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01 juin 2017

L’INNOVATION À PLEINE PUISSANCE

Leader mondial des moteurs d'hélicoptères, Safran helicopter engines (anciennement Turbomeca) investit une partie significative de ses revenus, environ 15 %, dans la préparation de l'avenir en développant des moteurs toujours plus performants combinant puissance, réduction de consommation en carburant et des émissions de polluants, sécurité et flexibilité d’emplois.


Toutes les 9 secondes, quelque part dans le monde, un hélicoptère motorisé par Safran décolle pour accomplir sa mission. Cette mission, il peut s’agir d’un sauvetage en mer, du transport d’un blessé vers un hôpital, d’une dépose d’un commando en territoire hostile ou plus simplement d’un vol de plaisance au-dessus du Grand Canyon. Chaque mission en hélicoptère a ses spécificités et ses contraintes. Pour nous, chez Safran helicopter engines, la responsabilité est toujours la même : fournir des moteurs qui soient performants, sûrs et fiables dans toutes les situations. La sécurité et la satisfaction de l’utilisateur sont des exigences sur lesquelles il n’est pas possible de transiger, et qui modèlent l’ensemble de notre gamme de moteur. Je suis d’ailleurs personnellement impliqué dans l’ensemble des cellules d’alerte qui sont déclenchées lors des évènements sur flottes, et dans les décisions à prendre suite aux analyses techniques.
Notre gamme s’articule aujourd’hui autour de trois nouveaux moteurs : l’Arrano de 1 100 à 1 300 ch destinés aux hélicoptères moyens, l’Ardiden de 1 400 à 2 000 ch pour les appareils moyens - lourds, et les MFP (Moteurs Forte Puissance) de 2 100 à 3 000 ch destinés aux hélicoptères lourds. A cela s’ajoute notre offre de moteurs « sur étagère », tels que l’Arrius, l’Arriel et le Makila, que nous continuons de faire évoluer. La diversité de ces moteurs nous a permis de constituer une offre commerciale complète et pertinente qui a répondu aux besoins de la quasi-totalité des nouveaux hélicoptères lancés au cours des dernières années, à commencer par le H 160 d’Airbus Helicopters, le Bell 505 de Bell et l’AC  352 du chinois Avic, et qui assurent à Safran l’assurance de conserver sa position de leader sur ce marché.

Ambitieux et réaliste
La clé pour conserver ce leadership, c’est de préparer dès maintenant le futur avec une stratégie de recherche et technologie à la fois ambitieuse et réaliste. En tant que Directeur des programmes, agissant à la croisée de la technique, du commercial et de la stratégie de l’entreprise, j’ai tout particulièrement cette responsabilité de garantir la pertinence de cette stratégie de R&T aux vues des besoins de nos clients et de leurs missions. Safran helicopter engines porte en elle le gène de l’innovation. L’histoire de notre société est empreinte de cet esprit pionner qui lui a permis d’être à l’avant-garde de l’histoire de l’hélicoptère et d’accumuler les records. Aujourd’hui, l’amélioration permanente de nos produits est un trait qui est reconnu et plébiscité par les fabricants d’hélicoptères et leurs utilisateurs. Quelques chiffres permettent de résumer l’évolution de nos moteurs : entre l’Artouste de 1955 et l’Arriel 2 en service aujourd’hui, la puissance a été multipliée par 2, la densité de puissance par 2,5 et la consommation réduite de moitié. L’Arrano, actuellement en développement, permettra d’aller encore plus loin, avec une consommation encore réduite de 15 % grâce à une optimisation toujours plus poussée du compresseur et de la turbine. C’est d’ailleurs cet avantage qui nous a permis d’être retenus en simple source par Airbus Helicopters sur le H  160, en 2015. Une bonne nouvelle que j’avais personnellement annoncée aux équipes lors ma présentation annuelle Bilan Programmes.


IMPRESSION 3D

La fabrication additive, plus communément appelée impression 3D, est également un « game changer » qui a l’avantage de révolutionner la fabricabilité de nos moteurs et d’ouvrir de nouvelles voies en matière de conception, en permettant aux ingénieurs d’imaginer des pièces qui n’auraient jamais pu voir le jour avec les méthodes de fabrication classiques comme la forge, la fonderie ou l’usinage. Si bien que les injecteurs et les tourbillonneurs des chambres à combustion de l’Arrano et de l’Ardiden 3 sont d’ores et déjà fabriqués ainsi, avec le principe de la fusion laser sur lit de poudre métallique. Si la technologie a encore ses limites (taille des pièces et résistance aux contraintes mécaniques), la fabrication additive pourrait dans les années à venir concerner plus de 20 % des pièces de nos moteurs.



