
DES AILES ET DES RACINES
A l’heure des hausses des taxes douanières, la connaissance précise des chaînes de valeur et leur maitrise prennent une importance particulière, en particulier pour le secteur aéronautique.
L’utilisation du terme « chaîne de sous-traitance » à chaque fois qu’on parle du secteur aéronautique est très significative de notre connaissance limitée des acteurs. On préfère englober plutôt que détailler : il y a le maître d’œuvre global (facilement identifiable), et la chaîne de sous-traitance. Prenez le Rafale : tout le monde connaît son maître d’œuvre d’ensemble, Dassault Aviation. Qui saurait citer plus de 20 sous-traitants de Dassault, à part Safran, Thales et MBDA ?
Vous allez penser au fabricant du train, des pneus, mais au-delà de ces quelques évidences ? Il y a plus de 500 entreprises, de taille plus ou moins importante. Que de compétences, de savoir-faire à identifier et à pérenniser ! Ces entreprises sont bien souvent mises en avant à l’occasion de déplacements d’autorités : que de louanges sur des « pépites », leur agilité, leur capacité à innover… Mais pourquoi les connaît-on si peu ?
Avant de faire un focus sur les défis, les histoires et les compétences de ces entreprises, on commencera dans ce numéro par vous présenter les politiques globales du secteur, par ceux qui la font. La politique industrielle n’est pas l’apanage des États : Géraldine Naja précisera les enjeux vus de l’Agence spatiale européenne.
A tout secteur sa politique sectorielle étatique. Olivier Lecointe (DGA/DID) vous détaillera notamment comment la DGA assure la pérennité de ces savoir-faire et compétences, Franck Leclercq (DMAé) comment concilier verticalisation et intérêt pour la chaîne de sous-traitance. Le secteur étant éminemment dual, la DGE, en lien avec la DGAC, joue un rôle essentiel pour le soutien à la recherche et développement : Adrien Puech, qui y a travaillé, vous éclairera sur cette dimension.
Le secteur est dual, mais d’abord et avant tout civil. Il repose sur des chaînes de sous-traitance, la résistance de ladite chaîne est déterminée par la résistance de ses plus fragiles maillons. Les fédérations professionnelles, GIFAS en tête, mais également l’UIMM y jouent un rôle tourné vers la recherche de résilience du secteur tout entier : Clémentine Gallet vous expliquera comment le GIFAS accompagne la montée en maturité industrielle d’une chaîne de sous-traitance, Didier Katzenmayer développera l’implication de l’UIMM dans la conquête des talents (à tous niveaux, du CAP jusqu’au niveau ingénieur) via la mise en place, en lien avec les acteurs économiques régionaux, de formations adaptées.
De nombreux acteurs sont à la fois maîtres d’œuvre et sous-traitants : ils savent que jouer collectif est la seule manière d’avancer. L’entraide est une valeur militaire pour faire grandir le groupe. Dans une chaîne de sous-traitance, l’identification d’une fragilité est une condition de la résilience collective, car c’est ensemble que seront trouvées des solutions.
Ainsi, Thales est sous-traitant de Dassault pour le Rafale, et maître d’œuvre du système global du SCOOA. C’est le programme, les compétences ou savoir-faire détenus, qui vous donnent un rôle dans une chaîne de sous-traitance.
Ce positionnement particulier (dual !) est développé dans l’article de Christian Rognié du SIAé, mais vous le retrouverez également dans les témoignages de MBDA, CS Group, Sopra Steria, ArianeGroup, Thales mais aussi des entreprises plus petites, comme le groupe AECE (dirigé par notre camarade Cyrille Poetsch).
« Chaîne » de sous-traitance : cette terminologie englobe et donc anonymise toutes les compétences et savoir-faire nécessaires pour concevoir et développer l’ensemble des composants et technologies nécessaires pour faire un avion.
Toutes ces entreprises ont une histoire, riche d’enseignements. Je vous laisse découvrir en particulier l’entreprise Serapid, qui travaille sur des équipements essentiels bien que hors de l’aéronef, ceux de l’usine d’assemblage.
Comment parler d’aéronautique sans évoquer les technologies et les défis techniques du secteur, par quelques exemples ?
Les dirigeants d’Aura Aéro et Flying Whales vous dévoilent leur aventure et leurs défis.
Les PDG de Corso Magenta, Turgis et Gaillard vous présentent leurs entreprises, leurs innovations et les enjeux auxquels ils font face.
En cette année 2025 où l’échelon politique, au plus haut niveau, se mobilise sur la question du financement de la BITD, on ne pouvait pas ne pas développer ce sujet. Vous lirez le témoignage (et le retour d’expérience) d’acteurs privés du capital-développement qui se sont mobilisés dans l’investissement dans les entreprises de défense (Tikehau et Weinberg Capital Partners), et les acteurs publics (BpiFrance et la direction générale du Trésor).
Si les acteurs jouent collectif, les relations interentreprises restent d’abord commerciales. Plusieurs articles évoqueront la question des relations entretenues entre les sous-traitants, leurs donneurs d’ordre, et l’État. La logique de verticalisation des marchés publics depuis plus de 10 ans ne conduit-elle pas à une responsabilisation des maîtres d’œuvre de premier rang ? C’est plus compliqué que cela. Les maîtres d’œuvre et la DGA sont convenus, depuis plus de 10 ans, de mettre en place des relations plus équilibrées avec leurs sous-traitants (de rang 1). Je ne veux pas que vous en tiriez la conclusion que tout se passe merveilleusement bien à tout niveau de la chaîne de sous-traitance, mais je peux vous assurer que le ministère met tout son poids sur cette question, car la pérennité des compétences et savoir-faire nécessaires au développement, à la production et au soutien des programmes d’armement reste la pierre angulaire du fonctionnement de la DGA au bénéfice de nos armées. Lorsque la pérennisation d’une compétence ou d’une activité industrielle est en jeu, nous sommes concernés : au-delà des contrats, il nous faut trouver une solution. À défaut, tout l’édifice s’effondre. Donc non, toute la réalité économique du secteur aéronautique défense ne repose pas que sur les contrats.
Lors des réunions du comité de rédaction, tout le monde connaissait une PME qui travaillait pour la défense (ou pour le Rafale), et pour laquelle cette activité défense était complémentaire d’une toute autre activité, ou qui avait fait complètement autre chose par le passé. Ceci a donné l’idée à Denis Plane de vous proposer un petit jeu autour de cette question de la dualité. Je vous préviens, c’est (très) difficile !
Bonne lecture à tous !
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