Rien d’étonnant en réalité : le sport fait partie de la vie de tout militaire et suscite de nombreux centres d’intérêts chez tout ingénieur : au-delà de la performance ou de l’amélioration des performances qui sont dans ses gènes, il y puise un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, une harmonie entre corps et mental, un outil de cohésion et de management ainsi qu’un ensemble de valeurs fort utiles.

La relation aux activités physiques est néanmoins une relation personnelle : elle varie d’une personne à l’autre et évolue aussi avec l’âge. Mais quand on commence, on ne s’arrête plus !

De la compétition à la motivation personnelle

J’en parle aisément car j’ai eu la chance de m’y mettre jeune : c’était du sport utilitaire et ludique pendant mes années de collège et de lycée dans les Ardennes où j’allais à l’école à vélo, 4 km à fond pour partir de chez moi le plus tard possible ! Au cours des différents cross et compétitions scolaires, j’ai vu que ces efforts quotidiens m’avaient donné des capacités sportives intéressantes. En prépa à Paris, plus de vélo mais un tour du jardin du Luxembourg coupait très régulièrement mes soirées de travail : sans perdre la motivation du chronomètre, les bénéfices psychiques de ces coupures sportives étaient évidents.

À l’X, avec un entraîneur spécialiste du demi-fond, le jeu fit place au sport, l’entraînement devint méthodique. Et les performances grimpèrent : avec les records de l’école, les premiers podiums dans les cross ou les compétitions sur pistes, le sport devint auto-gratifiant et n’eut plus besoin d’autres sources de motivation pour être pratiqué. Si l’envie de performance ne s’éteint jamais vraiment, elle change ensuite de nature avec l’âge : elle s’inscrit davantage vis-à-vis de soi-même et moins vis-à-vis des autres ; elle s’appuie sur des efforts moins intenses et plus longs. L’ambiance conviviale des courses populaires remplace l’adrénaline des courses sur piste. Finis les concours de montées de la tour DGA, ces 20+1 étages qui en ont épuisé plus d’un ! Le sport nous apprend vite l’humilité…

La motivation pour maintenir une pratique sportive régulière passe aussi par d’autres chemins. Il faut maintenant diversifier les objectifs – pas seulement des compétitions – et les répartir tout au long de l’année : ski de fond en hiver, raid d’orientation au printemps, trail ou alpinisme en été, course sur route à l’automne… Alors face au besoin de couper des journées de travail souvent trop longues, une bonne séance de sport fait coup double : elle permet de relativiser certaines situations stressantes et prépare l’objectif sportif à venir. Et elle donne en outre l’impression d’avoir pleinement réussi sa journée ! Sans parler de la cohésion si je parviens à emmener des collègues. Tout ce qui fait persévérer dans la pratique sportive est bon à prendre ! Il est plaisant de citer Winston Churchill, dont le fameux « no sports » a fait oublier qu’il avait été champion de cinq disciplines : « Le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal : c'est le courage de continuer qui compte ».

Mont Blanc : un objectif personnel d’entraînement mais une récompense très partagée !

Du sport pour l’ingénierie

J’ai pris beaucoup de plaisir à rassembler les différents témoignages de ce magazine : ils montrent comment les compétences et les valeurs acquises dans le sport servent notre métier d’ingénieur de l’armement.

Ce que j’avais intuité avec l’athlétisme, le ski de fond ou même l’alpinisme, vaut évidemment pour tous les sports. La pratique des arts martiaux comme le karaté et le judo inculque des valeurs telles que le respect, l’entraide et la compréhension mutuelle, essentielles pour le management et les relations interpersonnelles. L’escalade en montagne développe d’autres qualités précieuses telles que la prise de décision rapide, l’autonomie et la ténacité. L’alpinisme d’expédition ou les courses au large se préparent comme des projets complexes.

De manière plus générale, parce qu’il nous oblige à sortir de notre zone de confort, le sport est bénéfique pour mieux nous connaître et donc pour mieux comprendre les autres : il améliore l’efficacité professionnelle de chacun et du groupe. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le coaching, initialement destiné aux sportifs, s’est étendu au monde de l’entreprise.

Je laisse le lecteur découvrir les nombreux articles qui illustrent ces thématiques et que Damien Brenot et Bruno Bellier résument fort bien : les deux directeurs de DGA Essais en Vol et DGA Maîtrise NRBC, eux-mêmes sportifs convaincus, nous font part de leur soutien des initiatives sportives dans leurs centres ; ils savent qu’ils favorisent ainsi la condition physique et psychique de leurs collaborateurs, leur esprit de cohésion et, en conséquence, rien de moins que leur efficacité au travail !

Bivouac au raid O’Biwak : ces tentes abritent beaucoup de militaires qui s’adonnent à ces deux jours de course d’orientation

De l’ingénierie pour le sport (thermodynamique pour le sport)

Des ingénieurs travaillent directement au service du sport. J’avais en tête la mise au point des chaussures avec lames de carbone qui accroissent nos performances de 3 à 4 % et qui nous font gagner 5 à 7 minutes au marathon. Le magazine élargit la thématique à des apports duaux sport-armement. Les matériaux développés pour la défense, tels que les composites et les alliages à haute résistance, trouvent en effet de nombreuses applications dans le sport, améliorant les performances et la protection des athlètes. Il y a aussi les systèmes de navigation et les gyroscopes qui garantissent une précision essentielle pour les navigateurs de course au large. Les exemples sont nombreux. Sans oublier l’intelligence artificielle : les téléspectateurs de sports collectifs apprécient aujourd’hui ses apports pour la compréhension du jeu en temps réel et pour un arbitrage plus objectif.

Un engagement de vie

Le sport est dans notre ADN de militaires et d’ingénieurs : il nous entraîne à résister au stress et à la fatigue, à nous dépasser individuellement et à développer notre esprit de corps. Que ce soit pour améliorer nos performances ou simplement pour le plaisir, il sait être un allié incontournable de notre quotidien professionnel et personnel. Alors simplement, continuons à nous dépasser et à inspirer les autres par notre engagement sportif !

Laurent Sellier, X87, IGA

30 ans de carrière au sein de la DGA dont plus de 10 ans comme directeur d'unités de management, Coelacanthe et Combat naval. Directeur de la propulsion nucléaire à la direction des applications militaires du CEA depuis 2020. Athlète toujours très pratiquant et ambassadeur à la Transjurassienne.