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01 octobre 2017

DÉFENDRE LA NATURE POUR LA LÉGUER À NOS ENFANTS

« Il existe en Afrique le concept d’ubuntu : le sentiment profond que nous ne sommes humains qu’à travers l’humanité des autres ; que s’il nous est donné d’accomplir quelque chose en ce monde, le mérite en reviendra à parts égales au travail et à l’efficacité d’autrui » Nelson Mandela


Ma fonction d’adjoint au Maire chargé de l’Environnement et du Développement Durable n’est pas bénévole : je reçois tous les mois une gratification d’environ 1 000 € pour un engagement quotidien, des permanences, des dossiers environnementaux souvent complexes à instruire pour le conseil municipal, des échanges réguliers avec les habitants de la commune qui parlent de leurs problèmes, souvent dans leur intérêt particulier et rarement dans l’Intérêt Général. Cela m’occupe un bon quart de mon temps.
Je ne suis pas adjoint au maire pour des raisons financières : il y a une grande part de désintéressement dans cet engagement au service de l’Environnement et de la Nature.
D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu d’appétence pour la chose politique. J’aime la franchise et la droiture et je dis les faits comme ils sont, en essayant de ne pas porter de jugement de valeur. J’ai passé mon enfance à courir dans la Nature avec mon frère. Dès l’âge de 10 ans, équipés de cordes, nous étions des hommes des bois qui connaissions par cœur chaque arbre de notre territoire, chaque branche de chaque arbre pour y avoir grimpé des dizaines de fois.
J’aime les arbres, les animaux et la Nature. Ce qui me fait mal, c’est de voir qu’à notre époque, tous les 10 ans en France, l’équivalent d’un département français est recouvert de bitume et de ciment.

« A NATION THAT DESTROYS ITS SOILS DESTROYS ITSELF. FORESTS ARE THE LUNGS OF OUR LAND, PURIFYING THE AIR AND GIVING FRESH STRENGTH TO OUR PEOPLE. » FRANKLIN D. ROOSEVELT

Élu local ou patron de startup ?
En 2013, à l’échelle de ma ville, j’avais l’impression que les grands arbres et notre Nature disparaissaient comme de simples variables d’ajustement d’une politique dédiée à la construction des bâtiments, des routes et des centres commerciaux et qu’ils étaient sacrif és sur l’autel de la croissance et de l’économie, comme si la Nature, qui n’a pas de personnalité morale, n’avait aucune valeur alors que l’Homme lui doit tout. Je ne pouvais plus accepter cette destruction.
Alors je me suis rapproché de l’équipe d’opposition municipale et j’ai commencé par distribuer des tracts pour alerter la population sur des destructions environnementales dans la commune. Contre toute attente, le chef de notre opposition municipale de l’époque m’a proposé de rejoindre son équipe, puis après sa victoire, il m’a proposé le poste d’« Adjoint au maire - Délégué au développement durable, au patrimoine naturel, à la transition énergétique, à l'innovation » dans cette ville de la métropole bordelaise de 30 000 habitants.
Malgré la charge prévisible, et alors que j’étais chef d’entreprise, j’ai accepté la proposition du futur maire de Saint-Médard-en-Jalles. J’ai délégué tout ce que je pouvais pour pouvoir relever mes deux challenges en parallèle : mon métier de patron de start-up, principalement sur Paris, et mon mandat d’élu local.

Tout le monde veut sauver la planète mais personne ne veut abandonner sa voiture pour les transports en commun et le vélo
Être adjoint à l’environnement, c’est vivre un paradoxe. Chacun a l’intuition qu’il faut protéger l’Environnement. Pourtant, individuellement, le poids de l’habitude et des égoïsmes triomphent. Je crois que le changement passe davantage par le renouvellement des générations que par la pédagogie à destination de ceux qui ont fait les trente glorieuses et la société de l’automobile-reine. Les enfants sont les plus sensibles à la Nature : ils éduquent leurs parents et leurs grand-parents.

