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01 mars 2019

1918 – 1923 : LA RECOMPOSITION DE L’EUROPE

Une exposition intitulée « A l’Est, la guerre sans fin, 1918 – 1923 », placée sous le Haut patronage du président de la République a eu lieu au Musée de l’Armée du 5 octobre 2018 au 20 janvier 2019. Elle a présenté la recomposition de l’Europe après la Première guerre mondiale et permet de mieux comprendre les problèmes actuels relatifs aux aspirations des pays de l’Europe centrale et du Moyen-Orient.


L’Europe des empires

En 1914, quatre grands empires composent l’Europe : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Russie, et l’Empire ottoman. Le Reich allemand est constitué du royaume de Prusse et a été proclamé à Versailles en 1871 après la défaite de la France de 1870. L’Autriche-Hongrie règne, avec la famille des Habsbourgs sur le continent européen depuis la Renaissance. L’Empire russe n’a cessé de s’étendre depuis le début du XVIIIe siècle, tandis que l’Empire ottoman à l’inverse poursuit un lent déclin et devient « l’homme malade de l’Europe », laissant les pays sous son influence se constituer en États : la Grèce, la Serbie, la Bulgarie...

Deux grands systèmes d’alliance se sont mis en place. Le premier allie l’Allemagne, première puissance industrielle européenne, l’Autriche-Hongrie, et l’Italie tout juste unifiée. Les trois forment la Triple Alliance. Le second système associe la Russie, la France, très marquée par la perte de l’Alsace et du nord de la Lorraine, et la Grande-Bretagne, qui lui est associée dans le cadre de l’Entente cordiale. C’est la Triple Entente.

La durée du conflit et la brutalité des combats modifient durablement les pays entrés en guerre, et plus particulièrement la Russie, l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman. A l’Est de l’Europe et au Levant, des populations très diverses doivent s’adapter à une période de violence et d’instabilité, après avoir découvert, à l’occasion de la guerre, des aspirations nationales inédites.

La construction de la paix

Après l’annonce des cessez-le-feu et la signature des armistices, le temps de l’organisation de la paix commence. La Conférence de la Paix s’ouvre à Paris le 18 janvier 1919. Les attentes des peuples sont fortes, parfois irréalistes. Les représentants des pays belligérants apportent à Paris leurs revendications. Comment faire la paix après ces dures années de combat qui ont exacerbé les tensions nationales ?

Le Traité de Versailles est négocié par les représentants français conduits par Georges Clemenceau et signé le 28 juin 1919. Il règle le conflit de la France avec l’Allemagne. Il sera approuvé par le Parlement et signé par le président de la République, Raymond Poincaré, le 10 janvier 1920.

Avec l’Autriche-Hongrie, considérée avec l’Allemagne comme le principal responsable du conflit, la paix fera l’objet du Traité de Saint-Germainen Laye signé le 10 septembre 1919. Le Traité consacre la dislocation de la monarchie austro-hongroise et la création de sept États selon le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il précédera l’établissement de la Constitution du nouvel État d’Autriche en 1920. Celle-ci garantira la séparation de l’Autriche de la puissante Allemagne et l’existence d’une Autriche viable et indépendante. L’ambassadeur de France à Vienne aura pour mission d’en assurer l’existence.

Les marches de l’Est

Après l’éclatement des Empires russe, en 1917, et allemand en 1918, se créent ou se recréent sur ces immenses territoires de l’Est de l’Europe des entités politiques moins étendues mais plus nombreuses et plus homogènes. Outre la Russie et l’Allemagne, isolées, et diminuées par les défaites et par les troubles intérieurs, il faut compter avec la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Ukraine. La France intervient de multiples manières, y compris militaire, dans le travail de construction de ces États et de la paix, en garantissant les traités et la stabilité politique.

La République soviétique de Russie poursuit son projet de révolution mondiale, et la guerre civile déchire l’Empire russe de 1917 à 1923. De nouveaux États nations définissent leurs frontières par la guerre et les soulèvements populaires. Certains naissent comme la Tchécoslovaquie, d’autres renaissent comme la Pologne qui recouvre son indépendance en novembre 1918. Un avenant au Traité de Versailles de juin 1919 lui en fixe les limites avec l’Allemagne, mais ne précise pas celles de l’Est. La Pologne s’engage alors dans un conflit avec l’Ukraine, la Lituanie puis avec la Russie soviétique.

L’Europe médiane

L’Europe médiane, en 1914, est représentée par l’Autriche-Hongrie, et par les pays balkaniques ayant peu à peu accédé au début du XXe siècle à une totale indépendance en se dégageant de la tutelle de l’Empire ottoman : Grèce, Serbie, Monténégro, Roumanie, Bulgarie, Albanie. La désagrégation de l’Autriche-Hongrie en 1918 et la quasi-disparition de la Turquie bouleversent la région. Les traités officialisent ces vastes remaniements. Mais les contestations de frontière et les problèmes de minorités subsistent.

