LE PARCOURS DE VALIDATION JUSQU’À LA MSO : UNE AVENTURE HUMAINE
L’EXPÉRIENCE DU FACTEUR HUMAIN DANS LA COORDINATION DES ESSAIS ET EXPÉRIMENTATIONS
La complexité croissante des programmes d’armement demande une maitrise d’ouvrage solide, rendant indispensable la mise en convergence des diverses compétences vers un but commun : la mise en service opérationnel (MSO) du bon équipement au bon moment. Le parcours de validation, constitué des essais et des expérimentations pouvant être très consommateurs de ressources et délais, concentre les enjeux du « travailler ensemble ». Mais cette injonction nécessite de croiser les cultures et un fort besoin de dialogue. Le facteur humain y est donc central. À la croisée des objectifs de la DGA et des armées, le SEEAD accompagne les équipes de programmes et des centres dans cette démarche. Comment prend-t-il en compte le facteur humain pour contribuer à l’optimisation des essais et expérimentations ? Comment atteindre cet objectif sans bénéficier d’une position hiérarchique vis-à-vis des acteurs ?
Dans le déroulé d’un programme d’armement, les opérations de vérification nécessitent de concilier la satisfaction des exigences de performances techniques, de sécurité et opérationnelles, avec l’optimisation de l’utilisation du matériel et des ressources en général. L’instruction ministérielle sur le déroulement des opérations d’armement 1618 instaure depuis 2019 la notion de continuum de validation, qui requiert une collaboration accrue entre la DGA et les Forces dès les phases amont d’un programme. Au-delà du défi technique que cela représente, imposant souvent la mutualisation de moyens, travailler ensemble est une aventure avant tout humaine : l’enjeu est de mettre en commun des compétences diverses, différentes méthodes et cultures, pour l’atteinte d’objectifs eux aussi variés bien que complémentaires. Pour relever ces défis, la prise en compte du facteur humain est déterminante, au travers de « soft skills » tout aussi importantes que les compétences techniques. Cela passe notamment par un dialogue constant, une prise de connaissance mutuelle, la recherche de compromis en faveur de l’intérêt général, pour la mise en place d’une organisation robuste où chacun apporte sa pierre à l’édifice.
Trait d’union entre la DGA et les armées, le SEEAD veille à la sécurité tant technique que programmatique des activités d’essais et d’expérimentation des programmes d’armement du domaine aéronautique. Dirigé alternativement par un officier de la DGA ou de l’AAE, il est composé de 7 experts du domaine des essais, des expérimentations, ou du capacitaire, issus de la DGA et des 3 armées ayant pour mission le soutien méthodologique, l’optimisation et la coordination au profit des équipes intégrées et des centres experts.
L’expert du SEEAD et l’équipe France
Petite équipe éclectique, le SEEAD est déjà, à son échelle, un laboratoire du travailler ensemble en interarmées. Entre un ingénieur spécialiste des rouages propres au milieu des essais en vol et un officier rompu aux raids aériens au cours de missions de guerre, le « choc des cultures » constitue rapidement un atout majeur par la complémentarité des points de vue permettant d’appréhender les problématiques de validation sous différents angles et dans leur globalité.
Fin de vol. Une symbiose entre toutes les compétences pour le succès de la campagne.
Lorsqu’il apporte son soutien aux équipes, l’expert s’appuie sur cette expérience et l’enrichit. Le rôle est subtil, l’essentiel de la production ne se traduit pas dans du « papier timbré », mais dans la bonne collaboration entre les équipes et l’identification de synergies. Dans l’analyse collégiale des caractéristiques d’une campagne par exemple, il tire parti de ses propres expériences et connaissances ainsi que celles d’autres experts du service pour prendre du recul et discerner les points de vigilances et fragilités potentielles. Il est en ce sens pleinement intégré aux équipes et ce partage d’expérience assure une transmission, tout en entretenant le dialogue.
