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24 juin 2023

QUAND LE PRIVATE EQUITY S’INTÉRESSE À LA DÉFENSE

Dans un contexte où l’industrie de défense et de sécurité rencontre des difficultés à se financer, Weinberg Capital Partners a lancé le premier fonds d’investissement d’initiative privée dédié aux PME et ETI françaises du secteur afin de les accompagner dans leur développement.


Des PME et ETI qui ont besoin de financement pour faire face à de nouveaux défis

Le conflit ukrainien et la montée des tensions internationales nous rappellent à quel point notre outil de défense est un élément essentiel de notre sécurité et de notre souveraineté. Après des années de réduction budgétaire, les États européens ont pris conscience du défi et augmentent leur budget militaire. La France ne fait pas exception et avait lancé dès 2017 une hausse de ses dépenses militaires, qui se poursuit avec le projet de Loi de programmation militaire 2024-2030.

L’industrie de défense est un acteur central de cette remontée en puissance. Elle doit à la fois renforcer ses efforts en termes de R&D pour produire des produits toujours plus innovants et performants, et augmenter ses cadences de production pour répondre aux besoins des armées françaises ainsi qu’à ceux de ses clients internationaux.

Si les grands groupes disposent des moyens pour faire face à ces défis, cela reste un enjeu pour les nombreuses PME et ETI de la Base industrielle et technologique de défense (BITD) qui doivent investir pour accompagner la montée en cadence des grands maîtres d’œuvre. Elles sont par ailleurs confrontées à des problématiques spécifiques. En effet, la filière reste très fragmentée et il existe un réel besoin de consolidation du secteur pour constituer des entreprises d’une taille critique à l’échelle française, européenne ou mondiale. En outre, un certain nombre de dirigeants d’entreprise de la BITD partiront en retraite dans les prochaines années, ce qui pose la question de l’évolution capitalistique de ces sociétés.

Pour faire face à cette situation, les PME et ETI du secteur ont besoin de financement, notamment en fonds propres. Or, celles-ci font face à des difficultés pour se financer. En effet, les investisseurs financiers ont tendance à se détourner de l’industrie de défense, alors même qu’elle affiche de réelles perspectives de croissance. Cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un secteur qui reste méconnu du monde financier, conséquence notamment d’une moindre sensibilisation du public aux enjeux de défense suite à la chute du Mur de Berlin. Le secteur présente également des caractéristiques qui peuvent au premier abord freiner les investisseurs, comme par exemple : le rôle central de l’État, la logique de filière, la règlementation spécifique, la forte composante technologique et industrielle, la crainte d’un manque de liquidité de la participation à la sortie, etc.

Enfin, à cela s’ajoute également une vision parfois restrictive de l’ESG (Environnement, Social, Gouvernance) ou la perception d’un risque d’image lié au secteur, qui conduit certains acteurs à exclure en tout ou partie l’industrie de défense du périmètre d’intervention de ces acteurs.

Un fonds dédié aux entreprises du secteur pour accélérer leur développement

Étant convaincu que le financement des entreprises de la BITD est essentiel à notre sécurité et à notre souveraineté, Weinberg Capital Partners a lancé le fonds d’investissement Eiréné, du nom de la déesse de la Paix, dédié aux PME et ETI françaises du secteur de la sécurité et de la défense. Ce projet initié fin 2020 s’est concrétisé début 2023. Il fait figure de pionnier en France en étant le premier fonds d’initiative privée dédié à ce secteur.

Le conflit ukrainien a remis sur le devant de la scène la question du financement de la défense. Bien que des réticences subsistent, une prise de conscience a lieu. L’Association française des investisseurs institutionnels a ainsi publié un rapport en mars 2023 concluant qu’il n’y a pas de raison d’exclure l’industrie de défense au titre des politiques ESG.

