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01 juin 2017

LES « ANGES » DE LA NUIT : VOIR DE NUIT COMME EN PLEIN JOUR

Les technologies de vision nocturne ont fait des progrès très importants ces dernières années. Les technologies de tubes à intensification de lumière (IL) restent pour l’instant la référence, les capteurs CMOS bas niveau de lumière étant encore loin d’atteindre les niveaux de performance requis pour un emploi militaire. La priorité à court terme est plutôt au développement des technologies de fusion IL/IR, qui apportent un plus important en termes de détection.


Les technologies de vision nocturne ont pris une importance considérable sur les théâtres d’opérations, tant pour les forces conventionnelles que pour les forces spéciales. Elles conditionnent la mobilité et la supériorité tactique lors des missions de nuit. Aujourd’hui, plus de 90 % des missions des forces spéciales sont menées de nuit.
Dans le domaine du pilotage d’aéronefs, les jumelles de vision nocturne constituent un compromis différent de celui des solutions plus intégrées de type Helmet Mounted Sight Display comme le casque TopOwl®, qui apportent de leur côté des fonctionnalités supplémentaires (affichage de symbologie, alignement casque/armes…) ainsi qu’un meilleur confort visuel en terme de champ de vue et appréhension de la situation tactique (absence d’effet tunnel propre aux jumelles).
Les jumelles de vision nocturne demeurent toutefois une solution élégante en termes de coût et compacité (une jumelle rentre dans une boîte à gants). Aussi, elles n’ont pas d’égal à ce jour en termes de performance optique. Associées aux dernières technologies de tubes à intensification de lumière (technologie INTENSTM de Photonis), elles permettent seules d’envisager des vols d’hélicoptère en sea skimming et par nuit complètement noire. Elles permettent aussi, pour un utilisateur expérimenté, de voir des détails beaucoup plus fins.
Il n’y a toutefois pas de solution meilleure qu’une autre. Chaque solution présente ses avantages et inconvénients, et chaque utilisateur aura sa préférence en fonction de son expérience terrain.
La jumelle d’hélicoptère Hélie, développée sur contrat DGA, représente ce qui se fait de mieux actuellement en termes de performance optique. L’utilisation d’objectifs ouverts à F/0,95, en lieu et place de l’ouverture en F/1,2 qui représente le standard du marché, permet de collecter jusqu’à 60 % de signal en plus, et améliorer ainsi significativement les capacités de détection, reconnaissance et identification.
Cette prouesse technique a été rendue possible par l’expérience des bureaux d’études de Thales Angénieux, qui s’appuient sur une longue histoire de développements optiques. Certains de ces développements remontent à la conquête spatiale, avec le développement d’optiques très ouvertes pour le compte de la NASA pour la sonde Ranger VII, optiques qui ont permis les premières prises d’images à haute résolution de la surface lunaire en juillet 1964. Cette prouesse technique a aussi été rendue possible par l’intégration de nouveaux composants optiques de dernière génération (lentilles asphériques), qui décuplent les degrés de liberté des lois de l’optique, et donc les optimisations possibles au niveau du design optique. Quel avenir pour ces technologies de vision nocturne ?
Les technologies de tubes demeurent pour l’instant les solutions présentant le meilleur compromis coût-performance en termes d’intensification de lumière (IL). Les meilleures technologies CMOS bas niveau de lumière actuelles sont encore d’un ordre de grandeur moins sensibles (1 à 5 mlux contre 0,1 à 0,2 mlux pour les meilleurs systèmes à base de tubes), et posent également des problèmes de consommation. Ces technologies CMOS bas niveau de lumière sont toutefois amenées à faire des progrès significatifs sur les prochaines années.


CASQUE TOPOWL :
 
Le casque TopOwl ® de Thales est un autre système de vision nocturne développé par les équipes de Thales pour les pilotes d’hélicoptère. Il équipe entre autres les hélicoptères Tigre et NH  90. Beaucoup plus évolué qu’une jumelle de vision nocturne, il dispose de fonctionnalités telles que l’intégration d’une symbologie évoluée, la captation de l’orientation de la tête et l’alignement avec l’arme. La partie optique du casque est aussi fabriquée par les équipes de Thales Angénieux.


Les développements actuels dans le domaine terrestre portent essentiellement sur les technologies de fusion de divers senseurs positionnés autour de la jumelle : fusion de l’image intensifiée avec une image LWIR et/ou SWIR, permettant d’enrichir l’image intensifiée, améliorer la portée de détection et apporter une capacité de décamouflage.
Le portage de ces technologies de fusion sur des véhicules et/ou aéronefs va présenter un challenge intéressant, puisqu’il ne s’agira plus de fusionner des capteurs présents à la proximité directe de la jumelle, mais aussi d’autres capteurs présents sur le système. On peut rêver, par exemple pour les véhicules blindés, de développer des concepts de blindages transparents, permettant à un équipage d’être immergé dans son environnement, avant même la sortie du véhicule, en connectant les jumelles aux senseurs de vision périmétrique du véhicule.
S’agissant des aéronefs, on peut imaginer le développement de systèmes de vision tête haute simplifiés, intégrant aussi ces technologies de fusion, et permettant d’éviter l’effet tunnel des jumelles. Ces systèmes pourraient être connectés à des senseurs placés sur un mât extérieur, apportant au travers d’une fusion IL/IR une perception accrue et quasi-périmétrique.
On peut aussi envisager la projection sur la visière d’images en provenance d’un drone ou d’un observateur déployé sur le terrain, en vision see-through de jour comme de nuit, donc sans perte de perception de l’environnement de pilotage. L’ensemble de ces technologies est à portée de main. La problématique sera certainement plus celle de la dynamique des senseurs eux-mêmes, pour éviter les effets de décalage ou traînage de l’image, effets qui sont rédhibitoires pour un emploi militaire (et a fortiori pour le pilotage d’aéronefs). Il conviendra, bien évidemment, aussi de bien penser l’IHM, et la charge de travail qui en résultera pour le pilote et/ou le co-pilote.
Nous avons la chance d’avoir aujourd’hui, au travers des deux sociétés françaises que sont Thales Angénieux et Photonis, des capacités de premier plan dans ces technologies de vision nocturne, technologies qui ont longtemps été dominées par les fabricants américains.


Pierre Andurand, ICA, Président de Thales Angénieux

Pierre Andurand (X 87) a commencé sa carrière à la Direction des Missiles et de l’Espace de la DGA. Il entre dans l’industrie en 2001, chez Nexter (Giat Industries à l’époque), puis chez Thales en 2006. Il dirige depuis 2011 la filiale Thales Angénieux, spécialisée dans les technologies de vision nocturne et les optiques professionnelles pour le cinéma (marque Angénieux).

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