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Munitions récupérées...
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25 juin 2022

LA DÉPOLLUTION PYROTECHNIQUE NE CONNAÎT PAS LA CRISE !

Éliminer les vieilles munitions, on en a pour 700 ans. 


Chaque année, rien qu’en France, plus de 500 tonnes de munitions non explosées sont retrouvées.

Les munitions des dernières guerres mondiales n’explosaient en effet que pour environ 70 à 80 % d’entre elles. Des obus qui n’ont pas explosé, enfouis sous des mètres de terre, finissent par être découverts et des bombes sont mises à nu lors de terrassements ou par effet du gel, voire des vibrations, même si elles sont plus denses que le sol. 

L’avenir est donc dégagé pour les équipes de la sécurité civile ou les entreprises qui neutralisent ces munitions sur place lorsqu’elles sont jugées intransportables, mais aussi celui des entreprises capables de démanteler celles qui sont transportables par des procédés techniques dérisqués. 

Parmi les sociétés de dépollution, déminage et démantèlement pyrotechniques, on peut citer EURENCO qui a repris une bonne part des activités de SNPE, MBDA, Ariane Group, SNPE, EOD-EX filiale de VEOLIA, SUEZ Remédiation, Navarra TS, Alsetex, Geomines, Deminetec, Uxomap…

Toute la difficulté est de brûler la charge explosive et de ne pas provoquer son explosion… Plus elle est vieille, plus c’est difficile ! 

Pour les munitions chimiques, c’est le site de traitement SECOIA d’Ariane Group qui permettra de les éliminer. SECOIA est l’acronyme de « Site d’Elimination des Chargements d’Objets Identifiés Anciens », sans même le mot chimique, quelle pudeur ! Le transport des vieux obus chimiques jusqu’à cette usine a été sans aucun doute particulièrement étudié…

Outre ces munitions dispersées dans la nature, il faut démanteler celles qui sont arrivées à péremption ou qui n’ont plus d’utilité, voire même dont l’emploi est interdit, comme par exemple les roquettes à sous munitions antipersonnel. 

La France avait encore 22000 de ces roquettes en stock il y a une dizaine d’années et une usine de démantèlement a été construite depuis par MBDA à Bourges pour les éliminer (découpe au jet d’eau sous pression et brûlage de la matière active dans un four spécifique). Cette usine est aussi capable de traiter des bombes, des obus et des leurres. 

Sans cette usine, des dizaines de camions chargés de munitions traverseraient encore la France de nuit vers les usines italiennes, allemandes et espagnoles.

Les réserves de munitions à éliminer sont titanesques. Il faut ajouter celles qui ont été immergées intentionnellement ou accidentellement dans les lacs et mers du globe.

Un Liberty Ship, le Richard Montgomery, est encore échoué depuis 1944 dans l’estuaire de la Tamise avec 14000 tonnes de munitions à bord, capables de l’explosion non nucléaire la plus importante de l’histoire.

 

 

Les mâts du Richard Montgomery, dans l'estuaire de la Tamise

Mais les munitions ne sont pas les seules à polluer nos sols et mers. Les sols des usines de fabrication de munitions ont accumulé des quantités de matières dangereuses, notamment de la nitrocellulose et de la nitroglycérine. En outre, les usines françaises, sous exploitation allemande, ont été allégrement bombardées pendant la seconde guerre mondiale par les alliés. 

C’est notamment le cas de l’ex-poudrerie de Braqueville à Toulouse. C’est sur le périmètre de cette ancienne usine que ce trouvait l’usine AZF et se trouvent encore, entre autres, des installations de la SNPE. Ces emprises sont maintenant occupées, après dépollution des terrains, par le canceropôle de Toulouse. 

Aujourd’hui, si le diagnostic de pollution pyrotechnique est obligatoire, la dépollution des terrains militaires cédés au civil n’est nécessaire qu’en fonction de l’utilisation prévue des terrains.

Mais une partie de l’ex-poudrerie reste problématique : les ballastières, étendues d’eau artificielles qui permettaient de maintenir en sécurité des matières pyrotechniques (poudres à base de nitrocellulose) en les immergeant. Il y a bien eu des dépollutions partielles avec brûlage à l’air libre des poudres, ce qui n’est certes plus écologique, mais des milliers de tonnes de poudres se trouvent encore immergées à quelques mètres de profondeur à proximité de l’oncopôle. 

La zone de ces ballastières, sanctuarisée, est devenue une réserve Natura 2000, un paradis pour la flore et la faune locales… Les estimations de la quantité de poudre restante ont certes baissé (de près de 46000 début 2000, on parle aujourd’hui de 5000), mais son élimination serait encore à faire, nécessiterait des fours spécifiques et coûterait très cher. 

Ainsi la dépollution de l’ex-poudrerie d’Angoulême a demandé 15 ans et coûté 170 millions d’euros… On craignait que la pollution de ses sols ait pu conduire à la formation de cavités souterraines aux parois recouvertes de nitrocellulose, voire de nitroglycérine cristallisée, qui sait ? C’est surtout de la nitrocellulose qui fut trouvée dans le sol, Ouf ! Un magnifique livre a été publié par SNPE « La poudrerie d’Angoulême 1819 - 2019 » ; on y trouve l’historique de la poudrerie et de sa dépollution. 

Les installations spécifiques d’EURENCO/SNPE qui ont permis la dépollution à Angoulême, une fois démontées, pourraient d’ailleurs avantageusement servir sur d’autres sites, dont celui de Bergerac puis celui des ballastières de Toulouse.

Les ballastières de Toulouse avaient été acquises par AZF puis, après l’explosion de 2001, reprises par le ministère de la Défense moyennant une réfaction préalable de la clôture, car des visiteurs anonymes venaient faire des récoltes de bandelettes de nitrocellulose sur les rives de ballastières, la poudre à base de nitrocellulose étant un allume-feu très efficace …

L’avenir du site est encore en discussion : dépollution très onéreuse et incompatible avec Natura 2000 ? Stockage sécurisé pour des siècles ?

 

 

En rouge, localisation des ballastières de Toulouse 

L’élimination des munitions et des pollutions pyrotechniques a donc encore, hélas, un bel avenir. Les innovations y ont toute leur place : absorption par les plantes, les champignons, voir rien du tout pour les munitions « vertes » qui laissent sur le site le moins de produits nocifs pour l’environnement… Diable ! 

 

 

 

Xavier Lebacq

IGA, consultant Xavier Lebacq a effectué une grande partie de sa carrière à la DGA dans une large palette de métiers, dont celui de directeur de programme du PA CDG. Après avoir supervisé les études du second porte-avions, il s’attela au démantèlement du Clémenceau puis de tous les matériels militaires avant de quitter l’administration en 2010

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