

LES ACTUALITÉS DE L’ARMEMENT
Alors que dans les précédents numéros un inventaire des commandes et livraisons permettant de rendre compte de l’activité était présenté, le présent article se propose d’aborder cinq faits récents dont les impacts semblent majeurs dans le domaine de l’armement en France.
Ariane VI
En tout premier, le premier tir commercial de la fusée Ariane VI le 6 mars 2025 avec à son bord le troisième satellite de la composante spatiale optique (CSO). Ce satellite permet de disposer d’une capacité d’observation optique (visible et infrarouge) complète au service non seulement des forces françaises mais également au service de nos partenaires européens dans un cadre de partage de données structuré. Ainsi, la France fournit des images issues des trois satellites CSO, l’Allemagne et l’Italie, entre autres, fournissent en retour des données dans le domaine radar. Les capacités d’observation spatiales européennes se renforcent. Le succès du tir d’Ariane VI pour sa part concrétise le retour vers un accès autonome à l’espace pour l’Europe ; un pas de plus vers plus de souveraineté à l’échelle européenne.
L'Europe
En deuxième lieu, comme je l’avais souligné dans le précédent numéro, il me semble nécessaire de rappeler que la Commission européenne se veut être de plus en plus présente dans le secteur de l’armement. Pour ce faire, elle a annoncé des montants d’investissement colossaux qui, dans les faits, agrègent aussi bien des investissements nationaux déjà planifiés que des potentialités d’emprunts complémentaires. Quelles règles seront appliquées en particulier pour ce qui concerne la part des acquisitions de produits européens ? Un sujet potentiel de friction avec d’une part notre partenaire américain qui considère que le renforcement de la Défense européenne doit pleinement profiter à son industrie, mais également avec nos partenaires européens qui disposent d’installations de production de matériels d’origine extra-européenne. Chaque pays européen reste souverain dans ses investissements à venir, mais ne revient-il pas à l’Europe de tenter d’édicter des règles, en particulier dans la période que nous vivons ? Le rôle dans ce jeu du Parlement européen est à suivre avec les diverses commissions parlementaires en charge, dont certaines présidées par des députés français…
Financer la BITD
En troisième lieu, comment ne pas revenir sur le financement de la BITD. Depuis plus de quatre ans, la presse se fait régulièrement l’écho des difficultés de financement de la BITD. Une avancée importante semble avoir été faite avec l’annonce le 20 mars de la création à venir d’un vecteur financier de financement en capital des sociétés de la BITD et ce avec l’épargne volontaire des Français. Cette annonce permet d’une part de constater que le manque de financement ne provenait pas exclusivement du secteur bancaire. En effet, il ressort des commentaires publiés suite à cette annonce que les sociétés de la BITD sont souvent pour leur part trop endettées avec un manque apparent d’accès à du capital afin de renforcer leurs fonds propres. Deux questions se posent alors : quelle gouvernance faut-il mettre en place pour ces investissements dans la BITD en garantissant à sa pertinence ? et quelle rentabilité pour les petits porteurs associée ?
La réponse à la première question reste à consolider entre chaque société et le porteur du capital qui assurera le financement. Les actionnaires sont souvent peu enclins à partager la gouvernance ce qui sera inéluctable en cas d’apport de capital. La réponse à la seconde relève à la fois de la DGA et de l’organisme porteur de l’apport en capital, la première devant assurer au-delà du ruissellement des commandes, le ruissellement des marges et le deuxième une juste rétribution de l’actionnaire au regard des risques pris.
Commissariat au Numérique de Défense
En quatrième lieu, la création à venir du Commissariat au Numérique de Défense (CND) au sein du ministère des Armées aura inéluctablement des impacts sur les modalités de conduite des programmes d’armement. Le CND doit regrouper dans une entité unique aussi bien l’exploitation (le ‘run’ dans le langage numérique) que la conception (le ‘built’ dans ce même langage) des outils numériques du ministère. Dans certains domaines comme les systèmes d’informations à usage général, la frontière avec les programmes d’armement paraît facile à établir, ce qui n’est pas forcément le cas quand on parle de systèmes numériques pleinement intégrés à la conduite de la plate-forme ou à la fusion des données des capteurs. Un beau sujet de transformation qui doit permettre de gagner en efficience sans affaiblir la conduite dans le temps aussi bien les grands programmes d’armement que les maîtres d’œuvre industriels.
Création du Commissariat au numérique de défense
La création du commissariat au numérique de défense (CND), décidée à la fin de l’année 2024, a pour objectif de réorganiser le paysage numérique au sein du ministère des Armées. Ce commissariat, dont la mise en service est prévue pour septembre 2025, résulte de la fusion de quatre agences existantes : la Direction générale du Numérique et des Systèmes d’information et de communication (DGNUM), l’Agence du numérique de défense (AND), la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI), et, dans un second temps, l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense (AMIAD). Il rassemblera 10 000 personnes. Le CND a pour principal objectif d’améliorer l’efficacité et la réactivité des opérations numériques militaires en consolidant les efforts et en éliminant les doublons accumulés au fil du temps. Cette réorganisation est également vue comme une réponse à la complexité croissante des enjeux numériques, permettant ainsi une meilleure coordination et une plus grande agilité dans la gestion des projets numériques au sein des forces armées.
Montée en cadence
Enfin, il convient de souligner les montées en cadence et des réductions de cycle de production que ce soit à titre d’exemple et sans exhaustivité, chez KNDS pour ce qui concerne le CAESAR et les munitions, chez MBDA pour les missiles Aster et Mistral entre autres, chez Thales autour de la famille des radars Ground Master et au sein du groupement Rafale (MBDA, Dassault, Safran et Thales) avec une capacité de production d’aéronefs plus que triplée. Cette situation est le fruit de la mobilisation de tous les acteurs de l‘armement, qu’ils se situent dans la chaîne industrielle en partant des grands donneurs d’ordre et en allant jusqu’aux très nombreuses PME impliquées ou dans le secteur étatique au travers, entre autres, de concrétisation des prises de commandes y compris au nom et pour le compte d’autres nations. Cette situation montre également la compétitivité de l’offre made in France
Le CAESAE en situation de tir. Une portée de 40 km
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