L’optimisation du générateur de gaz est la colonne vertébrale de notre R&T avec des fondamentaux immuables comme le développement de nouveaux matériaux (plus robustes, légers et résistants aux fortes températures), l’optimisation des performances aérodynamiques (augmentation des taux de compression) et l’amélioration des équipements.
L’introduction d’une part plus importante d’énergie électrique dans les systèmes propulsifs sera également la source de gains significatifs en termes de performances et de rendement. L’hybridation d’une turbine à gaz avec une source d’énergie électrique pouvant fournir très rapidement des surcroîts de puissance importants, est un concept prometteur qui permet de repenser la manière dont est utilisé un moteur.
Sur un hélicoptère bimoteur, il deviendrait ainsi envisageable de mettre en veille l’un des deux moteurs durant les phases de croisière. Sur ces hélicoptères, les moteurs ont en effet la particularité d’être naturellement surdimensionnés en termes de puissance pour fonctionner de manière nominale en situation d’urgence, lors d’une panne de type OEI (one-engine inoperative). Pour des raisons de sécurité, chaque moteur est en réalité capable de fournir environ 20 % de puissance en plus que ce qui est nécessaire au décollage. En régime de croisière normal leur rendement n’est donc pas optimal. 

Mettre en veille un moteur, permettrait à l’autre de fonctionner à un régime supérieur, offrant ainsi un meilleur rendement de puissance comparé à deux moteurs fonctionnant à mi-régime. L’hybridation intervient lorsque le pilote a besoin de revenir rapidement à un haut niveau de puissance, en phase d’approche, ou pour réaliser une manœuvre d’urgence : un système électrique permet de « réveiller » très rapidement le moteur en veille et de le ramener presque instantanément à son régime de fonctionnement initial. L’utilisation de ce concept de « mode éco » permettrait de générer une économie de carburant de l’ordre 15 %.

« LA TURBINE À GAZ RESTERA LA PIÈCE MAÎTRESSE DE LA PROPULSION DES FUTURS HÉLICOPTÈRES ET AÉRONEFS VTOL POUR ENCORE TRÈS LONGTEMPS ET POUR LA TRÈS GRANDE MAJORITÉ DES MISSIONS »

L’hybridation source d’optimisation
Plus largement, l’hybridation avec une source électrique permet de réajuster la gestion de la puissance à bord, d’où des optimisations en termes de rendement et de consommation, tout en maintenant un niveau de sécurité optimal.
La maîtrise de ces concepts d’hybridation va également être un atout précieux pour Safran helicopter engines lorsqu’il s’agira de répondre aux nouveaux besoins en matière de transport aérien urbain et régional avec des aéronefs de type VTOL (Vertical Take-Off and Landing, ou à décollage et atterrissage verticaux). Dans ce marché en pleine ébullition, des start-ups épaulées par les géants de Silicon Valley, comme Uber ou Google, mettent aux défis les industriels de l’aéronautique avec des concepts de « flying cars » ayant dépassé le stade de la fiction. En réponse, Airbus, Bell, la Nasa ou bien encore la Darpa, planchent eux aussi sur ces concepts d’aéronefs de 2 à 4 passagers permettant de se déplacer en ville en s’affranchissant des contraintes du trafic routier.
Si une propulsion entièrement électrique est la cible des promoteurs tel qu’Uber, nous pensons de notre côté qu’un système hybride thermoélectrique ou à minima avec une pile à combustible sera nécessaire. Le temps d’autonomie et la masse embarquée étant les éléments dimensionnants.
Des concepts d’aéronefs plus gros, à voilure fixe appelés STOL (Short Take-Off and Landing) ou convertible, sont également en vue. Ils devraient avoir une capacité plus importante (une dizaine de passagers, voire plus) et pourront réaliser des vols plus longs, d’au moins une heure pour du transport régional ou intercité. Compte tenu des besoins en autonomie et puissance, c’est le concept de l’hybridation qui tient la corde, et plus particulièrement celui de la propulsion distribuée.
La turbine à gaz resterait la pièce maîtresse d’une architecture de propulsion où elle ne servirait plus à créer de la puissance mécanique, mais à faire fonctionner une génératrice produisant de l’électricité qui alimenterait plusieurs moteurs électriques entraînant chacun des rotors.
Futuristes et séduisants ces concepts de VTOL aiguisent l’appétit de nouveaux entrants. Pour autant, l’aspect innovant de ces projets devra être mis en balance avec les questions de sécurité des vols, de certification, d’insertion dans le trafic aérien et d’infrastructures. Des questions auxquelles des industriels comme Safran, déjà implantés sur le marché de l’hélicoptère, sont le plus aptes à répondre. En qualité de Directeur des programmes, il est justement de ma responsabilité d’évaluer les risques nouveaux liés à l’intégration de ces nouvelles technologies. Une responsabilité qui prend tout son sens, lorsque j’ai l’occasion d’assister à un premier vol, comme récemment où je me suis rendu en Chine pour le vol inaugural de l’AC 352. Des moments où la confiance que nous accordons à la technologie prend tout son sens. Plus généralement nous sommes convaincus que la turbine à gaz restera la pierre angulaire de la propulsion de ces futurs engins, pour encore très longtemps et pour la très grande majorité des missions.


Cyrille Poetsch, ICA, Directeur des programmes de Safran helicopter engines

 Après avoir exercé différentes fonctions à la DGA, Cyrille Poetsch a rejoint Safran helicopter engines en 2002, comme Directeur général adjoint de la CGTM (filiale du motoriste spécialisée dans les essais en vol). Nommé responsable du Centre de compétences systèmes de régulation en juillet 2007, il devient Directeur des programmes en 2009.

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