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Promo des IA 2013 sur le pont d’envol – l’auteur 2e en partant de la gauche
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01 octobre 2016

LA MISSION JEANNE D’ARC DES INGÉNIEURS DE L’ARMEMENT

Dix-huit jeunes ingénieurs de l’armement, X2011 et admis sur titres 2015, ont embarqué cet été pour quatre semaines de navigation, entre Djibouti et Toulon.


Le 27 juin 2016, à 20 heures, dix-huit jeunes IA décollent de Roissy dans un A340 estampillé « République Française ». Ils rejoignent à Djibouti la mission Jeanne d’Arc, qui conclut la scolarité des futurs officiers de la Marine Nationale par cinq mois de navigation « en promotion, loin, longtemps, en équipage et en opérations ». Pensée pour les « bordaches » et les commissaires d’ancrage Marine, la mission accueille aussi d’autres publics : administrateurs des affaires maritimes, médecins militaires, saint-cyriens, MBA de l’EDHEC et… IA, pour les quatre dernières semaines de l’embarquement.

La mission Jeanne d’Arc n’embarque plus sur le porte-hélicoptère éponyme, retiré du service en 2010 après une longue carrière qui rappellera des souvenirs à certains lecteurs, mais sur un Bâtiment de Projection et de Commandement et une Frégate Légère Furtive. Cette année, il s’agissait du Tonnerre et du Guépratte. La zone d’état-major du BPC, transformée pour l’occasion en zone école, offrait presque le même confort que les salles de cours de nos écoles d’ingénieurs. Seuls l’absence de fenêtres et un léger roulis trahissaient la spécificité de cette école embarquée.

Les journées à bord du BPC étaient rythmées par des cours – formation humaine et formation maritime - et entrecoupées de quelques exercices, visites et activités diverses.

La formation humaine était assurée par Jérôme de Dinechin, rédacteur en chef de notre magazine, dans la continuité des séminaires « jeune manager » dispensés en début d’année. Nous avons travaillé notre finesse de perception, notre rapport aux émotions, notre sensibilité aux personnes. Cette formation, qui nous a souvent bousculés, nous aura permis de nous exprimer et de nous écouter sous des modalités nouvelles, et donc de mieux nous connaître au sein de la promotion. Les cours donnés par les cadres de l’école navale et de l’équipage, eux, avaient pour but de nous présenter, en situation, divers aspects de la Marine. Cela allait d’une présentation du Service de Soutien de la Flotte à une rencontre avec le chien de recherche d’explosifs du bord. Les cadres de l’école et de l’équipage nous ont très bien reçus. Ils nous ont fait profiter de leur expérience avec une grande patience. Cela convenait parfaitement au public peu commun que nous étions : curieux et volontaires certes, mais peu spécialistes de la mer et de la Marine.

Nous avons aussi participé à une simulation de lutte anti-incendie, à un exercice de contrôle d’un navire fictif suspecté de transport de stupéfiants et à des séances de tir très matinales. L’atmosphère de ces séances était incomparable, le soleil levant commençant à peine à réchauffer de ses premiers rayons l’air salin encore frais qui nous entourait. Seul le sport sur le pont d’envol, lorsqu’aucune manœuvre d’aviation n’avait cours, nous donnait ce même sentiment de liberté infinie. En soirée, lorsque nous n’avions pas de conférence, nous mettions tout notre enthousiasme à défendre les couleurs de l’armement dans le tournoi de débat du bord.

Mais la mission Jeanne d’Arc, c’est aussi ses escales. Nous avons passé trois jours à Djibouti au début de la mission, puis trois jours en Israël, après avoir passé le canal de Suez. A Djibouti, les journées furent marquées par une chaleur écrasante et ponctuées de très salutaires baignades sur la plage du Héron. Après y avoir vu crabes, raies et autres bestioles autochtones peu avenantes, nous avons fini par croiser un bel échassier à plumes noires et au bec orangé : peut-être le maître des lieux qui avait donné son nom à la plage. Certains ayant savamment préparé cette escale nous avons profité des meilleures adresses pour manger d’excellents plats de poisson locaux. L’ambiance chaude, épicée et colorée du centre-ville contrastait significativement avec la sobriété aseptisée du BPC.

En Israël, la première matinée d’escale fut consacrée à la visite du Technion, l’université technique de Haïfa, en pointe dans de nombreux domaines identifiés comme critiques pour le jeune état : ingénierie agronome, armement, etc. (voir encadré). L’après-midi, nous reçûmes les délégations consulaires pour des conférences et un cocktail. La deuxième journée fut pour beaucoup d’entre nous l’occasion d’une visite à Jérusalem, la cité de la paix, aujourd’hui malheureusement la ville de toutes les tensions. La beauté symbolique et la richesse culturelle de cette cité trois fois sainte nous ont éblouis, malgré la rapidité de la visite. Le troisième jour, nous nous sommes répartis en plusieurs groupes, certains ayant choisi de visiter Saint Jean d’Acre, le port des croisés. Ce qui reste de la ville fortifiée témoigne de l’administration très étoffée qui dirigeait le royaume des croisés au Moyen-Âge et qui régulait les échanges entre l’Orient et l’Occident.

Enfin, l’activité qui restera peut-être la plus symbolique de toutes est peut-être le quart. Nous avons tous pris le temps de passer quelques heures en passerelle de navigation, en salle des machines ou au centre des opérations, le plus souvent la nuit ou en soirée. En quart, les heures s’écoulent, ponctuées d’événement divers, parfois importants, parfois croustillants, très souvent aussi anecdotiques ou insignifiants. Rien ne remplace l’expérience de ces heures passées à regarder dehors depuis la passerelle de navigation, à observer les côtes, les ferries, les bateaux de plaisance, et souvent rien d’autre que la mer. On se surprend à se poser des questions d’IA : qui contrôle ces vastes étendues ? La monotonie de la houle cache-t-elle des richesses sous-marines inexploitées, des enjeux de puissance invisibles ? Qu’y aura-t-il au même endroit dans vingt ans ? On a à l’esprit les mots-clefs des conférences de la veille : zone économique exclusive, influence, narcotrafic, piraterie… Et puis parfois, ce sont les sens qui reprennent le dessus. La vue se perd dans l’immensité de l’océan et devant la froideur des écrans de navigation on repense à Djibouti, aux robes colorées des femmes, à l’agitation du marché, à la saveur du poisson grillé, et à l’odeur des rues, sales et chaudes.

 

    
Augustin Girard, IA
 
 

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