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22 mars 2024

GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Caroline Krykwinski, Sciences Po Rennes et ENA est devenue directrice des ressources humaines de la DGA en mars 2023. Elle a eu un parcours orienté ressources humaines au ministère de l’économie et des finances et à la Caisse des Dépôts. Elle a été directrice adjointe au Conseil Général de la Manche, est passée par la cour des comptes ainsi qu’au cabinet d’Olivier Dussopt.


La CAIA : Après 10 mois, quels sont les principaux constats de la Directrice des Ressources Humaines de la DGA ?

Caroline Krykwinski : Ces constats sont très positifs : la DGA est une direction d’une richesse exceptionnelle du point de vue ressources humaines. Du fait de la pluralité des statuts, nous disposons d’un large vivier de compétences et c’est une force au quotidien pour l’exercice de nos missions. En décembre dernier, nous étions 10 650 collaborateurs, dont 8 900 ingénieurs, techniciens et ouvriers d’État. Ces femmes et ces hommes sont aujourd’hui mobilisés sur tous les fronts dissuasion nucléaire, renseignement, cyber, terrestre, aéronautique, spatial, fonds marins, intelligence artificielle…. Ils le font avec beaucoup de passion, d’engagement et de dévouement. C’est impressionnant et très stimulant !
La DGA est aussi une direction en transformation. D’ici à 2030, nous aurons fait croître nos effectifs de plus de 15 % par rapport à 2018. En 2023, nous avons même réussi à dépasser nos cibles de recrutement avec l’arrivée de 1 100 nouveaux collaborateurs. Cette dynamique de croissance soulève des enjeux nouveaux d’attractivité et de fidélisation. Avec le projet Impulsion, nous avons engagé un choc de simplification et une profonde refonte de nos politiques RH. Mieux reconnaitre et valoriser les parcours professionnels, les compétences et l’engagement des collaborateurs sont au cœur de nos priorités. Cela fait beaucoup de chantiers pour un début de mandat mais j’ai la chance d’avoir la confiance du Délégué général pour l’armement et le soutien d’une équipe formidable !
que les savoir-faire se transmettent entre les générations. Mais un programme d’armement réussi, c’est aussi le fruit et le signe d’un dialogue qui a bien fonctionné avec les forces armées et l’industrie de défense. Nos ingénieurs de l’armement savent travailler en interface avec une pluralité d’acteurs et trouver les voies de passage pour réconcilier des objectifs ou des attentes parfois contradictoires. Intelligence des situations et sens des relations humaines font partie de leur ADN. C’est aussi cet état d’esprit collectif qui fait la différence, et la performance de la DGA.

La CAIA : La DGA, premier investisseur de l’État, s’est depuis l’origine appuyée sur des corps d’ingénieurs militaires dont la compétence se construisait sur le long terme. En quoi la performance des dernières décennies est-elle reliée à ce « facteur humain » ?

CK : Le facteur humain est clé dans la réussite de toutes nos missions. Livrer aux Forces les systèmes d’arme dont elles ont besoin, cela signifie être en capacité d’anticiper les ruptures technologiques, de concevoir les matériels et équipements adéquats, de les acheter, d’en suivre la production, de les tester, d’en contrôler la qualité mais aussi de veiller à leur évolution et à leur maintien en condition opérationnelle pendant plusieurs dizaines d’années. Cela fait appel à des compétences qui s’acquièrent ou se renforcent dans la durée et à une connaissance fine de notre tissu industriel et des besoins des utilisateurs finaux. D’où la logique de parcours professionnels, historiquement développée pour nos ingénieurs de l’armement et qui leur permet d’exercer différents métiers à la DGA, au ministère des armées ou en dehors. D’où l’attention également portée au collectif de travail, au tutorat et à l’apprentissage pour

La CAIA : Comment ces challenges s’expriment-ils aujourd’hui, à la fois dans la transformation en cours et dans le contexte d’une « économie de guerre » ?

CK : Face au retour de la guerre en Europe, à l’accélération des crises et au développement de nouvelles menaces au plan national et international, nous devons être encore plus réactifs et encore plus innovants. C’est le sens du projet Impulsion, engagé par le Délégué général pour l’armement et le directeur général adjoint, qui vise à fédérer les équipes autour de la responsabilité de la maîtrise d’œuvre étatique du système d’armement et de défense et de missions renouvelées dans le domaine notamment de l’anticipation stratégique, du soutien de la BITD ou encore de la coopération européenne et internationale. Ce projet comporte une manœuvre RH importante, avec la modification du portefeuille de près de 300 emplois. Au-delà, il s’agit d’un levier de transformation managériale pour renforcer la subsidiarité et promouvoir une culture de l’audace et du risque, à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique. Ces changements sont essentiels pour accompagner le développement d’une « économie de guerre ».

