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01 mars 2019

LES CHRONIQUES DE MICHEL CLAMEN POUR LE MAGAZINE DES IA

 

Michel Clamen (IGA) est un praticien de la négociation européenne.
Ancien expert auprès de la Commission européenne de 1974 à 1985, il
a été professeur associé à l’Institut catholique de Paris et a enseigné le fonctionnement institutionnel européen et les méthodes de lobbying dans diverses formations de 3
e cycle. Il est l’auteur d’un grand nombre de publications dont « Bruxelles au jour le jour » (Documentation française, 1996), « Le lobbying et ses secrets » (Dunod, 3e édition, 2000), « Pratique du lobbying » (Dunod, 2003), « Manuel de lobbying » (Dunod, 2005).


 

De septembre 1995 à février 2013, il a été le spécialiste Europe au sein du comité de rédaction du Magazine des Ingénieurs de l’armement. Au fil de ces dix-huit ans, il nous a fait bénéficier de cinquante-deux chroniques toutes plus instructives les unes que les autres pour faire pénétrer les ingénieurs de l’armement dans les arcanes du fonctionnement européen.

Ces chroniques se voulaient, aussi souvent que possible, proches de l’actualité européenne et de son fonctionnement apparemment si compliqué. En dehors de l’actualité, Michel Clamen a traité l’aspect européen du thème général retenu pour le magazine en cours. Ainsi, sur le fonctionnement de la DGA, celle-ci n’ayant pas d’image à Bruxelles, il nous dit qu’elle le devrait et le pourrait et la nouvelle organisation aura du bon en apportant des profils nouveaux et des savoir-faire complémentaires (janvier 1999). Sur le thème des jeunes IA, la construction européenne ouvre de nouveaux gisements d’emplois et la plupart des pays jugent que placer ses hommes est d’intérêt national (septembre 2001). Sur la gestion de crise traitée en mai 2004, il rappelle que Jean Monnet avait dit que « l’Europe ne se construira que dans les crises ». Comment faire aujourd’hui une carrière sans toucher aux relations internationales, et notamment être plongé dans les structures européennes accompagnait le dossier de septembre 2005 consacré aux ingénieurs de l’armement. Michel Clamen rappelle que la Commission européenne avait adopté une stratégie européenne spécifique pour les nanotechnologies lorsque ce dossier a été traité en septembre 2007, et que cette initiative marquait la prise de conscience de l’importance du sujet au niveau européen, bien avant que les pays européens ne s’y intéressent. En traitant en avril 2009 du renouveau du nucléaire, il souligne que le sujet est encore une source de zizanie entre pays enthousiastes et pays sceptiques. Et quand la CAIA a abordé le sujet de la mer comme nouvelle économie européenne (octobre 2012), la chronique a rappelé que l’Europe est mariée à la mer, que les pays fondateurs en étaient riverains (hormis le Luxembourg), ce qui a induit des règlementations sur la pêche, les marées noires, l’industrie navale. Mais les élargissements successifs ont amené la discorde, tous ne ressentant pas cette proximité de la même manière, pour conclure qu’il manque à l’Europe une vue maritime d’ensemble.

D’autres chroniques, et peut-être les plus amusantes, ont traité de faits divers à grand retentissement européen.

Il en est ainsi de l’affaire de la vache folle en décembre 1996 : « Pour séduire et enlever Europe, Jupiter avait pris la forme d’un taureau. Aujourd’hui, par temps de vaches maigres, c’est encore un bovin qui sème la zizanie : l’affaire de la vache folle au Royaume-Uni provoque par folie et maladresses l’effondrement de la consommation de viande en Europe par suspicion généralisée des qualités de la production. »

En mai 1999, l’article « Va, donc, eh, banane ! » nous montre Jacques Chirac élu depuis peu, s’entretenir avec Helmut Kohl de l’Europe, bien sûr, de défense, d’armement. Mais par indiscrétion, on apprend qu’ils ont parlé pendant plus de cinquante minutes de la banane. « Pas d’ironie : c’est un dossier primordial et difficile depuis belle lurette. L’Allemagne est un gros consommateur de bananes, et la France (avec les DOM-TOM) un gros producteur. La préférence européenne est favorable à la France, mais défavorise l’Allemagne qui pourrait acheter moins cher ailleurs. »

L’entrée en scène du lobbying sera traitée en janvier 2000 dans le dossier sur l’intelligence économique. Un projet encore officieux envisage de généraliser la publicité comparative : « Les producteurs de vins fins s’indignent : les fabricants de bibine pourrait afficher « mon breuvage est presque aussi bon qu’un Château-Margaux, et beaucoup moins cher » Pas question ! »

Sur les institutions européennes (octobre 2008), Michel Clamen dit: «En Europe, il n’y a pas de chef ! Tout y est bâtard : dans la distribution des pouvoirs, dans les structures (les institutions sont organisées à la française et fonctionnent à l’anglaise), dans la vision politique. Bruxelles est plus qu’un système hybride, c’est le lieu d’une nouvelle culture. »

« La dictature des experts ? » est le titre de la chronique du dossier sur Expertise et essais (juin 2009). L’Europe ne cesse d’évaluer ! Le recours aux experts s’inscrit préférentiellement dans des comités tellement nombreux qu'il a fallu créer une règlementation spéciale appelée « comitologie ». « Le poids des experts ? Un parallèle avec les tribunaux montre que le juge est impartial, mais techniquement peu compétent, l'expert est, lui, compétent mais pas toujours impartial. »

Pour les thèmes sur la conduite des programmes (juin 2011) et les mises en service emblématiques (février 2013), il nous rappelle que, pour les opinions nationales, les programmes, c'est les grandes réalisations internationales : Airbus, Ariane. Mais à Bruxelles il y a des programmes pour tout : la technologie et l'innovation, les échanges d'étudiants et les échanges d'orchestres symphoniques, la préservation des langues et celles des monuments historiques, le développement des PME et celui du Tiers monde. Un véritable inventaire à la Prévert. L’Europe aussi a ses programmes, mais, contrairement aux diverses réalisations de l’armement, ils visent rarement une réalisation physique, dont la mise en service marque l’aboutissement (le cas Galileo reste exceptionnel). Dans ces conditions, les programmes ne sont jamais finis. « C’est que l'Europe, plus encore qu'un projet, est un état d'esprit. »

De toutes ces chroniques, celle qui me semble la plus révélatrice du fonctionnement de l’Europe telle qu’un grand nombre de citoyens le conçoivent est celle intitulée « Nains de jardin » parue en avril 1998, concernant un projet de directive sur « les mesures structurelles tendant à assurer une meilleure protection des nains de jardin », et où l’Europe montre, sur un sujet relativement banal, son immobilisme. La relation par Michel Clamen des interventions de chacun des pays européens pour s’opposer à toute décision positive est particulièrement savoureuse.

Des chroniques à relire avec plaisir, pour voir (et comprendre ?) les progrès réalisés et ceux encore à poursuivre pour construire l’Europe.

Auteur

Daniel Jouan a effectué sa carrière à la DGA, d’abord dans des fonctions techniques au profit des programmes de dissuasion nucléaire (MSBS et Pluton), ensuite dans le suivi de l’activité industrielle de l’armement, et a quitté le service en 2005 après avoir été chargé de la gestion financière des études et recherches de défense. Voir les 13 autres publications de l'auteur

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