Le fonds a pour objectif de contribuer au renforcement et au développement des entreprises du secteur et de participer à la consolidation de la filière en vue de constituer des leaders à l’échelle française et européenne. En apportant une solution de financement française, il contribuera à maintenir en France des technologies et des savoir-faire industriels à haute valeur ajoutée essentiels, ainsi que des emplois qualifiés.

Il s’adresse à des sociétés françaises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 10 et 100 millions d’euros et couvrant tous les domaines d’activité de la filière (terrestre, naval, aéronautique, spatial, électronique, sécurité, cyber, etc.) et toute la chaîne de valeur (conception et fabrication de composants, d’équipements, de systèmes, prestation de service, etc.), avec pour la plupart une dualité d’activité entre civil et militaire.

Le fonds a vocation à apporter bien plus qu’un soutien financier aux sociétés en leur donnant des moyens supplémentaires pour accélérer leur croissance, via notamment l’apport d’une expertise sectorielle, des méthodes d’amélioration de la performance, un accompagnement à l’export, une mise en relation avec des partenaires et le soutien à la mise en œuvre de stratégies de croissance externe ambitieuses.

Une approche sectorielle pour répondre aux spécificités du secteur

La création d’un fonds thématique se justifie par les spécificités de ce secteur : forte composante technologique, logique de filière avec un rôle important de l’État, via la DGA en particulier, et des grands donneurs d’ordre, réglementations spécifiques (contrôle export, règlementation des investissements étrangers en France, etc.).

Sa dimension sectorielle permet d’appréhender ces spécificités et de lever les barrières à l’entrée que peuvent rencontrer des fonds généralistes : capacité d’origination, compréhension des enjeux propres au secteur et des problématiques industrielles, accès à l’information, connaissance de l’écosystème. De plus, il permet d’apporter un accompagnement adapté aux entreprises du secteur pour les soutenir dans leurs stratégies de croissance.

S’agissant de l’ESG, qui reste un frein pour certains acteurs, la création du fonds se base au contraire sur une conviction forte que la défense et la sécurité sont indissociables et que la paix est une condition indispensable au déploiement de politiques sociétales et environnementales. Le fonds Eiréné s’inscrit en ce sens pleinement avec l’objectif de développement durable n°16 « Paix, justice et institutions efficaces » défini par l’ONU.

De plus, rien ne s’oppose dans le secteur à la mise en place de politiques ESG ambitieuses et le fonds Eiréné s’attache à appliquer une politique exigeante dans ce domaine en ligne avec les meilleures pratiques. Pour tenir compte des spécificités du secteur, des due diligences complémentaires sont menées pour s’assurer notamment du respect par les sociétés des traités internationaux et de la règlementation relative au contrôle export.

Le fonds est géré par une équipe dédiée combinant des profils de financiers et d’ingénieurs, ayant une bonne compréhension du secteur, de son écosystème, de ses enjeux technologiques et industriels. Cette équipe est de plus accompagnée par un comité stratégique regroupant des personnalités de premier plan du monde de la défense et de la sécurité, dont Laurent Collet-Billon, ancien Délégué général pour l’armement, et Hervé Guillou, ancien PDG de Naval Group.

En lançant le fonds Eiréné, un des objectifs a été de démontrer qu’il était non seulement possible, mais nécessaire de financer l’industrie de défense et de sécurité. Nous espérons que cette initiative apportera sa contribution au rapprochement entre les secteurs de la finance et de la défense, qui ont chacun leur rôle à jouer dans le renforcement de notre souveraineté.

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David Lebain, IPA, directeur associé chez Weinberg Capital Partners

X01, ENSTA, David débute à la DGA, puis rejoint l’Agence des participations de l’État, où il est en charge de participations du secteur aéronautique-défense. Il entre esuite chez Naval Group, d’abord à la direction de la stratégie, puis à la direction des programmes. Il a notamment été directeur des opérations d’Itaguai Construçoes Navais au Brésil et directeur de projet de sous-marins pour l’export.

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