D’ores et déjà, nous pouvons être fiers d’avoir simplifié les processus d’achat et contribué à raccourcir les délais de livraison pour les matériels fournis en soutien à l’Ukraine. Sur le plan RH, nous expérimentons depuis octobre dernier la mise en place d’une réserve industrielle de défense. Il s’agit de mettre à la disposition des industriels étatiques et de la BITD des viviers de compétences techniques, sous statut militaire, pour avoir des solutions de renfort, en cas de crise ou de guerre. D’ici à 2030, ce sont près de 3 000 personnes, essentiellement techniciens et ouvriers qualifiés du secteur privé, qui vont s’engager dans cette réserve industrielle, avec l’appui de la Garde nationale et des DRH d’armées.

La CAIA : Comment faire en sorte de disposer sur le long terme de personnels compétents, motivés et engagés ?

CK : Il n’y a pas de recette miracle, mais c’est le bon moment de renouveler le « contrat de confiance » entre collaborateurs, managers et direction, car les attentes ont évolué depuis la crise Covid, et nos missions et les conditions d’exercice des fonctions, aussi. Les chantiers statutaires en cours pour nos ingénieurs, quel que soit leur statut, vont nous permettre de faire plus en matière de reconnaissance et de valorisation de leurs talents. Cela passe par une politique salariale rénovée, plus transparente mais aussi plus différenciante. Nous souhaitons aussi transformer notre appareil de formation avec l’appui de nos écoles sous tutelle et généraliser les parcours croisés avec d’autres employeurs, y compris au niveau local, en réponse aux attentes des collaborateurs et managers. La nouvelle organisation de la DRH, avec la création d’une sous-direction dédiée à l’attractivité et à la fidélisation et d’une sous-direction dédiée aux écoles, à la formation et au développement professionnel, va y contribuer. Parallèlement, toute l’attention doit être portée au management et à l’accompagnement de proximité ainsi qu’au bon fonctionnement des collectifs de travail. La DGA a toujours eu une « culture maison » et les personnels y sont très attachés. D’autre part, nous sommes en avance par rapport à d’autres employeurs sur tout ce qui a trait aux nouveaux modes de travail. En 2024, nous travaillerons à la formalisation de nouveaux engagements en matière d’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail pour continuer à progresser. C’est en mobilisant l’ensemble de ces leviers notamment que nous continuerons à fidéliser nos personnels.

La CAIA : Quelle peut être la place des ingénieurs de l’armement dans l’adaptation de notre outil de défense pour demain ?

CK : En tant que corps de direction, leur place dans l’adaptation de notre outil de défense est essentielle sinon déterminante ! Nous avons besoin d’une autorité et d’une compétence techniques fortes au sein de l’État et, comme évoqué précédemment, la valeur ajoutée de l’expertise des ingénieurs de l’armement tout comme leur capacité à diriger des équipes et des programmes de haut niveau se construit dans la durée. Inversement, le corps des ingénieurs de l’armement doit aussi s’ouvrir à de nouveaux profils et pouvoir servir d’autres écosystèmes ou projets complexes ou de grande envergure pour lesquels leurs compétences sont reconnues et recherchées au sein de l’État : c’est tout l’enjeu de la réforme des grands corps techniques de l’État, portée au niveau interministériel par la DIESE, et à l’application de laquelle nous travaillons étroitement avec le CGARM et la DRH-MD.

Le corps de l’armement élargit son recrutement

Un nouveau parcours Talents d’accès aux grands corps de l’État ouvrira à la rentrée 2024 dans 6 écoles d’ingénieurs d’excellence, dont l’ENSTA Paris et l’ISAE-SUPAéro pour l’armement. Ce parcours offre une préparation spécifique aux concours d’accès aux grands corps techniques d’ingénieurs, pour des étudiants boursiers en dernière année d’une école des réseaux INSA, IMT, ISAE, RESDD.
Les participants bénéficieront d’un enseignement scientifique et technique de haut niveau, d’un accompagnement dans la compréhension des corps et de l’administration, ainsi que d’une préparation aux concours qu’ils s’engagent à présenter, notamment via un tutorat assuré par des membres des corps visés. Ils auront également accès à des bourses et un soutien pour le logement. En réussissant les examens, ils obtiendront le diplôme d’ingénieur de leur école d’origine ainsi que celui de l’école d’accueil.

Auteurs

Caroline Krykwinski
Rédacteur en chef du magazine des ingénieurs de l'Armement.
Coach professionnel certifié et accrédité "master practitioner" par l'EMCC.
Fondateur de Blue Work Partners SAS qui propose :<br>
- Formation au leadership
- Coaching de dirigeants
- Accompagnement d'équipes projets
X84, ENSTA, coach certifié IFOD,
Auteur du guide de survie du chef de projet (Dunod 2017).
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