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01 juin 2017

RÉVOLUTION ANNONCÉE RISQUES ET OPPORTUNITÉS POUR LA GÉNÉRATION « H »

RISQUES ET OPPORTUNITÉS POUR LA GÉNÉRATION « H »

 

Face à un contexte de marché en rapide mutation, l’industrie des hélicoptères doit faire sa révolution.


Il y a cinquante ans, le prototype de la Gazelle prenait l’air pour son vol inaugural. Premier hélicoptère équipé d’un fenestron et de pales en composite, la Gazelle était alors la digne ambassadrice d’une industrie de l’hélicoptère à la pointe de l’innovation. Cet appareil devait connaître dans le monde entier un succès notable, notamment auprès des clients militaires : plus de 1 200 exemplaires furent ainsi produits, et plus d’un tiers d’entre eux sont encore en service aujourd’hui. Nombreux doivent d’ailleurs être les lecteurs de ces pages qui ont, au cours de leur carrière, pu faire l’expérience de son confort « rustique », de sa robustesse, de sa polyvalence et de sa redoutable agilité.

En un demi-siècle, l’industrie française et européenne de l’hélicoptère est restée fidèle à ses valeurs fondamentales d’innovation et d’excellence. Dans le domaine civil comme militaire, les hélicoptères ont bénéficié d’efforts continus en matière de recherche et technologie, permettant au fil des décennies à la Gazelle de se muer en Tigre, à l’Alouette de devenir Ecureuil, le tout afin de répondre aux exigences croissantes de nos clients en matière de sécurité, de performances et de compétitivité. C’est grâce à ces produits toujours plus fiables, performants et innovants qu’Airbus Helicopters est devenu leader mondial dans le domaine civil, et l’un des acteurs de premier plan dans le domaine militaire.

Un demi-siècle de stabilité

Mais si nos produits ont évolué, l’environnement dans lequel nous avons opéré pendant plus de cin- quante ans a, quant à lui, bénéficié d’une grande stabilité. Les missions fondamentales des hélicoptères n’ont pas changé : outil au service des citoyens, ils protègent et sauvent des vies, transportent des passagers dans les conditions les plus difficiles et participent à la sécurité de soldats de toutes nationalités en opérations extérieures. Les grandes tendances du marché sont elles aussi restées relativement inchangées : dans le domaine civil, Europe et Etats-Unis ont historiquement tiré les livraisons vers le haut, tandis que le secteur pétrolier et son besoin en hélicoptères lourds contribuait à assurer la profitabilité de notre industrie. Quant au marché militaire, bien qu’impacté par l’effondrement de l’URSS et la réduction des budgets de défense, il a continué à porter le développement de machines développées spécifiquement pour les besoins des forces armées, à l’image du Tigre et du NH90 – deux projets qui ont par ailleurs contribué à consolider notre industrie autour des deux grands acteurs européens de l’hélicoptère que sont aujourd’hui Airbus Helicopters et Leonardo.

Changement de paradigme

La décennie écoulée a cependant laissé une marque indélébile sur notre activité, et peut être vue comme un tournant dans l’histoire de notre industrie. Cette longue phase de stabilité relative a été profondément remise en question par les différentes crises économiques qui se sont succédé depuis 2007, et plus encore par la crise du pétrole qui affecte notre industrie depuis 2015. Le marché de l’hélicoptère civil a atteint en 2016 son point bas depuis une décennie, sans qu’une reprise significative ne se profile à court terme.

La stabilité a laissé place à une période d’incertitude et de changements rapides. Pour la première fois en 2016, la Chine est devenue le premier marché d’Airbus Helicopters, passant devant les Etats-Unis. Le secteur pétrolier, affecté par un baril bas et une forte surcapacité en hélicoptères lourds, offre peu de perspectives à court terme aux hélicoptéristes mondiaux. Dans le même temps, de nouveaux acteurs ambitionnent de jouer un rôle dans le domaine des solutions de décollage/atterrissage vertical, et pas une semaine ne passe sans lancement d’un nouveau projet de « taxi volant » venu de Chine ou de la Silicon Valley.

Parallèlement, de nombreux pays relancent leur effort de défense, en Europe comme en Asie. Devenu incontournable sur tous les théâtres d’opérations, l’hélicoptère s’impose comme un outil indispensable à la modernisation des forces armées de toutes tailles, qui souhaitent disposer d’appareils éprouvés, polyvalents, simples et économiques à mettre en œuvre.

