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François Gérard : La bataille d’Austerlitz, 2 Décembre 1805 (1810), Musée du château de Versailles
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21 avril 2024

NAPOLÉON, MENEUR D’HOMMES EXCEPTIONNEL

À la fin de la Révolution française, la France sort épuisée économiquement et totalement désorganisée. Les grandes institutions de l’Ancien régime ont été supprimées, rétablies puis à nouveau supprimées ou profondément modifiées. Leur fonctionnement n’est plus efficient. Les révolutionnaires n’ont pas su construire de façon durable des organismes solides pour une politique efficace et beaucoup d’entre eux d’ailleurs, cherchent à profiter de la Révolution pour leur intérêt personnel négligeant les efforts nécessaires au rétablissement de la grandeur de la France de l’Ancien régime.

Le besoin d’un vrai chef est nécessaire et quelques personnages sensibles aux intérêts nationaux cherchent celui qui pourrait les aider à redresser le pays. En 1799, le retour précipité d’Égypte du général Bonaparte se présente comme une opportunité dont ces hommes comptent se servir, à leur profit, du moins le croient-ils, pour organiser le coup d’état du 18 Brumaire. Ils avaient besoin d’un militaire pour réussir cette nouvelle organisation de l’État. Mais ils vont comprendre très vite que Napoléon n’entend pas être à leur service.


Napoléon va se servir de toutes les compétences des hommes qui l’entourent et qu’il saura utiliser pour le bien de la France. Napoléon gouverne seul, mais il sait s’appuyer sur les capacités de chacun, car il sait pertinemment repérer les capacités et les compétences. Malgré la défiance qu’il pourra avoir envers ceux dont il jugera la conduite inadéquate, il saura les conserver le temps utile avant de les mettre en marge de l’État quand cela sera nécessaire. Il en sera ainsi de ceux qui le trahiront comme Fouché (en 1815) ou Talleyrand (dès 1808).

La première tâche du Premier consul issu du coup d’État est la mise en place de ce que l’on a appelé les « masses de granit » : code civil, Cour des comptes, Banque de France, Concordat, légion d’honneur, lycées... Pour ces tâches, il s’appuiera sur des spécialistes qui ont traversé la Révolution : Cambacérès (Justice), Roederer (Finances), Fontanes (Instruction publique) et bien d’autres.

Napoléon pense qu’un pays ne peut être grand s’il ne sait reconnaître ceux qui peuvent le servir. Le mérite doit être promu. Il faut donc former les hommes. C’est le rôle de l’instruction. C’est ainsi qu’il s’exprime : « De toutes nos institutions, la plus importante est l’instruction publique. Tout en dépend, le présent et l’avenir. Il faut que la morale et les idées politiques de la génération qui s’élèvent ne dépende plus de la nouvelle du jour, ou des circonstances du moment. Il faut arriver à l’unité, et qu’une génération toute entière puisse être jetée dans le même moule ».

S’appuyer sur les hommes, et savoir leur parler, leur communiquer l’enthousiasme, et leur donner envie de se dépasser, c’est aussi ce qu’il fera avec ses soldats, au plus bas de l’échelle militaire jusqu’au niveau des plus grands chefs qu’il fera maréchaux de France. Quand un État devient grand et rayonne sur l’Europe voire le monde entier, la tâche n’en est que plus facile.

On pourra se convaincre de l’estime de l’Empereur pour ses soldats dans les déclarations aux armées qui donnent une première idée de cette communication convaincante. En retour, les grognards « grogneront » mais feront preuve d’un amour jamais remis en cause pour celui qu’ils appelleront « le petit tondu » jusqu’à donner leur vie pour le succès des armes, et qui continuera à s’exprimer même bien longtemps après la fin du Premier Empire.

Nombreuses déclarations écrites de Napoléon montrent comment il savait valoriser les hommes, même si parfois la vérité est un peu travestie. On rappellera quelques-unes des plus connues de ces déclarations.