La cohésion de l’équipe « France » passe par un travail continu de chacun sur le savoir-être, que l’expert SEEAD s’emploie à soutenir en ayant toujours en tête le facteur humain et les pièges qu’il peut parfois générer. En mettant de côté les différends au profit de l’intérêt général supérieur de la capacité opérationnelle, l’équipe sera forte d’une position harmonisée unique.
Au final, tout au long des phases d’une campagne, l’aventure humaine se vit en parallèle de la performance technique.
Conseiller sans ordonner, « le coach »
En pratique, une symbiose s’est produite au sein de l’équipe pour fédérer toutes les compétences au service de la campagne. Mais comment cela s’est-il produit ?
Le SEEAD n’a pas de positionnement hiérarchique vis-à-vis des organismes et équipes avec lesquels il travaille, sa mission réside principalement dans le conseil. Pour dispenser des conseils judicieux, il doit être polyvalent et réactif, encourager le dialogue et l’audace. Si une nouvelle méthode est proposée, une ouverture d’esprit est nécessaire pour étudier la possibilité de la mettre en œuvre. Il doit savoir proposer des solutions en gardant un esprit pragmatique : faire au plus simple tout en maitrisant les risques.
Exemple d’une campagne :
La qualification du Reaper dans une nouvelle version logicielle a vu la réalisation, à l’été 2023, d’essais au départ de la base aérienne de Cognac, nécessitant de concilier une difficile équation entre maitrise des risques et impératifs opérationnels. Un dialogue resserré à tous les niveaux, depuis les équipes de terrain de DGA Essais en vol et de l’Armée de l’Air et de l’Espace aux équipes programmes DGA, EMAAE et l’Autorité Technique de navigabilité a abouti à la réussite de cette campagne impliquant de multiples acteurs, dont certains étaient peu familiers des essais en vol, notamment le CNOA contribuant à la sécurisation du dispositif en cas de perte de contrôle de l’appareil.
Le travail du SEEAD, basé sur une solide capitalisation méthodologique, leur a permis de partager et d’harmoniser leurs procédures, de s’accorder sur les objectifs à atteindre, d’identifier pertinemment les risques encourus et de mettre en place, ensemble, les mesures d’atténuation. La connaissance à la fois du monde opérationnel et des essais par certains participants dont le SEEAD a créé une passerelle entre les deux cultures et a favorisé le partage de l’analyse de la situation.
L’expert du SEEAD ne pouvant pas imposer, il doit convaincre. Sa légitimité s’appuie en premier lieu sur la capitalisation, permise par son positionnement au cœur des essais et expérimentations. Bonnes pratiques, pièges à éviter, constitution de guides, cette capitalisation est un cercle vertueux amorcé dès la création du service et basé sur l’expérience et le réseau des experts du service, garants de leur crédibilité.
Le deuxième axe pour convaincre, c’est la dimension humaine de la fonction.
Le rôle de l’expert est celui d’un « coach » qui tire parti des qualités et compétences de tous au service de la sécurité et de l’efficacité. Par l’écoute et la diplomatie, il s’attache à instaurer un climat de confiance afin de ne pas être perçu comme un contrôleur mais bien comme le soutien, la personne de confiance qui sait conseiller avec justesse et bienveillance. Il est ainsi accepté comme membre à part entière de l’équipe de campagne.
Coachs techniques, coachs humains, les experts du SEEAD communiquent avec tous et sont au cœur du dialogue au sein et entre les équipes, tant à la DGA que dans les armées. Et ça, c’est une aventure humaine !
Centralienne (ECP 94), elle débute sa carrière dans les essais en vol (M2000, moyens et méthodes d’essais). Après un passage au service de la qualité et à l’international, elle revient à DGA Essais en Vol (homologation ATO de l’EPNER). En 2019, son parcours la conduit au poste d’expert au Service des Essais et Expérimentations Aéronautiques de la Défense (SEEAD).
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.