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02 mai 2025

LA VALEUR DE L'IMMATÉRIEL

Dans le benedicite d’autrefois, on s’efforçait de penser avec bienveillance à toute la chaîne de personnes qui avait permis à des plats de se retrouver sur la table familiale, depuis le paysan jusqu’au boulanger, en passant par le fabricant de cuisinières, l’orfèvre et le céramiste.
Dans l’essai « I, pencil », en français « Moi, le crayon », Leonard Read montrait en 1958 comment un simple crayon de papier résulte de la division du travail entre des milliers de personnes différentes qui, prises isolément, n’auraient jamais pu fabriquer un objet aussi abouti : “En fait, des millions d’êtres humains ont participé à ma création (dit le crayon), mais aucun d’entre eux n’en connaît plus que quelques autres”. Le bûcheron, ses fournisseurs alimentaires, le fabricant de tronçonneuses, l’extracteur de minerai de fer font partie de l’arbre des fournisseurs, et il en est de même pour les fournisseurs et fabricants de la mine en graphite, de la gomme, de la virole et de la peinture. Il est rafraichissant de l’entendre de nouveau ici.

L’exemple du crayon de Read a été repris par Milton Friedman, promoteur d’une pensée libérale, celle de la main invisible du marché, qui grâce à une « collaboration spontanée et volontaire », conduit à une performance supérieure aux autres formes d’organisations économiques.
Le pur libéralisme a cependant montré ses limites avec la prise de conscience qu’une croissance de 3% ne peut être éternelle dans un monde aux ressources finies et aux équilibres fragiles.
Et pour ce qui concerne les domaines régaliens, une autre main que celle du marché doit agir, pour conduire et faire développer les grands programmes.
C’est pourtant l’exercice que nous voudrions poser aujourd’hui, considérer l’ensemble des contributeurs économiques intervenant dans nos grands systèmes.
En effet, les multiples projets qui contribuent à notre défense mobilisent eux aussi des milliers d’acteurs parmi lesquels personne ne peut prétendre tout maîtriser.
Au premier, rang, nous trouvons les grands industriels, systémiers, avionneurs, équipementiers de premier rang, qui sont souvent des champions internationaux. D’autres sont les garants d’une technologie ou d’un savoir-faire critiques, d’autres encore interviennent sur des domaines moins pointus mais se plient à des exigences de qualité élevées ; une grande partie disparaît dans les profondeurs de l’arbre des fournisseurs.
Et pourtant, nombre d’entre eux sont les garants de notre souveraineté. Une défaillance de leur part pourrait entraîner une vulnérabilité de nos grands équipements. C’est même un domaine où la guerre économique se dévoile parfois.
Heureusement, des acteurs veillent ! la fameuse base industrielle et technologique de défense est au cœur de l’activité de la DGA. Peut-être avez vous connu le SIAr en son temps, ou le S2IE, désormais la Direction de l’Industrie de Défense dont notre rédac’chef délégué, Nicolas Grangier, fait partie.
Bien d’autres acteurs s’y intéressent : le ministère de l’Économie et des finances, celui du commerce extérieur, les syndicats professionnels, les collectivités locales, les grands ensembliers, qui ont une responsabilité particulière vis-à-vis de leurs sous-traitants.
Le socle de la BITD reste le mécanisme économique, en général vertueux, qui s’exprime dans des contrats si possible de long terme, dans des investissements, dans des salaires et des remontées de dividendes, nourris par une stratégie de chaque acteur visant à optimiser sa prestation.
J’aurais envie d’y rajouter des éléments moins quantitatifs : Ce qui fait la valeur d’une entreprise, c’est aussi le portefeuille de clients et le portefeuille de fournisseurs, les brevets et savoir-faire internes, la réputation, la marque, la culture et les habitudes de travail, les systèmes d’information et d’organisation.
Car comme le disait Albert Einstein, « ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément ».

Auteur

Rédacteur en chef du magazine des ingénieurs de l'Armement.
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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