Cette période de crise est une opportunité formidable d’opérer des changements radicaux dans notre façon de concevoir, développer, fabriquer et soutenir des hélicoptères, et de remettre en cause certains des fondamentaux qui ont guidé notre industrie pendant plus d’un demi-siècle. Porté par un plan de transformation lancé en 2014, Airbus Helicopters s’est donné les moyens d’être à la pointe de cette révolution annoncée.

Révolution industrielle

Le H 160, dernier-né de la gamme Airbus Helicopters, est l’un des meilleurs ambassadeurs de cette révolution engagée. Cet appareil de moyen tonnage, qui doit entrer en service en 2019, amène avec lui un modèle industriel radicalement nouveau pour Airbus Helicopters, et pour l’industrie des voilures tournantes dans son en- semble. L’objectif est simple : réduire nos cycles et spécialiser nos sites de production afin de gagner en qualité et en compétitivité, et inaugurer un schéma industriel qui sera appliqué à tous nos développements futurs.

Développé avec l’aide de bancs d’essais statiques et dynamiques novateurs, le H 160 sera produit sur une chaîne d’assemblage entièrement nouvelle, inspirée de l’industrie automobile et de celle des avions commerciaux. Cette chaîne va révolutionner la façon dont nous fabriquons nos hélicoptères : assemblés, équipés et testés sur leurs sites de production respectifs en Europe, différents modules (fuselage, poutre de queue, éléments dynamiques) convergeront vers Marignane pour y être assemblés en 18 semaines, soit deux fois plus rapidement que les appareils de la génération actuelle. La numérisation complète de nos ateliers – le « digital shopfloor » - permettra quant à elle d’augmenter la qualité de nos produits et piloter plus finement notre activité de production.

Conçu pour être entretenu de façon optimisée, le H 160 est également au cœur de notre stratégie en termes de services et de soutien client : offrant un environnement de maintenance plus simple et numérisé, l’appareil bénéficiera aussi d’une stratégie « big data » de collecte et d’analyse des données enregistrées par l’hélicoptère afin d’améliorer considérablement le diagnostic et la résolution de problèmes, la disponibilité des flottes et ouvrir la voie à de futures logiques de maintenance prédictive.

Saut générationnel

Premier hélicoptère de la « génération H » et ambassadeur de la transformation d’Airbus Helicopters, le H 160 a récemment été confirmé par le ministère de la Défense comme la base du futur programme HIL, visant à remplacer six flottes d’hélicoptères des trois armées par un appareil unique pour remplir un vaste spectre de missions. Plutôt qu’un développement spécifique, c’est donc sur une machine certifiée aux standards EASA et conçue avec de fortes exigences de réduction des coûts pour les opérateurs civils que s’appuieront les forces – par ailleurs associées au développement du H 160 très en amont – pour développer leur nouvel outil d’entraînement et de combat. Un autre changement de paradigme dans la façon de concevoir l’hélicoptère militaire et la relation client-fournisseur.

Près de soixante ans après le premier vol de sa vénérable héritière, qu’il sera amené à remplacer dans l’armée de Terre, le H 160 devrait donc venir succéder à six flottes d’hélicoptères – Gazelle compris – au cours de la prochaine décennie, pour rester en service au-delà de 2050. Amenant avec lui plus d’un demi-siècle d’innovation et d’excellence, le dernier-né de l’indus- trie européenne de l’hélicoptère reste fidèle aux valeurs qui avaient présidé à la conception de son illustre ancêtre. Mais il porte également dans son ADN les mutations d’une entreprise qui a dû s’adapter pour maintenir son leadership et sa résilience au tournant du millénaire, face à une compétition farouche et un marché en rapide évolution. Un gage de réussite pour les 50 ans à venir !

    
Guillaume Faury, ICA Président directeur général d’Airbus Helicopters
Guillaume Faury (X, Supaéro) a débuté sa carrière professionnelle à la DGA, chargé des activités d'essais en vol du Tigre, avant d’occuper de 1998 à 2008 diverses fonctions au sein d’Airbus Helicopters. De 2009 à 2013, il est Directeur Exécutif de la Recherche et du Développement de Peugeot SA. Il est Président d’Airbus Helicopters depuis mai 2013.
 

 

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