La guerre en Ukraine confirme que l’artillerie reste une capacité opérationnelle majeure, que les frappes surfaciques épuisent rapidement les stocks de munitions, qu’une portée accrue est recherchée et que le brouillage/leurrage du GPS et des communications est permanent. Conjuguer précision et portée accrue nécessite de corriger les trajectoires des projectiles. Ces derniers doivent donc bénéficier d’une unité de navigation sans recours au GPS et bas coût pour contenir le prix des munitions.

C’est l’objectif des travaux de rupture de l’ISL sur la navigation magnéto-inertielle : la comparaison et l’ajustement en temps réel à bord du projectile, par un petit calculateur, de sa trajectoire mesurée par des capteurs de performances médiocres car bas coût, avec celle issue d’un modèle de dynamique de vol permet d’obtenir une unité de navigation de hautes performances à coût réduit.

Ces travaux ont été récompensés par le 50e Prix Ingénieur général Chanson, remis par le président du GICAT à Sébastien Changey, Emmanuel Pecheur, Ronan Adam et Nabil Jardak, une équipe de trois chercheurs et d’un ingénieur de l’ISL, à l’occasion du Forum Innovation Défense (FID) 2023. Cette innovation, déjà démontrée lors de tirs réels, est en passe de faire l’objet d’un développement avec un grand industriel français de la navigation. Il y aura alors une alternative européenne aux solutions existantes, onéreuses et susceptibles d’être difficiles à approvisionner en raison des règles américaines ITAR.

L’ISL poursuit aussi d’autres pistes d’innovations bas coûts pour une navigation insensible au brouillage GNSS (GPS, Galileo…) : par exemple l’utilisation de capteurs sensibles à la polarisation de la lumière, le développement de nouvelles méthodes de filtrage basées sur l’IA ou encore d’autres techniques plus proches de la radionavigation, en détournant l’utilisation de signaux satellites conçus à l’origine pour les télécommunications.

La guerre en Ukraine consacre également l’emploi massif de munitions téléopérées (MTO) à base de drones. Depuis quelques années déjà, l’ISL adapte ses solutions aux MTO. Par exemple, le projet TAP (Top Attack Projectile), sélectionné par l’Agence d’Innovation de Défense pour le FID 2023, s’appuie sur des lois de guidage innovantes ISL pour imprimer à un drone rapide une trajectoire garantissant une attaque extrêmement précise, verticale, voire par l’arrière : les chars ennemis sont ainsi impactés sur leur point faible.

Ces lois de guidage, moins accessibles qu’il y paraît au vu de l’engouement industriel qu’elles suscitent, ont été validées expérimentalement (voir photo). Elles sont adaptables sur différents drones ou munitions rôdeuses déjà existants. Mais aussi sur de nouvelles munitions conçues et développées complètement à l’ISL avec/pour des partenaires industriels. L’ISL travaille déjà sur l’intégration de ces méthodes de guidage avec des autodirecteurs bas coût basés image, qu’il développe, dans le visible et dans l’infra-rouge, avec des algorithmes d’IA.

L’ISL conçoit simultanément des solutions offensives et défensives, qui se renforcent mutuellement. Ainsi, pour anticiper les attaques des forces amies par des MTO, l’ISL s’intéresse à la lutte anti-drone. Par exemple avec de la détection de drones et d’essaims de drones à l’aide de caméras événementielles : cette technologie de rupture bio inspirée, bas coût, frugale en énergie, permet une détection incroyablement rapide et ne génère que les données utiles à la détection. Elle ouvre la voie à une analyse automatique de situation économe en moyens.