Dès le siège de Toulon en 1793, alors que Napoléon n’est pas connu et n’est que chef de bataillon, il s’impose auprès du général Carteaux, piètre général il est vrai, en montrant que nos pièces d’artillerie sont trop éloignées des navires anglais réfugiés dans le port. Il est nécessaire d’investir le fort de l’Éguillette, appelé aussi « le petit Gibraltar », plus rapproché du port et nœud stratégique de la défense de Toulon. Cette place est occupée par les Anglais. Il faut envoyer à sa conquête les plus hardis des soldats qui accompagnent Bonaparte. Ce sera un succès, et après la prise du fort, il lui donnera à ce fort le nom de « batterie des hommes sans peur », en l’honneur des soldats valeureux qui auront permis de libérer le port de Toulon grâce à l’enthousiasme que leur chef aura su leur communiquer. Au passage Napoléon y gagnera ses étoiles de général de brigade.

Quand Napoléon prend le commandement de l’armée d’Italie en 1796, il doit s’imposer face à des soldats déçus par les échecs des campagnes précédentes, mal considérés par le pouvoir politique, certains soldats n’ont ni chaussures, ni vêtements, et la plupart n’ont pas été payés depuis bien longtemps. À Nice, il leur déclare : « Soldats, vous êtes nus, mal nourris ; le Gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner. Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces roches sont admirables ; mais il ne vous procure aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir ; vous y trouverez honneur, gloire et richesses. Soldats d’Italie, manqueriez-vous de courage ou de constance ? »

Après la bataille d’Austerlitz, Napoléon saura reconnaître les efforts de ses soldats qui l’auront acclamé la veille au soir de la bataille par des clameurs que l’ennemi (autrichien et russe) interprétera, à tort, comme le début de la retraite des Français. Rappelons-nous de la fin du bulletin aux armées relatant à la Nation française l’issue victorieuse de nos armes : « Soldats ! Je suis content de vous. Vous avez, à la journée d’Austerlitz, justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d’un immortelle gloire… Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France. Là, vous serez l’objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire : « J’étais à la bataille d’Austerlitz », pour qu’on vous réponde : « voilà un brave ! ».

On pourrait encore multiplier les citations des déclarations de Napoléon à ses soldats et ses officiers où l’on voit combien il savait les glorifier et leur faire faire des exploits qui les dépassent.

Mais pour conclure, la parole doit être donnée au Maréchal Ney. Après l’abdication de mai 1814 et les poignants adieux aux armées de Fontainebleau, Michel Ney s’est rallié aux Bourbons et est chargé par Louis XVIII de barrer la route à celui que l’on appelle « l’usurpateur ». Ney a promis de ramener Napoléon dans une cage de fer.

Napoléon a débarqué à Golfe-Juan le 1er mars 1815 et adresse une proclamation au Peuple français et aux Armées : « Soldats, ! Dans mon exil j’ai entendu votre voix ! … Soldats, venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef ! Son existence ne se compose que de la vôtre ; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres ; son intérêt, son honneur, sa gloire ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge ; l’aigle avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame ; alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices ; alors vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait : vous serez les libérateurs de la patrie. »

En lisant ces lignes, Ney est repris par la grandeur des quinze années de victoires du Premier Empire. Il n’est plus question d’arrêter l’usurpateur. Et Ney de dire :

« On n’écrit plus comme ça ! ... Le Roi devrait écrire ainsi. C’est de cette manière qu’on parle aux soldats et qu’on les émeut ! »

Auteur

Daniel Jouan a effectué sa carrière à la DGA, d’abord dans des fonctions techniques au profit des programmes de dissuasion nucléaire (MSBS et Pluton), ensuite dans le suivi de l’activité industrielle de l’armement, et a quitté le service en 2005 après avoir été chargé de la gestion financière des études et recherches de défense. Voir les 13 autres publications de l'auteur

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