomplir ses missions, il lui est nécessaire d’acquérir des équipements hors dotation pour s’adapter à un adversaire potentiel. Les gendarmes du GIGN s’intéressent à leur matériel et ont sans cesse des idées innovantes pour augmenter leur spectre d’intervention et faciliter leur vie quotidienne. Néanmoins, il est nécessaire de garder à l’esprit que l’acquisition d’un nouvel équipement n’est pas finie à la livraison mais lorsque l’opérateur le met dans sa poche au départ en mission.

 

Il est donc important de mettre un coup d’arrêt à l’action terroriste le plus vite possible. Pour ce faire, le MinInt s’oriente donc vers un maillage antiterroriste plus décentralisé avec une répartition entre unités par territoire: BRI à Paris, RAID à Rennes et Marseille, antennes GIGN à Reims et Dijon. Ainsi, ce découpage est distinct de celui des zones de responsabilité de la Police Nationale et de la Gendarmerie. 

En 2016, les Pelotons d’Intervention Inter-régionale de la Gendarmerie (PI2G) ont été renommés Antennes GIGN, ce qui crée de la frustration à Satory car la confusion est volontaire. Ils sont présents en province et outremer et ont les mêmes missions que le GIGN. Le recrutement est moins exigeant et la formation initiale est plus courte (6 semaines contre 1 an à Satory). À l’inverse, dans la Police Nationale les opérateurs du RAID à Bièvres ou en province ont le même recrutement et la même formation.

A terme, une convergence entre antennes et GIGN de Satory est poussée : une maison-mère en Ile-de-France pour la formation et l’état-major et des unités prépositionnées en province et outre-mer. Bien entendu, cette fusion ne passe pas auprès des opérateurs de Satory qui perdraient leur spécificité et leur primauté sur les interventions “du haut du spectre”. Au printemps 2021, les antennes ne seront plus rattachées aux commandants des régions de gendarmerie mais organiquement et opérationnellement au général commandant le GIGN à Satory.

On tend donc vers des forces conventionnelles suréquipées et spécifiquement entraînées et non
plus des forces spéciales. La cellule R&D devra trouver sa place dans ce nouveau GIGN à 1000 personnes sur plusieurs sites.

De plus en plus, les missions quotidiennes seront standardisées (et donc les équipements). La spécialité du matériel devra être préservée et repensée : l’innovation passera probablement plus par des modules complémentaires intégrés à la tenue courante et non plus par des objets spécifiques. Penser l’intégration dès le début filtrera les meilleures idées pour les pousser au bout.

Auteurs

Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique (X14) et de Supaero, Jean-Baptiste Moiroud a suivi un Mastère Spécialisé en Management de Projets. Pilote des corps techniques, il commence sa carrière chez Safran Aircraft Engines sur le développement de réacteurs de la génération 2030 puis rejoint la DGA comme architecte moteurs sur les programmes Mirage 2000, Tigre et Guépard. Il est depuis 2020 trésorier de la CAIA. Voir les 2 autres publications de l'auteur
Passionné d’aéronautique, Antoine Tholoniat (X14) s’est spécialisé en conception des aéronefs et des turbomachines lors de son double diplôme à l’ISAE-SUPAERO. Pilote des corps techniques, il occupe actuellement son second poste en affectation temporaire en industrie chez Safran Aircraft Engines - Gennevilliers, où il pilote un projet stratégique d'investissement industriel.

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