« LES IDÉES N’ONT DE VALEUR QUE SI ELLES S’INCARNENT, AU PRÉSENT ET AU QUOTIDIEN, DANS DES ACTIONS AU PLAN LOCAL. »

Il n’est pas toujours facile de vivre sereinement son engagement d’adjoint au maire à l’Environnement dans un contexte globalement assez peu favorable à la protection de la Nature. Pourtant, pour être écouté, il ne faut pas être perçu comme un extrémiste et savoir se montrer solidaire de l’équipe en place, constructif, coopératif et productif. Il faut donc savoir positionner le curseur au bon niveau sans lâcher sur l’essentiel. Il y a un travail régulier de visite aux particuliers qui écrivent leurs doléances af n, par exemple, de les sensibiliser à la préservation des grands arbres.


L’adjoint au Maire doit consacrer beaucoup de temps à ses concitoyens. Cela commence par les permanences qui reviennent 3 à 4 fois par an. J’ai ainsi eu à intervenir avec les gendarmes et la police municipale dans des situations diff ciles (tentative de suicide ou folie, drames de la misère). Je dois assurer la présidence de mon bureau de vote les dimanches d’élection, parfois 10 heures d’aff lée sans repos ! Il y a aussi les moments heureux tels que les célébrations de mariage. Je m’efforce d’adapter mon discours à la situation personnelle des mariés et de leurs proches pour faire de chaque union un moment unique et fondamental.

 

Pour le Conseil municipal, j’instruis soigneusement des dossiers d’installations classées en m’adossant à des faits concrets et des arguments juridiquement recevables. Puis je dois ensuite gérer politiquement la conclusion qui s’impose logiquement à l’issue de l’analyse. Il faut aussi être vigilant vis à vis de l’exemplarité de l’action municipale af n qu’elle soit en conformité avec les chartes votées en Conseil municipal et être force de proposition sur des domaines que ne font pas toujours consensus (préservation des arbres morts, révision du règlement pour lutter contre les murs en parpaings et promouvoir des clôtures naturelles, politique sur les déchets verts, le « zéro-phyto », extinction des éclairages publics la nuit…). Être adjoint à l’environnement, c’est s’engager au service des générations futures et de la préservation de la biodiversité face à toutes les menaces que le dérèglement économique fait peser sur elle. C’est raisonner et argumenter en homme libre de toute pression et pleinement responsable, conscient de l’urgence du changement à opérer face au dérèglement climatique mondial.
C’est avoir la conviction que les idées n’ont de valeur que si elles s’incarnent, au présent et au quotidien, dans des actions au plan local, là où il est possible d’agir et où il faut savoir faire de la pédagogie, convaincre, résister, ne pas transiger, et transformer les « impossible ! » en « nous l’avons fait ! ». C’est être aussi convaincu qu’opposer l’économie et l’écologie n’est plus aujourd’hui un argument recevable et que ceux qui osent encore l’utiliser n’ont pas compris les enjeux de l’Humanité sur le long terme, s’accrochent à une idéologie de la croissance et spéculent sur la peur du chômage. C’est en protégeant notre environnement que nous créerons les emplois de demain et offrirons à nos enfants la possibilité de vivre sur une planète accueillante.
C’est enfin incarner ses idées dans son mode de vie : déplacement à vélo, nourriture majoritairement végétarienne, locale et bio, recyclage de l’eau de pluie, compostage de la totalité des déchets ménagers et du jardin, jardin sans pesticides et géré pour favoriser la biodiversité (herbes sauvages préservées, tonte espacée), recours au commerce local et circulaire pour ses achats, lutte contre toutes les formes de gaspillage et l’utilisation du plastique.

 


Thierry Leblond, IGA Président de Scille, adjoint au maire de Saint-Médard-en-Jalles (Gironde)

Thierry Leblond a travaillé à la DGA, dans le groupe Safran, et a contribué à la DGSIC à la gouvernance et la standardisation des systèmes d'information. Il a dirigé en 2008 le Plan de Vidéoprotection pour Paris. En 2014 il crée Scille, architecte informatique libre, pour l’expertise de sécurité et de transition digitale agile à la pointe des technologies de l'internet.

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