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19 juin 2015

ENJEUX ET DÉFIS DE LA FORMATION DES PILOTES DE CHASSE

Publié par Olivier Le Bot | N° 106 - Le Rafale

Former, c’est d’abord et surtout préparer l’avenir. Former, c’est transmettre des compétences. L’enjeu de la formation des pilotes de chasse de l’Armée de l’air est donc de parvenir à transmettre des compétences maîtresses et stratégiques, en étant sûr que le niveau délivré correspond à ce qu’attendent les unités de combat, sans toutefois pouvoir s’appuyer sur des moyens infinis, ni en temps, ni en finances.


Le projet Cognac, et le programme d’armement corollaire FoMEDEC, est un projet innovant qui permettra à l’Armée de l’air de moderniser et d’optimiser la formation des équipages « chasse » en l’adaptant aux technologies des avions de chasse modernes, tel que le Rafale, avec un très haut niveau d’ambition tout en étant source d’économie et en réduisant la durée de formation.

Qu’est-ce qu’un pilote de chasse aujourd’hui ?

 

Comme ses glorieux anciens, le pilote de chasse d’aujourd’hui et de demain devra savoir maîtriser une machine d’une puissance extrême, exigeant rigueur, dextérité, discernement, adaptabilité, des capacités aigües d’anticipation et de décision et un sang-froid à toute épreuve afin de réagir rapidement et faire face aux aléas et dangers de la troisième dimension.

Au-delà de ces capacités, il devra également être un « manager de système d’armes », capable d’intégrer et de synthétiser un volume toujours plus important d’informations afin d’analyser en permanence et avec sagacité des situations tactiques complexes, et ainsi être en mesure d’adapter le déroulement de sa mission en vue d’atteindre les objectifs assignés.

L’outil de formation doit absolument combiner le développement de cette dualité, de ces deux visages indissociables du pilote de chasse, en particulier pour les pilotes de Rafale, un système omnirôle1 et en constante évolution, ce qui nécessite des compétences toujours plus pointues, dans l’ensemble des missions à conduire par les équipages Rafale. Ce contexte, auquel s’ajoutent les contraintes de plus en plus drastiques sur la durée et le coût de la formation, est à l’origine du défi posé à l’Armée de l’air de moderniser et adapter la formation des pilotes de chasse.

Cognac, un projet permettant de moderniser et pérenniser la formation des équipages « chasse »

La formation basique des pilotes de chasse est aujourd’hui réalisée en deux temps. La première partie, appelée « pré-spécialisation chasse », a lieu sur la base aérienne de Cognac, sur TB30 Epsilon, tandis que la seconde, dite « spécialisation chasse », s’effectue sur les Alphajet qui équipent la base aérienne de Tours.

L’Epsilon et l’Alphajet accusent leur âge. A l’horizon 2016, les TB30 seront en service depuis 30 ans, les Alphajet de l’Ecole de Chasse depuis 35 ans, et surtout, sans amélioration significative de leurs systèmes. Ces appareils ne sont plus adaptés à la formation d’équipages qui mettent en œuvre des appareils de dernière génération comme le Rafale. En effet, l’absence de système de mission moderne ne permet pas l’acquisition précoce des compétences pourtant indispensables à la gestion de systèmes complexes.

La vision Cognac s’inscrit ainsi dans une démarche de refonte globale de la formation des équipages de l’Armée de l’air, qui vise à optimiser leur adaptation aux appareils de dernière génération. Elle s’appuie notamment sur l’acquisition d’un avion de formation doté d’une avionique moderne, dont les systèmes intégrés de gestion de mission répondent aux mêmes logiques que ceux des chasseurs de première ligne. Il en découlera un cursus de formation nouveau, dans lequel l’apprentissage simultané des maniements du vecteur et de son système, la part accrue de la simulation, au sol et embarquée, et le concept de downloading2 permettront d’élargir le périmètre de la formation tout en réduisant le volume d’heures de vol total à réaliser.

Ce nouveau programme permettra de mieux préparer les pilotes de chasse à leur futur environnement, de réduire la durée de leur formation d’environ six mois grâce à la fusion de deux phases en une. L’apprentissage, aujourd’hui réalisé sur deux types d’avion différents, se fera sur un seul aéronef à l’avionique beaucoup plus moderne.

Un système de formation modernisé ouvert aux coopérations internationales

Fort de l’expérience franco-belge réussie d’AJeTS3 et de multiples actions bilatérales, le projet Cognac sera naturellement ouvert à plusieurs formes de coopérations. La future école aura, en effet, vocation à former des pilotes de chasse au profit de nos partenaires européens, renforçant l’Europe de la défense et l’interopérabilité de nos armées de l’air, mais aussi d’autres nations souhaitant bénéficier du savoir-faire français en la matière, voie d’entrée privilégiée pour un éventuel emploi d’équipements français au sein de leurs armées de l’air.

Un projet permettant la mise en place de la différenciation de l’entraînement au travers d’un deuxième cercle de pilotes de chasse

Dans un cadre budgétaire toujours plus restreint, il faut également relever le défi de disposer d’équipages en nombre suffisant tout en ayant la capacité de leur fournir un niveau d’entraînement à même de garantir une extrême réactivité et un haut niveau de performance4. Face à un format de l’aviation de chasse en forte réduction, la différenciation de l’entraînement apparaît comme le seul moyen de respecter ces exigences afin de permettre à l’Armée de l’air d’être en mesure de remplir ses contrats opérationnels. Ainsi au-delà d’un « premier cercle » de pilotes immédiatement employables dans tout le spectre des opérations, un « deuxième cercle » de pilotes s’appuyant sur un entraînement régulier sur avions d’armes et sur des moyens de substitution (avion de complément, simulation) suffisamment évolués, sera capable de rapidement monter en puissance. Ce deuxième cercle pourra suppléer le premier pour certaines missions, notamment dans les opérations dites de « faible intensité », conférant à l’Armée de l’air la capacité à durer et à intervenir sur plusieurs théâtres simultanément.

Un projet vertueux qui répond aux défis de la formation des pilotes de chasse

Extrêmement novateur et audacieux, le projet Cognac répond donc à de multiples enjeux. Il modernisera et améliorera la formation des pilotes de chasse, pour un coût moindre, et offrira à la France des opportunités de coopérations internationales en proposant une alternative attractive et de haut niveau pour les pilotes étrangers. Il permettra également de mettre en œuvre les principes d’entraînement différencié, avec la création d’un deuxième cercle de pilotes de chasse, rendant possible le respect des contrats opérationnels de l’Armée de l’air dans le cadre du format de l’aviation de chasse défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et en diminuant le coût du maintien des compétences de ses équipages.  

 

Le cockpit du Rafale

 

La planche de cursus formation

 

    
Olivier Le Bot, IGA
Olivier Le Bot (EA95) est pilote de chasse et totalise 2 500 heures de vol et 127 missions de guerre. Après avoir commandé l’Ecole de Transition Opérationnelle (formation au combat aérien des pilotes de chasse), il est officier de cohérence en charge de l’expertise dans les domaines de la simulation et de la formation des pilotes de chasse.
 

Auteur

Olivier Le Bot

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