Le Traité de Neuilly-sur-Seine

Signé le 27 novembre 1919, il oblige la Bulgarie, qui espérait obtenir des territoires sur ses voisins en s’alliant à l’Allemagne, à rendre ou céder certains de ceux-ci à la Grèce, la Serbie et la Roumanie, et à payer des réparations de guerre. Elle occupera ces territoires pendant encore trois ans.

Le Traité de Trianon négocié et conclu avec la Hongrie et signé le 4 juin 1920 permet la consolidation du royaume des Serbes, Croates et Slovènes, proclamé le 1er décembre 1918 par le prince régent au nom de son père, Pierre Ier de Serbie.

Le Levant

Le Traité de Sèvres signé le 10 août 1920 clôt la série des actes internationaux destinés à redessiner une Europe sans ses anciens empires centraux. L’Empire ottoman est démembré. L’Arménie y est reconnue par les parties signataires comme un État libre et indépendant.

L’Empire ottoman, réduit à une peau de chagrin, sera le siège d’un vaste mouvement de résistance armée en Anatolie conduit par le général Mustapha Kemal Pacha, futur Atatürk. Dès décembre 1920, Georges Leygues, ministre français des Affaires étrangères constatera que l’Arménie est depuis quelques semaines occupée par moitié par les bolcheviks et les nationalistes turcs. La ratification du Traité de Sèvres sera retardée et les victoires de Mustafa Kémal conduiront à rendre inapplicables les conclusions du Traité, finalement jamais entré en vigueur.

Les victoires militaires remportées par les troupes nationalistes turques renversent la donne et rendent possible l’élaboration d’un nouveau traité qui anéantit les espoirs d’autonomie des entités nationales, arabes, arméniennes et kurdes.

Ce traité, dit de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, précédera de quelques semaines la proclamation de la République turque le 29 octobre 1923. Le Traité de Lausanneprécise les frontières de la Turquie et de la Grèce. Avec ce nouveau traité, la Turquie regagne une partie des territoires perdus en 1920. Les changements de frontière seront suivis d’importants mouvements de population : plus d’un millions de chrétiens rejoignent la Grèce alors que 400 000 musulmans retournent en Asie mineure. Seul le sort de Mossoul au nord de l’Irak reste en suspens. Réclamée par les Turcs en raison de la présence de Kurdes et par les Britanniques pour son pétrole, la ville est attribuée à l’Irak en 1925.

Dans le travail de redéfinition des pays du Levant, la France et la Grande-Bretagne imposeront, sous l’égide de la Société des nations, leur autorité sur la Syrie, le Liban, la Palestine et l’Irak, en fonction de considérations politiques, géostratégiques et économiques.

Après l’Europe des empires, l’Europe des nations.

Le centre et l’Est de l’Europe sont méconnaissables à l’issue de la Première guerre mondiale. La Russie, avec la révolution bolchevique a reculé vers l’Est, et les trois états Baltes et la Finlande ont acquis leur indépendance. La Pologne est restaurée après avoir été rayée de la carte à la fin du XVIIIe siècle. L’Empire austro-hongrois a été réduit à deux états républicains, l’Autriche et la Hongrie, limités à des frontières étroites. Les restes de l’Empire ont été répartis au profit des Serbes, des Italiens et des Roumains, tandis qu’un nouvel état slave a été créé, la Tchécoslovaquie.

L’Empire ottoman allié des allemands et autrichiens a disparu. Mustapha Kemal impose la République et redessine les frontières à l’issue d’un long combat. Les vastes territoires ottomans dans le monde arabe ont été partagés entre la France et la Grande-Bretagne qui se répartissent les aires d’influence.

Quant au Reich allemand, il est remplacé par un régime républicain, la République de « Weimar », et concède d’importants territoires à l’Est. Il restitue l’Alsace et la Lorraine à la France.

Ces transformations négociées principalement par les vainqueurs, États-Unis, Royaume-Uni et France, avec pour but essentiel de tenir compte des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, tinrent également compte des réalités stratégiques et géopolitiques qui trouvent encore aujourd’hui une résonance pérenne.

Auteur

Daniel Jouan a effectué sa carrière à la DGA, d’abord dans des fonctions techniques au profit des programmes de dissuasion nucléaire (MSBS et Pluton), ensuite dans le suivi de l’activité industrielle de l’armement, et a quitté le service en 2005 après avoir été chargé de la gestion financière des études et recherches de défense. Voir les 13 Voir les autres publications de l’auteur(trice)

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